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    Les dits du vendredi

    Cette bonne vieille route de Bagnères-de-Bigorre… regard de Christian Laborde
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    Pas trop de circulation, aucun camion, je rejoins Bagnères-de-Bigorre. Je vais causer du Tour de France, dans la ville chère à Laurent Fignon. Et je retrouve donc, au départ de Tarbes, au volant de ma caisse, cette bonne vieille route de Bagnères, celle que je sillonnais sur mon vélo Peugeot quand j’avais quatorze ans.

    Un vélo laqué de blanc, frappé du lion. Des anneaux arc-en-ciel étaient peints sur le tube vertical du cadre. Ils rappelaient que Tom Simpson avait été champion du monde sur cycles Peugeot, le 5 septembre 1965, à San Sebastian, sous la pluie.

    Cette bonne vieille route de Bagnères-de-Bigorre longe l’aérodrome de Laloubère d’où continuent de décoller, à l’heure des longs courriers, de fragiles coucous, également des avions à peine plus gros à bord desquels prennent place des parachutistes dont les toiles multicolores ne tardent pas à se déployer dans un ciel calme. L’homme n’est pas seulement prédateur : Il est aussi ce jardinier des nuages qui fait éclore des marguerites, des pivoines, dans l’azur. Cet azur qui, dès l’aube, s’accoude au zinc des Pyrénées. Dans le 65, l’azur picole un max. Mais c’est sans conséquence, car il ne conduit pas.

    Cette bonne vieille route de Bagnères-de-Bigorre, lors de la traversée de Trébons, fleure bon non Shalimar mais le Cébar, variété d’oignon sucrée que l’on cultive, sur place, depuis le XVIIIe siècle. Semé à la saint-Dominique, repiqué à l’automne, cueilli en mai, l’oignon de Trébons fait un malheur dans les marmites. Et la tarte à l’oignon sucrée est aussi réputée en Bigorre que la « tarte aux poils » dans les romans de San Antonio. Puisqu’il est question de littérature, rappelons que la chapelle Notre-Dame de Hourcadère, à Trébons, abrite le tombeau de Joseph-Alexandre de Ségur, grand-oncle de la comtesse de Ségur et auteur lui-même de poèmes et de chansons.

    Cette bonne vieille route de Bagnères-de-Bigorre, quand j’avais quatorze ans, je la quittai après la traversée de Montgaillard. Je tournais à droite et prenais la direction de Lourdes afin d’escalader la côte de Loucrup. Une côte sévère, un nom fabuleux. Dans son Histoire des noms de Bigorre, imprimé à Bordeaux en 1960, chez Taffard, 6, rue Métivier, Osmin Ricau ne dit rien à propos de ce nom « Loucrup », orthographié Lo Crup en 1429, puis Lou Crup en 1635. Lou Crup est l’équivalent gascon du français La Croupe. Une croupe dont le sommet n’arrive jamais. Il y a loin de la croupe aux lèvres quand on n’a pas les jambes.

    Cette bonne vieille route de Bagnères-de-Bigorre, mène au col d’Aspin, le premier que j’ai grimpé sur mon Peugeot, en me prenant pour Bernard Thévenet. Le col d’Aspin est d’abord un col délicieux, le col de l’ombre et du vent léger, l’ombre des sapins, des sapins de Payolle, le vent de Sainte-Marie de campan qui ne songe même pas à franchir le sommet du col. Le col d’Aspin est le col du Tour et des familles, des familles qui dressent la table de camping à l’ombre des sapins de Payolle pour applaudir Raymond Poulidor, Jacques Anquetil et Yvette Horner.

    On me dit qu’Yvette Horner serait morte. Il suffit de se balader dans le col d’Aspin pour comprendre qu’il s’agit encore de fake news. On n’a pas besoin de tendre l’oreille, en marchant sur l’herbe d’Aspin pour entendre un air d’accordéon. Qui joue de l’accordéon Cavagnolo dans Aspin ? Vevette ou le vent ? Les deux.

    Christian Laborde

    www.christianlaborde.com

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