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Olha, le moteur de la ruralité du futur

Dans la vallée des Aldudes, où l’élevage est roi et le terroir un trésor, un projet ambitieux voit le jour : Olha, un tiers-lieu pensé comme une ferme d’innovation
Pose de la première pierre, en présence de J.R Etchegaray et le sous-préfet Fabrice Rosay
Tania Cardineau DR
Son objectif est de faire germer les idées, irriguer l’économie locale et valoriser les savoir-faire paysans dans un cadre moderne, connecté et coopératif
Le cœur battant du projet sera sans nul doute la Maison du Kintoa
Tania Cardineau DR

Pour ceux qui ne connaîtrait pas la vallée des Aldudes, elle est composée des villages d’Urepel, des Aldudes et de Banca. Et s'il y a une chose est sûre, c'est que ses habitants n’ont jamais été du genre à rester les bras croisés. Ici, entre crêtes brumeuses, chemins de transhumance et troupeaux de Manex tête noire, la ruralité est un art de vivre autant qu’un moteur économique. On y élève avec fierté le porc basque Pie Noir, on y affine des fromages au lait cru qui chantent le terroir, et on y tisse un lien fort entre les générations, la terre et ceux qui la travaillent.

Mais comme dans bien des coins de France, les défis sont nombreux. Entre isolement géographique, fragilité des services, enjeux de renouvellement des générations et urgence écologique, la vallée aurait pu se replier sur elle-même. C’est pourtant tout l’inverse qui se produit : à force de solidarité, d’innovation et de convictions partagées, elle trace un sillon singulier vers l’avenir.

Ici, l’économie ne pousse pas sous les néons mais sous les tuiles rouges, au rythme des saisons et des bêtes. Pourtant, cela n’empêche pas la modernité de prendre racine. La pose de la première pierre du tiers-lieu Olha, à Banca, le 13 mai dernier, en est la plus belle illustration. Ce bâtiment de 600 m² sortira de terre à l’horizon 2026 avec une ambition bien plantée : être à la fois grange aux projets, étable pour les idées neuves et ruche d’initiatives locales.

Pensé pour irriguer toute la vallée, Olha rassemblera des fonctions aussi diverses que vitales : espace de coworking en libre accès, bureaux pour jeunes pousses entrepreneuriales, salles de réunion pour les associations ou entreprises, services à la personne et Maison du Kintoa, dédiée à la valorisation du porc basque et des productions locales.

Labourer le futur sans renier ses racines

Ce tiers-lieu n’est pas un gadget urbain parachuté au fond d’un vallon. C’est une création de terroir, née d’un besoin identifié par les habitants eux-mêmes, et portée à bout de bras par les élus locaux, l’association AIBA, la Communauté Pays Basque et de nombreux partenaires. Dans cette vallée où la parole circule aussi bien que les brebis, on savait qu’il fallait un lieu pour mutualiser, créer, se rencontrer.

L'objectif est de permettre à des porteurs de projet de s’installer en vallée sans renoncer à leurs exigences professionnelles
Tania Cardineau DR

Avec Olha, c’est un peu comme si la ruralité se dotait d’une nouvelle grange, non pas pour entreposer le foin, mais pour stocker les idées, faire pousser les projets et traire l’avenir. Une manière de dire haut et fort que les campagnes aussi peuvent être des incubateurs.

Le cœur battant du projet sera sans nul doute la Maison du Kintoa. Plus qu’un espace d’interprétation, elle deviendra l’ambassadrice d’un produit d’excellence reconnu en AOP : le porc basque. Un cochon pas comme les autres, élevé en plein air, nourri sans précipitation et bichonné comme un bon vin.

Ce lieu permettra de mieux comprendre l’histoire de cette filière, les savoir-faire paysans qui l’animent et les enjeux d’un élevage durable. Il servira aussi de vitrine aux producteurs, à mi-chemin entre le musée vivant et le comptoir gourmand. Une manière d’ancrer la fierté locale tout en l’ouvrant aux curieux, qu’ils soient voisins ou de passage.

Cultiver les solidarités

Mais Olha n’a pas pour seul objectif de nourrir les start-up rurales. Il vise aussi à resserrer les rangs d’une population dispersée, à semer du lien social là où le relief complique parfois les choses. Coiffeur, kiné, services partagés… le lieu accueillera des prestations de proximité pensées pour tous les âges et toutes les mobilités.

Ce sera aussi un lieu de transmission, avec des formations, des ateliers, de la médiation numérique pour aider chacun à apprivoiser l’outil informatique. En bref, un outil pour que personne ne reste en jachère.

Dans ce coin du Pays Basque où les sonnailles résonnent plus souvent que les sonneries de téléphone, le très haut débit viendra irriguer l’ensemble du bâtiment. Il fallait ça pour que le coworking fonctionne, pour que les entreprises puissent s’implanter, pour que les services soient à la hauteur des ambitions.

On parle ici d’un numérique au service de l’humain, pas d’un écran qui déconnecte du réel. L’objectif est clair : permettre à des porteurs de projet de s’installer en vallée sans renoncer à leurs exigences professionnelles, attirer de nouvelles énergies, et faire rimer ruralité avec vitalité.

Un bâtiment éco-pensé

Initialement, Olha devait s’implanter dans une friche. Mais la sécurité a conduit à revoir la copie : le bâtiment sera neuf, construit hors des zones à risque d’inondation. Une décision responsable, à l’image du reste du projet.

Ce chantier s’accompagne d’un vaste programme de protection environnementale, avec la reconstruction de la station d’épuration de Banca et des travaux pour renforcer les berges. Des gestes concrets pour un développement à la fois durable et désirable.

Ce projet n’est pas sorti du sillon par miracle. Il est le fruit d’un labour patient, entamé dès 2018 avec l’association AIBA. On leur doit déjà une micro-crèche, une navette de transport, un espace artisanal. Autant de jalons posés pour bâtir une vallée plus autonome, plus solidaire, plus résiliente.

Olha s’inscrit donc dans une suite logique, une montée en puissance de l’action locale, là où certains ne voyaient que déclin rural. Comme quoi, avec de la volonté, de la concertation et un soupçon de culot, même les territoires les plus isolés peuvent devenir des zones de fertilité.

Le fruit d’un attelage collectif

Côté budget, l’attelage est aussi collectif : 3,4 millions d’euros portés par la Communauté Pays Basque, la Région Nouvelle-Aquitaine, l’Europe, le Département des Pyrénées-Atlantiques et l’État. Chacun a mis sa graine dans la terre pour que la moisson soit abondante.

Ce financement, loin d’être hors-sol, reflète une reconnaissance partagée : celle d’un territoire qui, sans faire de bruit, trace une voie vers un développement à la fois enraciné et innovant.

À l’heure où tant de campagnes se battent pour exister, la vallée des Aldudes démontre qu’un autre modèle est possible. Ici, on ne se contente pas de survivre : on innove, on coopère et on se retrousse les manches.

Sébastien Soumagnas

Le sous-préfet Fabrice Rosay lors de la pose la première pierre le 13 ami dernier
Tania Cardineau DR

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