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PAUSE CAFEJe dictate, tu dictates, nous dictatons…

Tu parles d’un sujet léger ! « Ah, elle a fait fort cette semaine, mais quelle mouche l’a piquée ? » est probablement la phrase que tu entendras le plus à la pause-café ce lundi. Viens découvrir pourquoi…
Une dame se prend en selfie. Elle porte des lunette de soleil blanche, une robe rouge et un chapeau rouge.

Il ne faut pas confondre diktat et dictature. Le diktat, c’est pas super ; la dictature, c’est… pire. Les deux sont des limitations de l’esprit qui juge, qui classe, qui considère qu’IL détient la vérité et pas l’autre, toute ressemblance avec des situations de votre quotidien n’est absolument pas fortuite, hélas… Mais les deux ont une infime différence, difficile à illustrer sans un exemple concret.


Cela me rappelle cette blague du Sud-Ouest. Généralement, c’est toujours un Béarnais qui interroge un Basque (mais je préconise d’inverser, ça marche aussi). Donc le Béarnais demande au Basque quelle est la différence entre « pour rien » et « gratuitement ». L’autre en face ne sait pas répondre, et pince-sans-rire, le Béarnais se doit d’affirmer : « Eh bien, en Béarn, les enfants vont à l’école gratuitement, tandis qu’au Pays basque, ils y vont… » Même pas la peine de se fouler à terminer… Je compte adapter cette histoire pour vous expliquer (attention, comprenez vite, parce que, a) j’ai horreur de devoir répéter, b) j’aime pas bien quand on a la comprenette trop lente) la différence entre diktat et dictature. Pour ce faire, j’ai utilisé deux informations réelles. C’est parti, à vous de deviner où va le diktat et où va la dictature, capito ?


Le 4 juin dernier, on célébrait en Chine le triste anniversaire de la répression de 1989 et de la place Tian An Mnen qui fit des centaines, voire plus d’un millier de morts selon certains témoignages. Il faut savoir que le régime tente par tous les moyens d’effacer Tian An Mnen des mémoires collectives, les manuels d’histoire n’y font aucune allusion et les discussions en ligne sur le sujet sont censurées. Canton nem pas, on coupe ! Or, ce mois de juin 2022, sur Weibo, l’un des rares réseaux sociaux chinois (mix d’un genre de Facebook et d’un genre de Twitter, démocratiquement fort édulcorés), le blogueur star Li Jiaqi, qui fédère des millions de fans a montré en direct un gâteau à la glace et au chocolat. Résultat, il a été coupé aussitôt, et a depuis disparu des écrans radar. Pourquoi ? Parce que son gâteau avait une forme de char (voir photo). Et quand on vous dit disparu, c’est plutôt volatilisé, évaporé, éradiqué de la surface du globe… Tu vois, ça, c’est la dictature… Du latin dictatura, issu de dictare, dicter, itératif de « icere », dire. Là, on lui a, a priori, dicté-dit les choses de façon un peu radicale… Soit.

Maintenant, partons en Suède pour le « Swedengate » qui est en train d’agiter les réseaux sociaux (les leurs ne sont pas édulcorés, mais pas du tout, première différence). Là-bas, il est très, très mal vu de faire dîner les enfants de tes voisins ou autres qui sont venus jouer à la maison. C’est là que tu pousses un cri indigné du genre : sont fous ces Suédois ! En fait, un professeur de l’Université suédoise d’Agronomie, Richard Tellström, en a donné l’explication, tout historique : quand la Suède était encore un pays les plus pauvres d’Europe, les parents qui n’arrivaient pas à nourrir leurs enfants les envoyaient chez les voisins, espérant qu’ils pourraient y manger à leur guise. En héritage de cette période, le simple fait d’inviter un enfant à manger peut s’apparenter à une insulte. En le faisant, vous sous-entendez que les parents du gamin que vous avez invité traversent une mauvaise-passe. Une exception culturelle suédoise, qui en fait un diktat de savoir-vivre. Diktat, mot d’origine allemande, volonté imposée par la force. Le diktat est partout, si tu prêtes un peu d’attention. Les Instagramers et influenceurs nous imposent (et à eux-mêmes en premier lieu) des diktats de mode, de beauté, d’apparence sociale. On ne coupe pas la tête de ceux qui ne s’y plient pas, on ne les enferme pas dans des camps, mais ils sont ostracisés, relégués au ban d’une société parfaitement codifiée, où un même produit ne peut pas avoir deux étiquettes. On est blanc ou noir, jamais gris, c’est mal vu.


En fait, et si je pousse un peu mon raisonnement, j’en déduis que la dictature est l’apanage des régimes totalitaires et le diktat est la dictature des démocraties… Litanie de l’interdit. Que l’on voit, peu à peu, envahir nos sociétés… Les années Covid en donnèrent une preuve supplémentaire si nécessaire…

Oh bigre, STOP ! Regarde ça, j’étais partie pour faire un billet sympa, rigolo tout plein, qui annonçait l’été et les vacances, qui fleurerait bon le pizz-buin et la piña colada, et voilà que le simple fait de vouloir parler de ces deux mots m’a fait produire un brûlot lénifiant et agressif. D’où naît ma suivante réflexion : pour garder un esprit libre, frais, joyeux et heureux, il ne faut pas savoir de ces événements-là. Ils n’informent pas, ils nous condamnent. Regarder les chaînes d’info en continu provoque le même effet : on s’en affecte forcément. On ne peut rien y faire. Aussi informée que je sois, je ne pourrai jamais libérer Li Jiaqi, cela me rend triste, mais c’est ainsi. Cette impuissance me condamne indirectement et nique ma journée. Alors je me pose la question : à quoi sert de savoir cela ? Juste à polluer mon esprit ? À le paralyser, lui ôter sa tranquillité (déjà que…) ? Sans compter qu’avec mon histoire de Chinois, on va se faire pirater comme des dingues, et qui c’est qui va se faire enguirlander ? Tata Toy ! Bou diou, malgré l’engueulo à venir (pour le piratage, suis un peu !), ce que je suis contente d’écrire pour PresseLib’ qui a fait le choix philosophique de ne jamais tomber dans ces bassesses mentales et vaines d’une information négative à haut-impact pour nos déjà vulnérables cerveaux… S’il vous plaît, protégez-vous des diktats et dictatures de l’esprit, les pires.


Mais suis-je donc bête ! Si vous êtes là, à me lire, c’est qu’il y a bien longtemps déjà que vous êtes parvenus à la terrible conclusion qui me saisit aujourd’hui. Dites, par hasard, vous ne voulez pas écrire le billet de la semaine prochaine ? Que je file boire ma piña colada tranquille, sans regarder les infos, juste le regard posé sur la nature, les oiseaux qui gazouillent et le nouveau coq Kikou…


Gracianne Hastoy, dictatée parfois…

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