Chanchen ne m'a pas livré tous ses secrets, mais je ne suis pas en panne d'artisanat mexicain pour autant. Il suffit de s'arrêter dans les échoppes de bord de route, ou dans les villages de la Côte, comme Tulum, pour trouver son bonheur.
De la vannerie, des hamacs, des tissus brodés, des tenues yucatèques, des tapis, des nappes, des sacs à dos tissés, des chapeaux, des coussins, des jaguars en bois, etc.
Et…
Ici, deux spécialités fortes : les lustres en "liane", et les "atrapa-sueños" qui devraient plutôt s'appeler "attrape-cauchemars". Vrai quoi, les rêves, on ne veut pas s'en débarrasser, on les garde même jalousement au fond de soi, en espérant un jour les voir réalisés. Enfin, perso, je vous assure que mon rêve secret, je n'ai pas du tout envie de m'en défaire. En revanche, les "pesadillas" ou cauchemars méchants, ceux-là, si on pouvait les faire dégager !
Les lustres en liane me sont expliqués par Farid. Il faut aller dans la jungle, récupérer de solides lianes encore vertes et donc malléables, fabriquer deux cercles que l'on croise, et tresser la matière tant qu'elle n'est pas sèche. Puis faire sécher et donc durcir, et voilà un joli résultat. Au départ, il me confie que le coup de main n'est pas facile à prendre, mais depuis plus d'un an qu'il s'y consacre, ça y est, il est au point. Il fabrique aussi des hamacs, ou des "atrapa-sueños" donc, mais me conseille d'aller rencontrer une femme plus loin, pour la voir travailler.
Je m'exécute et je rencontre María qui ne parle que le maya. Je sors mon désormais habituel vocabulaire de base, et ses filles font le reste de la traduction. Elle accepte de se laisser photographier en échange d'une pièce, mais je la préviens que je ne suis pas une "Gringa" et qu'elle n'aura pas des fortunes. Je vais lui laisser l'équivalent de 3 euros 50, elle a l'air satisfaite.
Quand j'explique que je pensais la tradition des "atrapa-sueños" propre aux Indiens d'Amérique du Nord, sa fille se récrie aussitôt. Non, non, pas du tout, c'est une vieille tradition maya. Je regrette de n'avoir pas davantage étudié les langues vernaculaires d'Amérique, car je maintiens que la relation entre Mayas, Sioux ou Apaches est forte, très forte. Même les sonorités de la langue sont similaires.
Mais fifille ne veut rien savoir de ses compères Amérindiens, les Mayas ont tout inventé, point. Elle m'explique : l'esprit bienfaisant loge en nous, et nous permet de respirer, de rester en vie, mais l'esprit mauvais entre parfois et nous provoque de méchants cauchemars. L'atrapa-sueños doit être placé au-dessus de la tête, pour attraper les cauchemars et l'esprit mauvais.
Elle me raconte mille anecdotes aussi fantaisistes les unes que les autres, étant apparemment arrivées à son arrière-grand-père qui avait eu la vie empoisonnée par les cauchemars méchants tant qu'il ne s'était pas résolu à se doter d'un atrapa-sueños. Elle me demande si j'en ai un, je lui raconte que oui, depuis des années (c'est vrai) mais qu'il n'attrape pas tous mes cauchemars, loin s'en faut. Elle me demande de quelle taille il est, je lui montre sur les exemplaires présentés, et elle se met à m'enguirlander aussitôt : "Ça ne va pas du tout, il est beaucoup trop petit, tu as un engin destiné aux bébés, pas aux adultes".
J'ignore si l'intention est de m'en vendre un grand, mais je l'arrête de suite, ma voiture est déjà remplie, et s'y trouve en plus depuis peu un truc encombrant, à quatre pattes ! Elle reconnaît que je suis déjà chargée mais continue de maugréer : "Pas étonnant, trop petit ton atrapa-sueños, beaucoup trop petit, ça peut pas aller ça..." María, sa mère, continue de coudre les lianes séchées qui font l'armature. Ensuite, elle brodera au milieu et accrochera des plumes, récupérées sur des oiseaux de brousse, au moment de la mue. Il y en a de perroquets, de dindons, de faisans, d'oiseaux divers. Je n'en connais pas le détail, j'aurais besoin des conseils d'un ornithologiste de talent, si tu connais ça...
Même si les prix sont un peu plus élevés qu'à l'intérieur des terres sur cette route très touristique, il y a tout de même moyen de se faire plaisir (ainsi qu'à ses proches) pour un prix accessible, avec des objets encore faits à la main, et pas made in China ! Je ne sais pas si ça va durer... J'espère que oui car ces étals de bord de route, aux couleurs bigarrées, sont un enchantement total pour les yeux.
Laya Croves ET Coba le chien
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