Raconter des histoires a toujours été une passion pour Cédric Mayen. Ce Bourguignon d'origine s'est très vite dirigé vers deux univers capables de le laisser s'exprimer, le cinéma et la bande dessinée. « Je me suis rendu compte que le cinéma ce n'était pas pour moi. Il y avait trop d'egos à gérer, et les coûts de ce milieu étaient bien trop importants pour laisser pleinement parler ma créativité ».
On peut rester enfermé des semaines et des mois chez nous pour travailler… Puis ensuite, nous rencontrons les lecteurs… C’est très enrichissant
C'est donc vers le livre qu'il se tourne, un choix loin d'être par défaut. « J'ai grandi avec les Spirou, Cédric et Tintin. Puis j'ai eu un gros choc en découvrant, peut-être trop jeune, « Silence » de Didier Comès, qui a été une révélation pour moi. Quand je suis parti vivre en Italie, j'ai appris la langue grâce au Journal de Mickey local. Puis à mon retour en France, ce sont les mangas qui m'ont happé, avec notamment deux œuvres : « Vagabond » et « L'Habitant de l'Infini ».
Cédric Mayen a ainsi grandi et vécu, presque toujours avec une bande dessinée à la main. C'était donc une évidence pour lui de tenter sa chance dans cet univers. Malheureusement, ses débuts sont moins flamboyants que ses attentes, avec une première œuvre qui fait un flop. « Il faut le dire, c'était mauvais... », constate-t-il.
Après quelques années à faire beaucoup de travail en indépendant, il décide en 2015, avec sa compagne dessinatrice, Lucy Mazel, de créer « Edelweiss ». « C'est encore à ce jour mon œuvre favorite. Elle est très personnelle, puisqu'elle raconte trois histoires d'amour : celle de mes grands-parents, celle de mes parents, et celle que je suis en train de vivre avec ma compagne ». Une bande dessinée qui sera d'ailleurs nominée dans trois grandes récompenses libraires.
Au-delà de raconter des histoires, c'est le contact humain qui plaît à Cédric Mayen. « On a un métier très sédentaire. On peut rester enfermé des semaines et des mois chez nous pour travailler, sans ne jamais voir personne. Puis ensuite, nous faisons le tour des festivals, et nous rencontrons les lecteurs et d'autres acteurs de cet univers. C'est très enrichissant ». C'est d'ailleurs l'une des raisons qui l'ont poussé, lors de la crise sanitaire, à créer une chaîne Twitch pour partager son métier au plus grand nombre.
Je réussis à en vivre car j’ai des dizaines et des dizaines de projets en cours…
Les rencontres, le partage, l'apprentissage sont des moteurs pour le Bourguignon. C'est par exemple pour cela qu'en 2020, il décide de fonder L'Encre Sympathique. « Nous étions trois à la création : ma compagne, moi-même, et Vincent Lefebvre, un dessinateur de génie. C'est un grand open space pour travailler ensemble. Cela nous permet de nous ouvrir les uns et aux autres, d'échanger, de créer du lien et même de travailler ensemble ».
De l'une de ces collaborations va d'ailleurs paraître une biographie des frères Michelin (Les Frères Michelin, une Aventure Industrielle. Dessin : Fabien Nappey éd : Le Lombard). Parmi les prochains projets de Cédric Mayen, on retrouve « L'Arc-en-cieliste » une œuvre fictive qui se déroule dans le Béarn du 16e siècle, ou encore une œuvre sur les disparus de Dyatlov.
Aujourd'hui, Cédric Mayen vit de sa passion. Une situation assez rare dans un milieu où les scénaristes sont trop peu reconnus. « En général, les scénaristes ont un second métier en parallèle de leur activité. Moi, je réussis à en vivre car j'ai des dizaines et des dizaines de projets en cours, sans compter mes projets de roman, de petits films, etc ».
Il faut que l’économie du livre soit repensée
Actuellement mandaté par les maisons d'édition les plus prestigieuses du monde de la bande dessinée, le scénariste porte haut l'étendard de sa profession. « Il y a une grande précarité, car nous ne sommes pas payés à la tâche, et nous n'avons pas de salaire fixe. Nous ne sommes payés qu'en avance sur droits, selon les estimations de l'éditeur. »
« Pour faire court, c'est un prêt que l'on doit ensuite rembourser avec les ventes des bandes dessinées, avant de pouvoir espérer être rentable. On parle de dizaines de milliers de livres... Il faut que cela change et que l'économie du livre soit repensée », conclut Cédric Mayen. On est bien d’accord !
Photo Une : © Julien Pohl / RED22
Photo : © Amandine Lauriol Photographe
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