Je dis ça je dis rien...

Oui, monsieur le juge aux affaires gourmandes (JAG), oui ma cliente est "addict" depuis des années. Elle le concède et avoue même que l'envie la prend à toute heure du jour ou de la nuit. La moindre angoisse, et vlan, il lui faut sa dose. Massive. Et monsieur le procureur aura beau arguer que c'est mauvais, très mauvais pour sa santé, avec ce sucre à 70%, et ces débordements d'huile de palme, rien n'y fera.

Car l'addiction au produit qui nous intéresse aujourd'hui, monsieur le juge, à savoir le Nutella, est une toxicomanie affreuse, dont il est difficile de décrocher. La récidive qui nous conduit devant vous monsieur le juge s'est produite à l'occasion des 50 ans de la pâte chocolatée incriminée. Car, à l'occasion de la bombance chez Ferrero, le coupable, on en a découvert des pralines et des pas sucrées !

C'est que, monsieur le juge aux affaires gourmandes…

…ma cliente n'est pas si coupable, loin s'en faut. Point du tout. Elle a la dépendance légère, infime, oserions-nous dire imperceptible (oui, cher procureur, sauf sur ses hanches, objection acceptée). Mais le crime ne vaut que s'il est ostentatoire en la matière - cacaotée -, et ma cliente n'est rien moins qu'une petite amatrice, sybarite de passage, béotienne de la gloutonnerie de masse.

En revanche, suivez mon regard, il y a des cas qui feront ici jurisprudence, n'en doutons pas. Disséminés sur une planète aux allures de gros bonbon acidulé, dans un monde où les virtuels sont accros à Candy Crush, le jeu où il faut dégommer des friandises colorées, cinq accusés concentrent à eux seuls la folie Ferrero.  Allons-y directement, monsieur le juge, car ma plaidoirie ne nécessite aucune mise en bouche préalable.

Tenez, ces aficionados américains qui ont ouvert, fin 2013, le premier bar à Nutella en plein Chicago, c'est pas meurtrier ça ? L'ouverture a suscité, je cite, "l'hystérie collective". Tu m'étonnes ! Vous m'en mettrez deux pots, avec du pain frais, et un bon gros chocolat au lait pour faire descendre tout ça... Jamais, au grand jamais, ma cliente ne serait aperçue dans un pareil endroit (ok, simplement au motif que Chicago, c'est pas la tartine à côté).

Mais avant eux, dès avril 2013, la petite ville allemande de Bad Hersfeld avait été témoin d'un braquage peu ordinaire : des malfrats y avaient pris le large, emportant leur précieux (oh ouiiii !) butin, soit cinq tonnes de Nutella... On imagine qu'ils n'ont eu aucun mal à écouler la marchandise.

Car impossible de croire que c'était pour leur consommation uniquement personnelle, pas vrai ? Jamais, au grand jamais, ma cliente ne se serait acoquinée avec des "truffes" pareilles (ok, simplement au motif qu'elle a eu beau les chercher partout, elle non plus ne les a pas retrouvés, arghhhh. Elle est restée "chocolat" !).

Tandis que l'Université de Colombia (New York) a été obligée de démentir une rumeur sur le fameux Nutella Gate qui l'affligeait, début 2014. Oui, contrainte à révéler qu'elle ne commandait absolument pas pour 5.000 dollars de pâte chocolatée par semaine pour approvisionner ses cafétérias, tandis qu'un trafic de 50 kilos par jour était organisé par ses étudiants peu scrupuleux mais gourmands à l'extrême.

Et ce que l'on a préféré, c'est l'argumentaire de l'Université : "Il est vrai que la demande était spectaculairement haute au début, mais l'investissement n'a jamais dépassé 2.500 dollars par semaine", s'est-elle défendue. Jamais, au grand jamais, ma cliente n'aurait été mêlée à pareille affaire (ok, simplement au motif que l'Université de Colombia, ce n'est pas non plus la tartine à côté).

Et ça, monsieur le juge, vous avez entendu parler de Nathan Wyburn ? Cette jeune Galloise s'est faite remarquer dans "Britain's got talent" (l'équivalent anglais de "La France a un incroyable talent") parce qu'elle peignait et que... oh my godddddd... elle peignait au Nutella ! Comme je vous le dis ! Ma cliente ? Je n'ai pas compris, elle a simplement dit "on en mangerait". Que voulez-vous, elle aime l'art (mais pas le cochon, juste le Nutella ! Elle a le vice unique).

D'ailleurs, si vous feuilletez le Guiness des Records, monsieur le JAG, allez voir ce que contient la rubrique "le plus grand petit-déjeuner au monde". Tiens, tiens, un énorme petit-déjeuner AU NUTELLA auquel se sont rendues 27.854 personnes, en Allemagne toujours, pays décidément très culinairement intéressant soudain. Ils sont d'ailleurs les premiers consommateurs mondiaux de la célèbre pâte à tartiner (suivis de la France, et de l'Italie).

À ce propos, monsieur le juge, ma cliente tient à solliciter officiellement la nationalité allemande. Que voulez-vous, elle a la fibre européenne (autant que chocolatée).

Dois-je vous rappeler monsieur le Juge que depuis 2007, et l'initiative de deux bloggeurs, le Nutella a sa journée Internationale ? Tous les 5 février, c'est fête ! Ce jour-là, monsieur le juge, à titre de prévention, je conseille à la cour de faire enfermer ma cliente, de solidement la ligoter et bâillonner, car je ne donne pas cher de ce fameux pot de 5 kilos sorti par la marque, et qui nargue le foie de la pauvre victime avec une concupiscence douteuse. Un peu de compassion serait bienvenue.

On n'est pas des voraces, non plus ! Souvenez-vous de Tullius, John G. de son prénom, il assurait : "Neuf personnes sur dix aiment le chocolat, la dixième ment."

Enfin, moi je dis ça... je dis rien.

Gracianne Hastoy