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    Publié le Mis à jour le

    Les dits du vendredi

    Roue libre… regard de Christian Laborde
    Flocons de poésie à Saint-Lary-Soulan avec Christian Laborde
    1 - Vélorange le soleil est une orange mais l’herbe seule est givrée l’ombre est froide je mouline pour me réchauffer

    2 - La côte de Lagos

    Je sors de Beuste, commune au patronyme aussi rugueux qu’une entrée en mêlée du temps de Garuet, j’entre dans Lagos, tourne à gauche, le panneau dit : « Soumoulou 10 », la côte arrive en même temps que la forêt. La montée, régulière, sévère, sans faux plat pour souffler un peu, fait un peu plus de 2 km. Je monte avec, pour compagnons, le silence, la noblesse des arbres, et la délicatesse des fougères, sèches par endroits. Le feuillage des arbres les protège pourtant du soleil. Qui donc les a brûlées de la sorte ? Monsieur Glyphosate, sans doute.

    Les rectangles assez larges, peints en blanc, qui se succèdent à intervalles réguliers au centre de la chaussée, font songer aux dents métalliques d’une fermeture Eclair. La route est la fermeture Eclair de la forêt. Au fur et à mesure que je monte, la fermeture Eclair descend, et tout devient visible: les mousses, la fantaisie du lierre, l’exubérance des feuilles, les teintes brunes, rosées, des écorces, la peau du ciel.

    Lagos : que dit ce patronyme ? Un mot gascon sans doute, moitié lagune et moitié lac. Tout est apaisant, ici, sur cette route qui fait don d’une forêt, permet de prendre de la hauteur, et d’oublier ces deux villages – Bordères et Lagos – qui se querellent depuis la nuit des temps : « Bordères e Lagòs que’s coparen los òs », dit le proverbe. Moi, je traduis, et vous, faites sonner sévère le s final d’os : « Les gens de Bordères et de Lagos se briseraient les oss ! »

    3 - Tustor

    Sur le plateau de Ger, entre Aast - Pyrénées Atlantiques – , et Gardères – Hautes Pyrénées -, je bouffe du vent et franchis un ruisseau dont le débit est sans prétention, mais le nom, étrange : Tustor. On dirait celui d’un personnage de jeu vidéo avec masse d’armes, heaume étincelant et lancer de hache.

    Pourtant le nom que ce ruisseau porte n’a pas été créé par un algorithme : il vient du verbe gascon « tustar ». Ce verbe signifie heurter. Le Tustor est sans doute un ruisseau qui, contrairement à ce que laisse suppose son flot paisible, se met volontiers en colère.

    Le verbe « tustar », lui, charrie des souvenirs, ceux des parties de « tuste » Elles se déroulaient sur les terrains de rugby. La mêlée, tout à coup, se relevait sans raison, et les coups de poings, de pieds, de boule partaient dans tous les sens. L’arbitre vidait le contenu de ses poumons dans son sifflet, mais le calme ne revenait pas : c’était la « tuste ».

    Les parties de « tuste » se déroulaient aussi en classe, quand il y avait interro. « Tuster » en patois scolaire ne signifiait pas cogner mais… copier. « J’ai rien préparé, je sais rien, laisse-moi tuster », soufflait-on à son voisin, lequel aussitôt retirer son bras, laissait glisser sa copie. Et l’on tustait, l’on pompait comme les Shadocks. On remettait sa copie à la fin de l’heure, et, dans le couloir, on se donnaient des bourrades en s’exclamant : « Quelle  tuste, et le prof n’a rien vu ! ».

    Il avait préféré ne rien voir et, assoupi à son bureau, il n’avait pas eu la force de se le lever et d’ouvrir quelques trousses. S’il les avaient ouvertes, il aurait découvert, planqués entre les stylos, le compas et la gomme, pliés en quatre, ces petits papiers que l’on nomme anti-sèches au-dessus de la Loire, et « tustes » au-dessous.

    Christian Laborde


    www.christianlaborde.com

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