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Groupe Olano : le poids lourd sans fard et sans détour

En dépit de la difficile conjoncture de ces deux derniers mois, le groupe de transport et de logistique luzien a globalement bien résisté. Rencontre avec son président...
Nicolas OLANO
Marchés, clients, nouvelles plateformes, croissance externe, réseau Seafoodways, diversification, mouvement des gilets jaunes et développement local : Nicolas Olano fait avec nous le bilan d’une année de transition, mais riche en rebondissements.

Le tout sans complaisance ni langue de bois. On n’en attendait pas moins de cet entrepreneur parti de zéro, et aujourd’hui à la tête d’un groupe de 350 millions d’euros de revenus et de 2.300 employés.

Maintenant qu’elle est terminée, quel premier bilan tirez-vous de cette année 2018 ?

Nicolas Olano - On peut parler d’une année compliquée qui se termine tristement. Depuis plus d’un mois, on ne peut que constater les ralentissements de la consommation et de notre productivité, qui nous perturbent fortement. Nous avons beau venir en soutien de nos équipes, nous opérons essentiellement dans les produits périssables et ne pouvons nous permettre aucun retard intempestif. Pour avoir un ordre d’idée, sur le seul mois de novembre, nous avons enregistré 500.000 euros de pertes, contre un bénéfice d’un million d’euros en novembre 2017, soit un manque à gagner d’au moins un million et demi. Notre résultat se faisant essentiellement sur les deux derniers mois de l’année, via les filières des produits de la mer et des produits carnés, on peut déjà dire qu’il sera fatalement inférieur à celui de l’an dernier, et en grande partie à cause des récents mouvements sociaux. Par chance et pour rester sur une note positive, le groupe a continué de progresser organiquement, avec une croissance du revenu qui devrait se situer entre 7 et 9%.

Cette croissance structurelle a tout de même quelque chose de rassurant…

N. O. - Oui, mais la dégradation du compte de résultat n’est pas anodine. La conjoncture et ce mouvement des gilets jaunes nous auront coûté un demi-point de rentabilité (le taux de rentabilité du groupe devrait se situer autour de 2 %, NDLR), ce qui n’est pas rien, surtout pour une société de transport. Ce sont autant de moyens en moins pour nourrir nos investissements et notre politique sociale… Et puis il faut considérer l’impact global sur un secteur déjà sous tension, avec des entreprises d’envergure parfois modestes qui se retrouvent particulièrement exposées.

Vous avez communiqué cette année sur des opérations immobilières à Montauban et à Roquefort-sur-Soulzon. Dans quelle logique générale s’inscrivent-elles ?

N. O. - Nous avons une stratégie de développement par filières, avec 4 domaines d’activité aujourd’hui bien identifiés : produits de la mer, produits frais, produits carnés et surgelés. L’agrandissement et la rénovation de notre site logistique de Montauban devraient nous permettre de poursuivre notre développement dans la filière des produits carnés. La plateforme peut à la fois traiter des flux de carcasses de viande en cross-docking (c’est-à-dire une correspondance, avec réception et transfert de la marchandise sans stockage longue durée, NDLR) et assurer une distribution régionale multiproduits. Quant à l’ouverture du nouveau site Olano-Ladoux à Roquefort, l’idée était de nous doter d’une base régionale et d’améliorer la qualité du service rendu à la clientèle locale des industriels du fromage. Mais ce ne sont pas les seules opérations réalisées cette année. Dans la filière marée, nous avons lancé l’exploitation de deux nouveaux centres espagnols à Séville et à Miranda de Ebro. Dans le surgelé, enfin, nous avons augmenté de 7 000 palettes les capacités de stockage respectives de nos sites de Guarda, au Portugal, et de Valence, en Espagne. Nous investissons environ 40 millions d’euros par an dans des opérations de construction, d’extension ou de rénovation de plateformes.

Cette année, un nouveau prestataire a rejoint le réseau « Seafoodways », que vous aviez contribué à créer en 2014. Pouvez-vous nous dire deux mots de ce réseau ?

N. O. - L’objectif de ce réseau était de proposer aux clients une solution de distribution des produits de la mer à la fois performante et d’envergure européenne, en nous appuyant sur les capacités de transport des différents partenaires (à savoir STEF, qui a acquis cette année Express Marée, Olano, O’Toole, Kotra, Med Frigo et désormais le tchèque Hopi, NDLR). Pour le groupe Olano, cette filière historique de la marée représente 350.000 tonnes de produits frais traités chaque année, pour un chiffre d’affaires d’environ 100 millions d’euros. Grâce à ce réseau, les produits de la mer peuvent désormais être livrés sous 48 heures dans toute l’Europe. Nous avons aussi l’ambition de bâtir sous deux ans un réseau similaire, Frozenways, pour les produits surgelés. Fin 2019, nous devrions avoir achevé la création d’un maillage national, qui sera étendu en 2020 à toute l’Europe.

Jusqu’où peut-on collaborer ainsi avec des acteurs qui paraissent dans une certaine mesure des concurrents ?

N. O. - Nous ne considérons pas vraiment les grands acteurs comme STEF ou XPO comme des concurrents directs, mais plutôt comme des partenaires. Nous voyons d’un bon œil la présence de ces grands groupes qui tirent en France notre métier vers le haut. Plus concrètement, nous avons souvent été associés à STEF, avec lequel nous ne sommes pas réellement en concurrence dans les produits de la mer, et seulement dans certaines limites en concurrence dans la filière du surgelé. Sur ce dernier segment, nous assurons une distribution plutôt industrielle, avec une attache, des clients et des produits essentiellement régionaux, tandis que l’expertise d’un STEF va plutôt se fonder sur la capillarité de son réseau national. Sur les produits carnés, ensuite, il y a moins d’opérateurs traitant comme nous la viande en carcasse. Enfin, nous avons l’ambition de rester concentrés sur la zone Europe du Sud (Olano est principalement implanté en France, Espagne, Portugal et Italie, NDLR). Tout ceci fait que nous avons un profil qui demeure différent de celui des autres opérateurs.

Cet accent mis sur une « distribution industrielle » signifie-t-il que vous n’intervenez que dans une moindre mesure sur le transport aval ou pour la clientèle GMS ?

N. O. - Pas vraiment. Nous travaillons quand même beaucoup pour la GMS. Pour tout dire, Leclerc est même notre second client. Nous lui facturons12 millions d’euros de prestations. Environ 80 camions roulent chez nous pour son compte. Simplement, nous nous distinguons là encore d’autres acteurs en ce que nous assurons moins une distribution nationale au colis que du transport de lots. Et dans ce cas précis de Leclerc, nous opérons dans le surgelé mais non le frais. Finalement, sur ce marché, nous serions plutôt en concurrence avec la dizaine de transporteurs positionnés sur le groupage en ligne, type Godefroy, Madrias, etc. Plus globalement, notre activité se décompose comme suit : 54% du revenu est réalisé avec des industriels opérant dans la production agroalimentaire, 17% avec des acteurs de la GMS, 10% avec des acteurs de la restauration hors foyer, 10% avec des enseignes du surgelé (type Picard), et enfin 9% avec d’autres transporteurs. Nous avons donc largement diversifié nos sources de revenus.

On parle souvent d’Olano comme d’un gros transporteur, auquel sa flotte d’un millier de camions donne certes une forte visibilité sur nos routes. Mais que représente réellement la pure logistique d’entreposage et de préparation, moins visible, dans votre activité ?

N. O. - Il est vrai qu’on a beaucoup tendance à sous-estimer cette partie de notre métier. Pourtant, nous réalisons 70% de notre chiffre d’affaires sur le volet « logistique et distribution », dans le cadre de missions qui incluent nécessairement, au-delà du transport aval, des prestations de stockage, de préparation de commandes et/ou de co-packing (regroupement de produits dans un même conditionnement, NDLR). Dans le frais, nous gérons de nombreux dossiers comprenant ce type de prestations, comme par exemple ceux de nos fromagers d’Aurillac ou du chocolatier Lindt. Nous avons également de gros dossiers en Espagne : sur notre site de Valence, 400.000 rotations palette sont gérées pour le compte de Mercadona, enseigne à laquelle nous facturons 5,5 millions d’euros par an. Nous avons pour le frais, soit dans une fourchette de température allant de 2 et 14°C, une capacité totale de stockage de 350.000 m3. Sur le surgelé, cette capacité atteint un million de m3, soit 200.000 palettes. Le transport amont et les services ne représentent finalement que le tiers de notre activité. Sur les 1.000 camions de notre flotte, seuls 200 ne roulent que dans le cadre de missions de pur transport et de messagerie.

On n’a pas encore parlé de la diversification du Groupe Olano, en particulier dans les services immobiliers ou l’hôtellerie…

N. O. - Nous travaillons à cette diversification via notre holding Olano Services. Nous possédons désormais 3 hôtels, dont un quatre étoiles tout récemment rénové à Saint-Jean-de-Luz (Le Madison, voir notre récent article, NDLR), avec une forte orientation « business ». Cette structure nous permettra en effet d’accueillir nos relations d’affaires. Cet été, nous devrions y recevoir entre 100 et 200 clients. Également dans cette optique d’apporter du service à notre port d’attache, nous continuons de développer l’activité de notre centre d’affaires de 3.000 m2 à Saint-Jean-de-Luz, où nous construirons également à partir de juin, pour nos propres besoins, 3 000 m2 de locaux supplémentaires. Y seront logés 120 salariés du groupe. Il faut aussi dire un mot de notre Olano Academy, à Toulouse, qui forme des techniciens en transport et logistique (niveau bac+2) et continue de très bien fonctionner. Olano Services, c’est encore un service de location de véhicules et une équipe de 12 ingénieurs en informatique, à l’origine du développement et des évolutions de notre propre ERP. Ces équipes fonctionnent comme des centres de profit.

En 2017, vous aviez communiqué sur deux acquisitions, à savoir celles du prestataire sévillan Logistica Colombina et du groupe Amantini Logistica, établi en Italie et en Espagne. Mais pas en 2018. De nouvelles opérations de croissance externe sont-elles prévues ?

N. O. - Pour nous, 2018 a été une année de structuration et de réorganisation, et notamment pour faire suite à ces rachats. Il n’y a donc effectivement pas eu d’opération notable, mais nous envisageons plusieurs rachats à très brève échéance, vraisemblablement au premier semestre 2019. Nous sommes toujours dans cette dynamique de croissance externe, bien entendu mise au service de notre stratégie de développement par filières. Nous sommes en négociation avec un acteur des produits de la mer et deux ou trois du surgelé. Via ces prochains rachats, nous pensons nous rapprocher rapidement du seuil des 400 millions d’euros de chiffre d’affaires. Et c’est aussi pour nous y préparer que nous avons opéré un certain nombre de recrutements dans les fonctions support, avec deux juristes, un responsable qualité, un ingénieur agronome ou encore des personnes en charge du marketing digital.

Plus généralement, comment voyez-vous évoluer votre segment du marché, disons d’ici 4 à 5 ans ? Croyez-vous à sa consolidation, malgré la relative accalmie des 2 ou 3 dernières années sur le marché de la prestation logistique/transport en général ?

N. O. - Dans notre secteur du frais/frigorifique, il y a quand même eu des opérations ces derniers temps. STEF, par exemple, a continué de se développer par croissance externe. STG vient de changer d’actionnaire et il faudra voir quelle sera leur stratégie par la suite. De façon générale, on peut dire que seul un petit nombre d’acteurs dégage une rentabilité suffisante pour procéder à d’importantes acquisitions. En termes d’excédent brut d’exploitation, seuls deux acteurs ont une rentabilité se situant au-delà de 12% (dont Olano). Suivent les quelques grands groupes du secteur, avec des taux autour de 6/7 %. Si l’on regarde le comportement de ce groupe d’entreprises, on peut parler d’un marché en consolidation, ou tout du moins en évolution capitalistique. Quoiqu’il en soit, on peut penser qu’il n’y aura pas besoin d’attendre 4 ou 5 ans pour voir le panorama des prestataires évoluer : il sera probablement déjà très différent dans trois ans. Cette évolution sera rapide car le secteur compte un certain nombre de sociétés en souffrance.

Revenons un instant sur la fin d’année. On a l’impression que ce mouvement des gilets jaunes a pris moins d’ampleur qu’ailleurs en Pays basque, où vous êtes basés depuis vos débuts et où il semble y avoir, au sein de la population, une conscience plus claire de la fragilité du tissu économique.

N. O. - Il est vrai qu’il y a au Pays basque un sens plus aigu de la solidarité économique, et que cela a pu jouer ces derniers temps. Par exemple, il est rare que les acteurs économiques locaux laissent sans travail une société du BTP en difficulté. Mais cela n’a malheureusement pas empêché nos camions de se retrouver bloqués du côté d’Avignon… Ou notre réglementation franco-française de jouer en notre défaveur…

À quel niveau, principalement ?

N. O. - La réglementation est anormale au sens où elle se fonde sur l’amplitude de la journée de travail du chauffeur routier et non sur sa production réelle, c’est-à-dire le temps effectivement passé sur la route (en dehors, par exemple, des temps d’attente liés aux chargements et déchargements, etc., NDLR). Et pendant ce temps, nous nous retrouvons en face d’acteurs qui eux ne font que produire. Il faut accepter de regarder d’autres transporteurs soumis à d’autres réglementations nous passer devant et obtenir certains marchés… Heureusement, l’on peut encore se distinguer par des services à valeur ajoutée. Là-dessus, il faut reconnaître que certains chefs d’entreprise ont parfois manqué de courage pour tenter de répondre à des clients en demande de services plus haut de gamme ou qualitatifs. Mais il est fatalement difficile, en cas de mouvements comme celui des deux derniers mois, d’expliquer à des clients internationaux exigeants que nous ne sommes plus maîtres de la situation…

Les acteurs du transport se plaignent également tous d’une pénurie de chauffeurs…

N. O. - Bien sûr, mais je crois qu’aujourd’hui, nous connaissons surtout en France une pénurie d’entrepreneurs. On le mesure au nombre d’entreprises qui se vendent faute d’avoir trouvé un successeur. On a l’impression que la nouvelle génération a peut-être moins la fibre entrepreneuriale, ou bien qu’elle n’est pas forcément encouragée à entreprendre par les conditions actuelles. Dans le cas d’Olano, j’ai la chance d’avoir deux enfants, un fils intéressé par le monde de la construction et le développement immobilier, et une fille avec un goût prononcé pour le management. Et c’est une chance, malgré les difficultés du transport ou de la construction, que nous ayons cette volonté de nous battre, de nous diversifier, ainsi que ce sentiment qu’il y a toujours de belles choses à faire.

Quelques mots sur vos autres activités, comme le sponsoring sportif ?

N. O. - Le sport collectif enrichit l’esprit d’équipe, et c’est à ce titre que nous sommes le sponsor principal du SJLO, qui est en Fédérale 1 (championnat amateur). Notre attachement à la culture basque nous encourage également à soutenir toutes les activités de pelote, notamment la Cesta Punta, et à faire du sponsoring culturel centré sur la région.

Avec tous ces projets d’entreprise, avez-vous encore un peu de temps à consacrer à vos loisirs ? Si oui, quels sont-ils ?

N. O. - Les voyages culturels et professionnels, les rencontres, la famille, les amis, nos boutiques de vêtements Beti Haizean, le centre de bien-être partagé Beti Zen, etc. La vie passe trop vite et mérite d’être croquée à pleines dents !

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