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HISTOIRES D'ICI ET LÀ André Dassary, le ringard à la mode

Même les plus jeunes ne se souviennent pas de lui. Mais celui qui sortit premier prix de chant, d’opéra-comique et d’opérette du conservatoire de Bordeaux, nous aura néanmoins laissé le légendaire Ramuntcho, roi de la montagne… Portrait à découvrir avec le sourire…
Photo de deux personnes dansant sur scène

Même les boomers (la génération qui eut vingt ans dans les années soixante) ne se souviennent pas de lui. Sinon pour une mauvaise raison, qui le fit entonner l’hymne de Vichy, le fameux « Maréchal nous voilà », une allègre chansonnette que les petites têtes blondes d’alors avaient l’obligation d’apprendre par cœur et de chanter à tue-tête. Seules les paroles étaient originales, la ritournelle étant plagiée tant de l’opérette « La Margoton du bataillon » que de l’inoubliable « La fleur au guidon » dédié au Tour de France édition 1937 (victoire du Bayonnais Roger Lapébie), le premier à être disputé avec dérailleur.

Et côté dérayage, déraillement et couillonerie, accordons à André Dassary qu’il ne s’agit sans doute là que d’un simple accident de parcours, comme Neruda ou Montand vantant Staline, comme Paco Rabanne annonçant la fin du monde pour le 11 août 1999 à 11h22, ou Manuel Valls se présentant à une élection, quelle qu’elle soit. Dassary, né Deyhérassary il y a pile 110 ans se voue tout d’abord au massage, alors une occupation (oups, pardon, pas fait exprès) qui ne nécessite pas de diplôme, mais de la tchatche et une bonne poigne et accompagne même l’équipe de France aux Jeux mondiaux universitaires de 1937 à Paris. Entre parenthèse, l’édition de 2023 prévue à Iekaterinbourg, en Russie, a toutes les chances d’être délocalisée. C’est l’époque des petits métiers, apprenti maître d’hôtel au Savoy de Londres, puis au María Cristina de San Sebastián.

Une simple étape pour André, qui doté d’une bonne voix de ténor roucoulant, fait ses classes au Conservatoire de Bordeaux, dont il sort premier prix de chant, d’opérette et d’opéra comique, un titre lui permettant d’aller toquer à la porte de Ray Ventura, qui fait un malheur à la tête de ses Collégiens, dont font partie Coco Aslan, Henri Génès, Louis Gasté (futur Loulou, celui de Line Renaud) et le boutonneux Sacha Distel, neveu de Ventura. La contribution du groupe à la chanson rigolote française est digne de respect : « Quand un vicomte ; Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine ; Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux », etc. On frôle les sommets.

Sauf que lui veut les atteindre tout seul, sans s’encombrer d’un combo un peu trop potache pour lui. Problème, il est retenu prisonnier en Allemagne, et aussitôt libéré, obtient en 1941 le succès recherché avec l’opérette L’auberge qui chante, suivie de l’ode au maréchal dont on causait plus haut. Il est alors, en compagnie de Maurice Chevalier, Ouvrard, Jean Sablon, Charles Trenet et Tino Rossi, l’une des vedettes de la scène nationale, et son Ramuntcho, le rrroi de la montagneu, qui crie « Ma gachucha, je t’aime », tandis que l’écho répond « T’aime ! » est fredonné dans la France profonde, même celle loin des Pyrénées. De la montagne, Ramuntcho est le roi, et André son cousin. Vincent Scotto, le compositeur, s’en frotte les mains. Et contrairement à l’idée reçue, le film éponyme de Pierre Schoendoerffer, sorti en 1959, avec Mijanou Bardot (la sœur de l’idole), Roger Hanin en contrebandier, Moustache en aubergiste et Jean Lartéguy en curé, emprunte tout au roman de Pierre Loti et n’a rien à voir avec la chanson. En revanche, André est bien à l’affiche du Mariage de Ramuntcho, de Max de Vaucorbeil, « premier film français en couleurs naturelles », avec Gaby Silvia. Plus de 600 chansons suivront, faisant de lui l’un des roitelets du music-hall.

Le reste de la carrière dassarienne n’est pas trop glop. Après un baroud d’honneur avec l’opérette La toison d’or, du faiseur de hits Francis Lopez au théâtre du Chatelet, André et ses roucoulades hispanisantes n’ont plus la cote. Une nouvelle génération, qui n’a peur de rien ni de personne, pas même du ridicule, débarque en force avec en tête de pont Johnny, Richard Antony, Claude François. C’est l’automne pour le patriarche, qui passe progressivement dans l’anonymat et l’oubli, avec comme principal plaisir l’évolution de la carrière de sa fille, l’actrice Evelyne Dandry. Sans flonflons ni trompettes, et sans trop de notices nécrologiques dans les gazettes, « le ténor à la voix d’or » décède à l’âge de 74 ans, en 1987. Sa tombe est visible au cimetière du Sabaou, à Biarritz, où Daniel Balavoine fut d’abord enterré avant de rejoindre celui de Ranquine. Dassary – Balavoine, deux époques. Et deux talents qui continuent de faire fredonner notre Sud-Ouest.

Dominique Padovani

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