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40 ans après, Herrikoa grandit toujours !

Près de 4 décennies que la société basque de capital-investissement œuvre sur le terrain à dynamiser l’économie et l’emploi locaux : cela méritait bien qu’on en redise quelques mots…
HERRIKOA 0
La société compte aujourd’hui 5.000 actionnaires et a déjà investi 17 millions d’euros d’épargne citoyenne dans l’économie réelle. On fait le bilan de ces 40 années et un point sur les perspectives d’Herrikoa avec Marie-Claire Sallaberry, sa directrice générale.

Vous fêterez en 2020 les 40 ans de la rédaction des statuts d’Herrikoa. Vous avez prévu quelque chose pour marquer le coup ?

Marie-Claire Sallaberry - On n’a pas du tout commencé à y réfléchir, mais oui, nous organiserons sûrement un petit quelque chose… Il est vrai qu’on a le mérite d’exister depuis 40 ans : à l’époque de la création d’Herrikoa, il n’y avait pas vraiment d’initiatives innovantes allant dans ce sens…

On s’étonne toujours de ne pas voir beaucoup de démarches équivalentes dans d’autres régions, du moins sous cette forme. Doit-on associer cette réussite et cette longévité aux particularités de la culture locale, plus réceptive à l’idée ?

M-C. S. - Nous échangeons assez régulièrement avec d’autres régions qui voudraient mettre en place le même genre de structure, mais ce n’est apparemment pas si simple pour elles. Une telle initiative repose sur une démarche et un effort collectifs en faveur desquels a certes joué le fort sentiment d’appartenance au territoire en Pays basque. Mais il n’y a pas que cela : il a fallu faire accepter l’idée de drainer une épargne locale citoyenne pour la réinvestir dans des projets locaux. Au début, internet n’existait pas et il était beaucoup moins facile de communiquer qu’aujourd’hui : il a fallu nous rapprocher de la population en organisant régulièrement des réunions publiques, afin de lever les objections, d’expliquer notre mode de gouvernance, etc. Les choses ont pris du temps et tout n’a pas toujours été facile. C’était un vrai pari de développement économique collectif.

Avec l’essor actuel de l’économie solidaire et fort de son expérience, Herrikoa semble avoir encore une bonne marge de progression, non ?

M-C. S. - L’évolution de l’actionnariat est encourageante. Nous en sommes à 5.000 actionnaires, dont 4.500 particuliers. Sachant que le Pays basque compte autour de 300.000 habitants, nous pouvons en effet dire que nous avons une bonne marge de progression. C’est aussi à cela que servent nos campagnes de souscription annuelles : à rappeler qu’on existe et à attirer de nouveaux actionnaires. Depuis quelques années, il y a des signaux très positifs, comme le fait qu’avec le numérique et les réseaux sociaux, nous commençons à enregistrer des souscriptions venant de partout en France, parfois d’assez loin du Pays basque. Nous sommes de mieux en mieux référencés en tant que solution d’épargne possible, dans la presse spécialisée ou ailleurs. On peut donc penser qu’il y a de quoi espérer élargir encore l’actionnariat, et donc l’épargne réinvestie.

Compte tenu des conditions actuelles des placements, ne devient-il pas aussi plus intéressant d’investir dans une structure misant localement sur l’économie réelle ?

M-C. S. - Cela joue sans doute vu la rémunération actuelle de l’épargne en banque, mais il faut quand même savoir que les personnes qui souscrivent à Herrikoa ne le font généralement pas pour des raisons financières. Elles éprouvent plutôt le besoin de savoir ce que l’on fera de leur argent, qui sera par exemple investi dans telle ou telle entreprise qu’ils connaissent parce qu’un ami ou un parent y travaille. Nous sommes bénéficiaires, mais évidemment pas assez pour verser chaque année un dividende significatif. Nous n’avons pu le faire que 3 fois en 38 exercices clôturés. En revanche, nous tenons à ce que les souscripteurs qui retirent leur capital fassent une petite plus-value et repartent avec plus que ce qu’ils ont investi.

C’est tout de même important pour faire la preuve de la viabilité économique de la démarche…

M-C. S. - Oui, d’autant que nous assumons une réelle prise de risque. Quand nous nous associons à une entreprise et à son projet, nous n’avons aucune garantie de succès : cela peut marcher ou non… La viabilité économique vient de la diversification de ces choix d’investissements, que nous espérons les plus pertinents possibles.

Quelques mots sur les 3 projets mis en avant par Herrikoa cette année ?

M-C. S. - Il y a d’abord l’exemple de la scierie de Moncayolle (Établissements Sahores), une activité qui aurait pu cesser si Herrikoa n’avait pas été au côté du repreneur, qui est assez visionnaire et avait un vrai projet de développement. Cela répondait aussi à notre volonté d’investir dans les terres. Il est arrivé qu’on nous reproche d’investir davantage du côté du littoral, vers lequel il est vrai que penche aussi l’activité économique… Il est parfois plus difficile de trouver des porteurs de projets en milieu rural, mais nous investissons dès que nous le pouvons dans les projets porteurs d’agriculteurs, de commerces ou d’artisans installés dans le Pays basque intérieur. Cette année, nous avons aussi accompagné Monsieur Txokola, qui va ouvrir une boutique à Biarritz (ce qui nécessitera aussi d’investir dans l’atelier de Bayonne), et la SCIC Garro de Mendionde, qui fait du maraîchage bio.

D’autres exemples ?

M-C. S. - On peut citer le COL, bailleur social présent sur Bayonne, Pau, Bordeaux et le sud des Landes. Via des baux réels solidaires (BRS), l’office vend des droits sur des logements tout en conservant le foncier, ce qui permet un accès plus facile à ceux-ci pour les ménages à revenus modestes, et limite in fine les effets pervers de la spéculation immobilière. Il y a aussi l’exemple de Copelectronic, qui emploie 80 salariés à Mouguerre et produit des ensembles et sous-ensembles électriques et électroniques. L’entreprise avait des investissements à faire qui n’étaient pas totalement pris en charge par les banques, et nous avons pu apporter un financement complémentaire suite à un tour de table.

Cela fait une grande diversité d’acteurs…

M-C. S. - Nous sommes une société généraliste, à la différence de certains fonds spécialisés. Nous investissons environ un million d’euros par an dans une quinzaine de nouveaux dossiers. Nous favorisons les petits projets à potentiel, la création ou le développement de petites entreprises, mais il nous arrive aussi d’investir dans des sociétés de plus grande taille. Nous recevons tout le monde, parfois même pour des projets qui n’en sont encore qu’au stade de l’idée. On peut donc dire que notre rôle s’étend aussi à une forme de conseil : il nous arrive souvent d’orienter des porteurs de projets vers d’autres acteurs plus adaptés à leurs problématiques.

Un dernier mot sur vos prochains chantiers ?

M-C. S. - Notre principal souci est de maintenir l’adéquation entre l’outil Herrikoa et la demande, c’est-à-dire de nous adapter à l’évolution des besoins des entreprises du territoire pour continuer à y soutenir l’activité économique et les recrutements. Toujours dans une logique de circuit court financier, exactement comme on peut le voir dans d’autres secteurs d’activité…

Plus d’informations sur herrikoa.com

Notre récent article sur la campagne 2019, cliquez ici

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