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Alex, menuisière accomplie

Depuis son atelier à Barran, la jeune femme a réussi à surmonter les défiances des débuts et les coups durs de la vie, grâce à de belles rencontres et la relation d’amitié sincère qui la lie à ses clients.
Alexandra Maherault dans son atelier de menuiserie à Barran
Alexandra Maherault a un caractère bien trempé, qu’elle a eu l’occasion de se forger au fil de son parcours professionnel atypique. Il faut dire qu’à seize ans, elle fait partie des premières femmes à intégrer le monde très masculin à l’époque des Compagnons du Devoir.

« Je ne savais pas ce que je voulais faire, j’étais une enfant plutôt turbulente. Lorsqu’il a fallu trouver un stage d’observation au collège, j’ai postulé auprès des pompiers. Mais personne ne m’a répondu. Ma mère m’a envoyée alors chez le menuisier du coin, car mon professeur d’arts plastiques lui avait dit qu’elle me verrait bien dans un métier manuel. C’est là que j’ai eu une révélation. Partir d’un bois brut, cette matière noble, pour en faire une forme, son odeur, tout m’a plu » raconte-t-elle.

C’est aussi sa mère qui l’enverra chez les Compagnons du Devoir pour y apprendre l’excellence, mais aussi à faire face malgré elle à des préjugés bien ancrés. « Je ne savais même pas ce que c’était, mais à seize ans, tu fais ce que tes parents te dictent. Et quand tu te retrouves seule avec des mecs qui ont du mal à t’accepter, tu te tais. J’ai dû les convaincre à force de travail et de rigueur ».

Entre Toulouse et Nîmes, elle passera au total quatre ans chez les Compagnons du Devoir, mais jettera l’éponge quand elle se heurtera à leur refus catégorique de la laisser partir faire le Tour de France. Pas ouvert aux femmes. Elle choisira alors de s’inscrire au CFA de Toulouse, déjà riche de son expérience, et obtiendra son diplôme professionnel. Mais au moment de trouver un travail, les portes resteront closes.  

En onze ans, personne ne m’a jamais demandé où était le patron

« Ça n’a pas été facile, j’ai dû faire de l’intérim dans des secteurs qui n’avaient rien à voir avec la menuiserie. Mais sur les conseils de mon premier patron, je voulais être ma propre patronne. Alors je me suis lancée en 2012, en venant m’installer sur la ferme de mes grands-parents à Barran. J’avais 23 ans, j’étais tout feu tout flamme. Au moment de trouver un nom pour mon entreprise, j’avais peur que les gens ne m’appellent pas parce que j’étais une femme. Mon compagnon à cette époque m’a alors suggéré de jouer sur l’ambiguïté de mon prénom, et j’ai choisi Alex Menuiserie. Mais finalement, ce n’était pas nécessaire ; en onze ans, personne ne m’a jamais demandé où était le patron… ».

Alex s’applique à démontrer que l’artisan est aussi capable de créations, en plus de savoir placer un verrou. Sa clientèle s’étoffe, devient fidèle, et apprécie la relation chaleureuse et humaine qui émane de sa personnalité.

Mais à la suite de vols, la jeune femme perd pied. « Quand on te vole en une nuit des années de travail, ça marque. Il y a eu aussi des décès dans ma famille, et j’ai perdu le goût de la création ».

Philippe Archer, président de la CMA du Gers, Martine Montejuado, Thierry Montegut et Alexis Pham lors de la visite de son atelier le 21 février dernier
Je me suis rendu compte avec fierté qu’en dix ans, j’avais construit quelque chose de magnifique

Le destin lui donnera un coup de pouce en la personne de Martine Montejuado, chargée de développement économique à la CMA du Gers, venue lui rendre visite dans son atelier. « Elle m’a redonné le goût de la création en me délivrant le label Artisan d’Art en février 2022, et les mois qui ont suivi ont été ceux où je me suis relevée. Je me suis rendu compte avec fierté qu’en dix ans, j’avais construit quelque chose de magnifique avec ma clientèle, qu’elle était fidèle. Même si les vols, qui m’avaient marquée physiquement et financièrement, m’empêchaient de m’occuper d’elle, elle était là et me soutenait. 2023 sera l’année de ma reconquête ! » assure Alex avec enthousiasme.

Elle accueille aujourd’hui une apprentie de la même tranche d’âge qu’elle, tout aussi passionnée par la création, qu’elle a envie “d’élever” à son tour en lui tendant la main dans un parcours également difficile.

« Je retrouve cet engouement à venir dans mon atelier, je me lève avec plaisir le matin, même si j’ai compris aussi qu’il faut trouver un équilibre entre vie professionnelle et privée. Si je n’avais pas eu ce caractère, et s’il n’y avait pas eu ces belles rencontres avec ces personnes bienveillantes, j’aurais été en dépression. Mon message aux futurs artisans, c’est de dire : il faut oser croire en ses rêves, aimer travailler et gagner sa vie à la sueur de son front. Vous verrez, vous en serez plus épanouis… ».

Une boutique officielle Alex Menuiserie verra bientôt le jour, et permettra de découvrir les créations et curiosités en décoration d’une jeune femme accomplie, fière de son parcours si singulier.

Marielle Fourcade

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