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PAUSE CAFEMon jardin en dilettante

Gracianne vous enjoint à cesser de biner, piocher, bêcher, à ne pas transférer nos urgences névrosées dans un autre espace, plus aéré…. Juste en profiter !

Je n’ai rien d’original, je fais sobrement partie de ces 73% de Français passionnés de jardin. Mais si le printemps m’agite un peu : préparer la terre, faire bouillir des épluchures de banane dans de l’eau pour apporter du potassium, répartir le marc de café (ma famille n’a toujours pas compris pourquoi je les incite à boire autant de café, ils croient que je veux les énerver, laissons faire…), désherber, je demeure en fait une dilettante du jardin.

J’ai toujours été très surprise de constater que ceux qui font le jardin sont ceux à moins en profiter, comme si le travail considérable leur en ôtait le plaisir. Ils binent, chargent de lourds arrosoirs, bêchent, plantent, récoltent, sèchent, et puis vont s’effondrer, épuisés, devant une stupidité de la télé, doux euphémisme.

Pourtant, une chaise ou un banc au jardin, c’est l’assurance de la poésie au quotidien. Pas juste un endroit où l’on produit, où l’on râle parce qu’on a oublié la bouillie bordelaise et que les tomates vont tirer la tronche, ou encore qu’on vitupère contre les insectes ! Où l’on essaie juste de reproduire nos urgences névrosées dans un autre espace plus aéré.

Dans les pages de jardiniers des réseaux sociaux, je ne tiens jamais le coup bien longtemps : « comment tuer les fourmis, les araignées, les escargots, les vers de terre » me fait fuir instantanément (surtout que les commentaires de réponse sont a) d’une stupidité insoutenable, b) d’une cruauté qui me font m’interroger gravement sur leur connexion à la nature, c) truffés de fautes hallucinantes). Moi, tout ce petit monde d’insectes et autres nuisibles peut venir ruiner ma récolte. Sous contrôle, s’entend. Je vaporise juste une infusion de cannelle pour éviter les gros ravages, et les invasions trop démonstratives, mais ensuite je considère qu’il y en a assez pour tous nous nourrir.

J’admets que cette technique singulière du dilettantisme a été fortement remise en question la fois où le carré contenant de prometteuses carottes, de débordants épinards et une prolixe ciboulette ont été rasés en deux minutes d’inattention par Coco le coq et sa bande ! Mais passés le désespoir et les lamentations, je me suis dit qu’après tout, ce n’était pas si grave. Qu’est-ce que ça peut bien faire finalement que je me sois fatiguée en vain ? Sans rire, est-ce que ça a tant d’importance ? Les animaux ne vivent pas comme ça, et je les aime tellement que j’accepte leur simple et rassurante « animalité ». Ah évidemment, si un humain s’amuse à en faire autant, je ne te raconte même pas le tombereau d’insultes et la rancune tenace que je vais lui vouer…

Donc, avant cette digression, je vous expliquais qu’au lieu de rajouter le stress au stress de nos existences déjà si agitées, le jardin est un lieu de thérapie méditative par excellence. S’asseoir, regarder la vie passer, l’impermanence de toute chose, fleurs, fruits et légumes qui grandissent, produisent, se flétrissent lentement pour retourner à la terre, dans une poétique et tellement similaire analogie à nos vies, me pose, me repose. Les oiseaux, les abeilles et les papillons dessinent leur ballet dans le ciel, me prenant sûrement pour un épouvantail inutile (voilà un qualificatif qui me résume bien), tant je parviens à demeurer immobile. Je puis demeurer des heures à regarder cette coccinelle posée sur une feuille, à me faire la remarque qu’elles étaient plus nombreuses avant, et que tout fout le camp, ma bonne dame.

Le jardin, c’est un lieu pour lire, un lieu pour méditer, un lieu pour faire la pause, pour réfléchir sur notre vie, pour regarder jouer des enfants, gambader des chiens ou jouer des chats. Dans cette chorégraphie que d’aucuns voudraient moins désordonnée (« Fais attention, ne va pas là ! Mais ne piétinez pas ici ! Non, ne cueillez pas les fraises, elles ne sont pas lavées ! »), je retrouve l’essence parfaite, je suis à la juste place au juste moment. Sans attente, sans jugement, sans espérance vaine, juste là. Mon jardin n’a besoin ni d’être versaillais ni anglais, loin des catalogues parfaits. Mon jardin, comme une bulle de paix, loin du monde et de ses méfaits. Un imparfait qui sauve mon présent et peut-être même mon futur. Faites en autant, vous verrez, ça fait un bien fou…

Gracianne Hastoy, jardinière du dimanche

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