Ah, ça change un peu de ce long ruban asphalté au milieu de la jungle, où il n'y a que mon ombre qui accepte de me faire la conversation (et mon ipod qui me susurre de douces musiques et paroles) !
Ici, tout est condensé sur quelques kilomètres carrés, et cela donne de la vie, les pieds ne pensent même plus qu'ils sont en train de marcher. C'est que les pieds, je crois, ne sont pas dotés de neurones, on les abuse facilement. Enfin, pas sûr...
Et…
La surprise pour moi a été de découvrir qu'au bout du village de Cobá, une de ces longues lignes droites dont le Yucatán raffole, à peine parsemée de maisons et de petits commerces, il y avait un lac. Et au bout de ce lac, les pyramides. Et plus loin encore, la route vers des cénotes, ou plutôt des grottes où l'on se baigne.
Un accueil charmant, deux vieux monsieur sur leurs taxis-vélos, des tuk-tuk d'un genre primitif, qui m'encouragent et me proposent à boire quand ils font la pause, plus loin sur le chemin et que je les dépasse en me moquant (ils se rattraperont quelques mètres plus tard, me repassant allègrement. Au match vélo-pieds, c'est eux qui gagnent, assurément), et enfin des enfants qui ne s'enfuient pas en voyant cette "blanche" et son attirail de cheval de trait (dixit un vieux qui m'a croisée, et qui a dit que les seuls à être aussi chargés dans ce pays, étaient les chevaux de trait, j'ignore où se niche le compliment). Ici, les Mayas ont la causette facile, tout est prétexte à papoter, simplement, gentiment, c'est un vrai enchantement.
Les gamins ont même sauté de joie quand je leur ai proposé la photo, réclamant des "a ver, a ver" ("montre, montre...") pour se voir. L'un s'appelait José (mais bon sang, tous les Mayas s'appellent-ils donc José ? Comme j'avais déjà noté que les Lacandons s'appelaient tous ou presque Chambór !) et son petit frère, un nom maya imprononçable avec des "ch", des "k" et des "ob".
La maman n'a pas bougé de son hamac quand elle a vu qu'elle avait affaire à une femme, et m'a laissé profiter d'un instant avec ses bouts de chou.
Les oiseaux même sont du genre complaisants, et me laissent faire mes photos sans broncher d'une aile.
Récompense avant les pyramides, un petit déjeuner sous forme d'un jus d'ananas et d'oeufs frits à la sauce verte (tomates vertes). Mon sac à dos, mon cahier, et moi-même apprécions.
À vrai dire, je vois, surplombant le lac, la grande pyramide de Cobá, et je me dis que ça ne va pas le faire, que j'en ai un peu plein les mollets, et qu'il fait bougrement trop chaud.
Mais une bonne surprise m'attend : moyennant 190 pesos (12 euros environ), un taxi-vélo, tuk-tuk donc, te fait faire le tour complet des pyramides du site. Les plus sportifs (eh oh, ça suffit maintenant !) peuvent le faire à vélo. Va savoir pourquoi, je choisis l'option confort, une fois n'est pas coutume.
Et j'apprécie grandement de découvrir les pyramides à travers la jungle et ses ombres rafraîchissantes. Le site n'a rien d'impressionnant en matière de bâtiments, comparé aux précédents des jours derniers. Et pourtant... Cobá s'appelait peut-être Kinchil Cobá autrefois, mais on n'en est pas certains. Ce serait alors une référence au dieu du Soleil Maya, K'inich Ajaw.
Accrochez-vous, c'était le site le plus gros du Yucatan, avec ses 70 kms carrés de superficie et ses 45 sacbés, chemins mayas. Bien plus grand que Chichén, oui, et on comprendra, du coup, que les deux villes aient été d'éternelles rivales. Les archéologues pensent que la ville avait une population d'environ 50.000 habitants. On retrouve des traces de vie ici du 1er siècle avant JC (toujours pas Jules César, ni Jacques Chirac, l'autre...), jusqu'en 1500 environ.
Toutefois, lorsque les Espagnols arrivèrent, la cité qui existait encore, fut abandonnée par tous ses habitants. Ce n'est qu'à partir de 1972 qu'on s'est vraiment intéressés à Cobá. Jusque-là, Chichén raflait toutes les attentions.
On y découvre beaucoup de stèles, deux jeux de pelote, un observatoire, et une grande pyramide qui surplombe le lac Macanxoc.
Mais voilà, le pépin, ta Laya, super reporter, quand elle a vu la hauteur du truc (deux fois la taille des marches de Ek Balam l'autre jour, qui avait déjà relevé du sérieux défi personnel !), elle s'est débinée en courant. Hors de question de grimper ce machin, encore que, le grimper soit une chose, le descendre une autre.
Soudain je me suis souvenue que, pour les Mayas, les pyramides représentaient les montagnes (parce qu'ils pensaient que leurs ancêtres reposaient là). Une montagne, l'engin. Sans harnais, sans rien. Niet, nada, nicht, Laya pas faire. Donc fais marcher ton imagination, et si un jour tu fais (ou tu as fait déjà), tu me raconteras, je suis preneuse.
Ça a fait rigoler mon chauffeur de Tuk-tuk, Jacobo. Un jeune homme de 21 ans, qui pédale ainsi depuis un an sur le site. Il a reconnu qu'au début, c'était dur, ses jambes n'étaient pas préparées. Mais désormais tout va bien. Bien entendu il parle le maya, c'est même sa langue première, et l'espagnol, il ne l'a appris qu'en arrivant à l'école. Il a eu l'air content du pourboire que je lui ai laissé. Et moi, rien n'était assez beau pour mes mollets préservés !
Pour conclure cette thalassothérapie d'un genre nouveau (la jolie ville de Salies-de-Béarn n'a qu'à bien se tenir), rien de tel qu'un petit détour vers les eaux pas chaudes du tout du cénote Multum-Ha, plutôt une citerne enfoncée sous-terre.
Ciel fermé, claustrophobes s'abstenir, mais moi j'ai aimé. Une eau fraîche limite frisquette (ouh les menteurs, ils annoncent une température moyenne de l'eau à 25/26 degrés, c'est faux, doit y avoir 5 bons degrés de moins, te parie), d'un clair confinant à la pureté translucide, et pas grand monde (trouillards, trouillards !).
Demain, petite surprise dans le parcours, je vais tenter d'entrer dans une Communauté de l'intérieur, la zone de Chanchen, où aucun étranger ne va jamais, essayer de voir les femmes broder les vêtements.
Et si je ne prends pas un malencontreux coup de machette derrière la nuque, je viendrai te raconter (non, je rigole, papa, je ne risque rien... enfin j'espère)... Là où je loge ce soir, et où apparemment j'ai été un peu "repérée" alors que je ne me suis pas répandue du tout en bavardages égotiques, on m'a dit : "Toi qui écris sur les Mayas (sic !!!), tu devrais aller là-bas, car ce sont les derniers vrais Mayas, eux !"
On verra bien. Des "Halach Uinich" (les Hommes Vrais, en maya), ça me tente bien, en effet...
Tak saámal, à demain.
Laya Croves
Diaporama 1
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Diaporama 2 - le site archéologique de Cobá
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Diaporama 3
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