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    Les dits du vendredi

    Du rhum, des vampires et des mots… de Christian Laborde
    Flocons de poésie à Saint-Lary-Soulan avec Christian Laborde
    Trois jours à Avignon. Je loge rue Saint-Agricol. Mon saint préféré. On le fête le 2 septembre. L’église rappelle volontiers qu’il fut évêque d’Avignon. Elle oublie de dire pourquoi les Avignonnais lui vouent encore aujourd’hui un culte chaud.

    Le saint homme, avant d’entrer dans les ordres, avait été marin et négociant. Et c’est à bord de son bateau, un trois-mâts, baptisé L’Orgueilleuse, qu’il  a introduit  dans  la cité papale, par la porte de L’Oulle, le rhum. La population adopta cet alcool qui remplaça très vite, dans la plupart des églises de la ville, le vin de messe. Dans les églises, il fait très froid, c’est bien connu, et les bigotes toussent. Il faisait chaud dans les églises d’Avignon, elles sentaient le rhum, et les bigotes se trémoussaient en chantant les cantiques. Le pape s’en émut, on passa un savon à Agricol qui enfila une soutane et fit la carrière que l’on sait.

    Je pensais à Saint Agricol en rejoignant le théâtre de l’Oulle, pour y répéter, sous la direction  de Laurent Rochut, metteur en scène et propriétaire des lieux, en compagnie de Bernard Ariu, accordéoniste délicat. Répéter quoi ? « L’homme aux semelles de swing », le spectacle sur Claude Nougaro que nous avons joué, en juillet dernier, 24 fois, durant le Festival d’Avignon. Nous allons jouer prochainement à Nogaro (20 mai), puis à Pamiers (9 juin). On refait  les lumières, on revoit les placements, les enchaînements, et l’on se dit que l’on aura du… temps. A Avignon, aucun spectacle ne peut dépasser 1h15. Le rideau  se ferme, les techniciens vident la scène, un autre spectacle s’installe, le rideau s’ouvre de nouveau. A Avignon, c’est à fond les ballons. Ailleurs, on aura du temps. Et si le public crie : une autre !, les lumières se rallumeront, et je remonterai sur scène, avec Bernard Ariu.

    Une autre, une autre !  Je me souviens d’un concert de Claude, dans la banlieue parisienne. Le public, à deux reprises, avait exigé qu’il revienne, qu’il chante de nouveau. A deux reprises, il était remonté sur scène, s’était approché du micro. Ayant rechanté deux fois, il avait rejoint, épuisé, les coulisses. Je l’attendais au pied de l’escalier avec une serviette éponge. La salle scandait : une autre, une autre ! Il avait saisi la serviette, avait essuyé la sueur sur son visage. Le public le réclamait de plus belle. Claude m’avait rendu la serviette et, me fixant : « Tu les entends, ils veulent me sucer le sang…. Ce sont des vampires…. Mais moi, j’aime les vampires. »

    Et il était remonté une troisième fois sur scène. Maurice Vander avait pris place au piano et Claude avait dit « Armé d’amour ». Je dirai « Armé d’amour » à Nogaro et à Pamiers. « Armé d’amour », le voici :

    Un jour, un jour c'est sûr

    Reviendra le jour pur

    L'immense jour d'avant le Temps

    Le couple moribond

    Se lèvera d'un bond

    Armé d'amour jusqu'aux dents

    Mon bras c'est ton collier et tes doigts sont mes bagues

    Tu es ma parure, je suis ton joyau

    Mes orteils de soleil marchent sur tes vagues

    Tu es ma pâture jusqu'au fond du boyau

    Tu m'éclates de paix, je t'éclaire de rires

    En dansant devant toi la nuit de Walpurgis

    Puis je bois dans ton cou comme font les vampires

    Mélangeant savamment nos vices à nos lis

    Un jour, un jour c'est sûr

    Reviendra le jour pur

    L'immense jour d'avant le Temps

    Alors la femme et l'homme

    Retrouveront la pomme

    Sans la morsure dedans

    Je me courbe vers toi ma tremblante statue

    Le miel de mille ciels ruisselle de tes cils

    Qu'une ombre te traverse aussitôt je la tue

    Que mon chant soit bloqué tu en dénoues le fil

    Calmement tu t'endors quand je pars pour mes guerres

    Le casque de mon front pour tout arsenal

    Je pars saigner de l'eau sous le feu des mystères

    Une étoile de mer me fera général

    Un jour, un jour, c'est sûr

    Reviendra le jour pur

    L'immense jour d'avant le Temps

    Et l'on verra l'enfant

    Que plus rien ne défend

    Être bercé par Satan

    Cet enfant surgira d'un silence de perle

    De nos vies échangées dans un éclair d\'azur

    Et le noir aujourd'hui et l'effroi qui déferlent

    S'enfuiront à jamais poursuivis par les murs

    Les murs d'une maison qui se nomme le monde

    Ouverte à tous les vents fredonnant des oiseaux

    Il renaîtra de nous, ma brune à l'âme blonde

    Et la mort plus jamais ne fera de vieux os.

    Un jour, un jour, c'est sûr

    Reviendra le jour pur

    L'immense jour d'avant le Temps,

    Le couple moribond

    Se lèvera d'un bond

    Armé d'amour jusqu'aux dents.

    Les applaudissements crépitent. Le projecteur s’éteint. Tout est bien.

    Christian Laborde



    www.christianlaborde.com

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