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Erroberri : Une ferme municipale pour cultiver l’autonomie alimentaire

Avec ce nouveau site, Bidart et Biarritz misent sur une agriculture de proximité, sobre, autonome et pédagogique
La future ferme Erroberri verra le jour au cœur d’une zone longtemps grignotée par l’urbanisation
Erroberri DR
Cette exploitation maraîchère entend relocaliser l’agriculture et ancrer dans le territoire une politique alimentaire ambitieuse, solidaire et résolument tournée vers l’avenir
Les maires de Biarritz et Bidart, à l'initiative du projet
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Au Pays basque, certains projets remettent carrément l’agriculture au centre du village. C’est le cas d’Erroberri, littéralement “nouvelle racine”, la ferme maraîchère en régie municipale imaginée et portée conjointement par les villes de Bidart et de Biarritz. Un pari politique fort, presque un coup de fourche contre la dépendance alimentaire, et une manière concrète de remettre les mains dans la terre pour nourrir l’avenir.

Au cœur d’une zone longtemps grignotée par l’urbanisation, les deux municipalités ont choisi de réhabiliter 1,5 hectare de prairies autrefois agricoles, complétées par 2 000 m² de serres et un hangar flambant neuf. Objectif : approvisionner les écoles, crèches, centres de loisirs et EHPAD en légumes biologiques, locaux, produits selon les règles de l’art… et du sol. L’idée n’est pas seulement de fournir des carottes qui ont poussé à moins de dix kilomètres de la cantine : il s’agit de sécuriser, de stabiliser, d’ancrer la chaîne alimentaire municipale dans un terroir qui a trop souvent perdu ses agriculteurs au profit des m² constructibles.

Erroberri symbolise notre volonté commune d’assurer une alimentation saine, locale et durable pour tous”, souligne Maider Arosteguy, maire de Biarritz. Avec son homologue bidartar Emmanuel Alzuri, elle pilote ce projet autant agricole que politique. Ici, on ne parle pas d’un potager décoratif, mais bien d’une exploitation pensée pour produire, durer et irriguer l’ensemble du système public de restauration. Plus de 350 000 repas seront concernés, dont 80 % des plateaux servis à Biarritz.

Vue aérienne de l'implantation du site, entre la mer et la forêt
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Une réponse politique avant d’être agronomique

Il suffit de marcher quelques centaines de mètres depuis la plage d’Ilbarritz pour découvrir le site. Le hangar en bois, 250 m² d’architecture basque réinterprétée, se dresse au sud du terrain. Sa toiture monopente accueillera une centrale photovoltaïque. Les serres sont installées en contrebas, discrètes, presque cachées pour ne pas gêner les voisins. À côté, un bassin de récupération des eaux pluviales de 800 m³ permettra une irrigation autonome, écologique et sécurisée.

Dans cette ferme pensée “comme un écosystème”, tout a été calibré : les portiques de charpente rythment la façade, le bardage rappelle les architectures agricoles traditionnelles, les trames horizontales et verticales structurent l’ensemble. On sent que la modernité a été greffée au respect du lieu, sans jamais étouffer sa singularité.

Si Erroberri existe, c’est d’abord parce que la chaîne d’approvisionnement en légumes bio s’est fragilisée ces dernières années. “Longtemps repoussées par l’urbanisation, les terres maraîchères reviennent aujourd’hui dans l’aire urbaine”, note la municipalité. C’est une manière de répondre localement à des tensions globales : diminution du nombre d’agriculteurs, dépendance aux circuits extérieurs, variabilité des récoltes.

Maider Arosteguy précise que « Cette « nouvelle racine »  Erro Berri est le fruit d’une volonté commune avec Emmanuel Alzuri, le Maire de Bidart avec qui nous pilotons le Siazim. Erro Berri symbolise notre volonté commune d’assurer une alimentation saine, locale et durable pour tous — enfants, familles et aînés. » Le projet, soutenu par un budget de 900 000 € financé par Bidart, Biarritz, la CAPB et le SIAZIM, vise à reprendre la main sur la production, mais aussi à créer de l’emploi agricole local. Deux ou trois maraîchers municipaux seront recrutés, avec renfort saisonnier en été. 

Les études ont débuté en 2023, la gouvernance a été fixée en 2024, les travaux commenceront au second semestre 2026. La mise en culture suivra, progressivement, avec une montée en puissance au fil des saisons.

Nourrir mieux, nourrir local

Erroberri DR

Au-delà de l’agriculture biologique, la ferme Erroberri porte une ambition plus vaste : celle d’une politique alimentaire globale pour les deux communes. Une politique qui veut :

  • assurer la qualité nutritionnelle des repas,

  • réduire l’empreinte environnementale,

  • soutenir les filières locales,

  • et sensibiliser les enfants au “bien-manger”.

À l’heure où la restauration collective pèse lourd dans les bilans carbone, produire local n’est plus un luxe mais une nécessité. Ici, chaque tomate évite un camion, chaque salade est un kilomètre en moins sur la route, chaque courgette raconte l’histoire d’un territoire qui veut se nourrir lui-même.
Les élus ne s’en cachent pas : Erroberri dépasse les obligations nationales. Le projet veut aller plus loin que la loi EGAlim, qui impose déjà 50 % de produits durables et 20 % de bio. L’objectif est d’atteindre des taux nettement supérieurs pour les communes, tout en renforçant la résilience locale.

À travers Erroberri, l’agriculture devient un outil de transmission
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Un levier de solidarité, de pédagogie et de transition

À travers Erroberri, l’agriculture devient un outil de transmission. Les écoles pourront venir visiter les cultures, comprendre le cycle du légume, observer l’usage raisonné de l’eau, apprendre l’évapotranspiration autrement qu’en théorie. Les enfants verront enfin que les carottes ne grandissent pas dans des sachets plastique.

La ferme ouvre aussi la porte à une réflexion sur le métier d’agriculteur : être maraîcher municipal, c’est concilier service public et savoir-faire agricole, offrir une stabilité professionnelle dans un secteur souvent précaire. Et puis, derrière l’aspect nutritionnel se cache un enjeu social : garantir à tous, du tout-petit en crèche au résident d’EHPAD, une alimentation digne, saine, locale.

Erroberri n’est pas un geste isolé, mais un signal fort envoyé par deux municipalités qui veulent retrouver une souveraineté alimentaire perdue. À Bidart comme à Biarritz, les élus le savent : l’autonomie ne se décrète pas, elle se cultive. Elle exige de la terre, des semences, des compétences, de la patience, et surtout un engagement constant. “Ensemble, faisons pousser les racines d’une alimentation durable, locale et solidaire”, écrit Maider Arosteguy. Un slogan qui, pour une fois, a de la terre sous les ongles et des perspectives bien plantées.

À mesure que les travaux avanceront, que les cultures lèveront, que les légumes entreront dans les cuisines municipales, Erroberri deviendra plus qu’une ferme : un modèle. Peut-être même une source d’inspiration pour d’autres communes.

Sébastien Soumagnas

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