Le 15 avril dernier, au cinéma de Pontonx-sur-l’Adour, les projecteurs étaient braqués non pas sur un film, mais sur un projet d’envergure sociale. Sur scène, élus, partenaires, formateurs et professionnels ont dévoilé les contours de l’Institut fédératif landais du travail social, alias IFLTS. Un nom à rallonge pour une ambition simple, redonner des couleurs aux métiers de l’accompagnement dans les Landes, trop souvent à court de bras, de reconnaissance et de visibilité.
Le fédératif prend tous ses sens
L’idée de créer cet institut ne date pas d’hier. Elle est née d’un constat partagé : celui d’une crise structurelle du recrutement dans les secteurs social, médico-social et sanitaire. Si les besoins explosent, les vocations, elles, s’étiolent. Et les parcours, parfois, s’enlisent dans les méandres d’une offre de formation morcelée ou mal connectée aux réalités du terrain.
C’est précisément ce que souhaite éviter l’IFLTS. Loin d’une énième structure administrative, il s’agit d’un outil transversal, ancré dans le territoire, pensé pour fluidifier les parcours, encourager l’innovation pédagogique et rapprocher tous les maillons de la chaîne : employeurs, formateurs, collectivités, associations, apprenants et bénéficiaires.
Le mot « fédératif » n’a rien d’un gadget sémantique. Il incarne l’essence même du projet. Du reste, Marie-Laure Lafargue, conseillère régionale, l’a souligné d’entrée de jeu, arguant que cette démarche collaborative n’était pas synonyme de déconstruction, mais plutôt faite pour construire mieux.
Même volonté affichée du côté du Département. Paul Carrère, en charge des Solidarités, a tenu à rassurer les acteurs de la formation : il ne s’agit pas de marcher sur les plates-bandes existantes, mais bien de pérenniser et d’amplifier. Et surtout, de créer un espace d’expérimentation, qui puisse générer à terme de nouveaux modèles de formation, plus en phase avec les besoins des usagers comme des professionnels.
Un « médico social club » contre l’isolement
Parmi les nombreuses actions prévues à partir de septembre 2025, certaines attirent l’attention par leur audace. C’est le cas de ce futur « médico social club », sorte de lieu ressource, physique ou numérique, où pourront se croiser idées, pratiques, et retours d’expérience. L’objectif est de favoriser les coopérations, lutter contre le sentiment d’isolement qui mine souvent les acteurs de terrain, et créer une dynamique de soutien mutuel.
Autre initiative : un observatoire dynamique, chargé de recenser les besoins du territoire, les pratiques innovantes et les blocages persistants. Car pour adapter les formations, encore faut-il avoir une vision claire du terrain de jeu. Là encore, l’IFLTS veut jouer les catalyseurs, en capitalisant sur les données existantes plutôt qu’en réinventant la roue.
Parmi les enjeux majeurs, la lutte contre les ruptures de parcours et les freins à l’entrée en formation figure en bonne place. Logement, mobilité, garde d’enfants, orientation... autant d’obstacles qui peuvent décourager. L’institut souhaite donc répondre à ces besoins singuliers par des accompagnements individualisés, dans une logique de guichet unique.
Du côté des organismes de formation, la coordination territoriale est également au programme. Dès la rentrée 2025, une équipe dédiée viendra renforcer la lisibilité de l’offre, en partenariat avec les établissements existants. L’enjeu est clair : éviter que des vocations locales soient contraintes de partir faute de solution adaptée sur place.
L’immersion professionnelle comme révélateur
Sur le terrain, des initiatives fleurissent déjà. À l’image du projet Afest, mené par le CIAS Landes d’Armagnac. Pour Chrystèle Rabé, sa directrice, il s’agit de former des aides à domicile par la pratique, en les accompagnant dans leur montée en compétences à travers des situations réelles de travail. Un modèle plus agile, particulièrement adapté à des profils en reconversion.
Même constat du côté de France Travail, où l’on mise sur l’immersion pour casser les clichés et révéler des vocations. Selon Mélanie Bonhomme, directrice adjointe à Mont-de-Marsan, ces parcours accompagnés débouchent souvent sur des emplois durables, car ils permettent de vérifier la compatibilité entre aspirations et réalités de terrain.
L’une des grandes richesses du projet, c’est d’avoir associé dès sa genèse une pluralité d’acteurs. Pas moins de 68 structures ont été impliquées dans la phase de co-construction, sous la houlette de l’Institut Formation Développement. Un véritable travail d’équipe, salué pour son exigence comme pour sa dimension humaine. Il en ressort un plan d’action structuré, étalé jusqu’en 2026, qui combine recherche appliquée, innovation pédagogique et coordination opérationnelle.
Une attention particulière est aussi portée aux conditions de travail. Le programme QENA, par exemple, permettra d’évaluer scientifiquement la qualité de vie au travail dans le secteur du handicap, comme cela a déjà été fait dans les EHPAD et les services à domicile. De quoi outiller les structures pour mieux fidéliser leurs équipes.
Des territoires solidaires
À travers les communautés AMA (Attractivité des Métiers de l’Accompagnement), la dynamique se diffuse à l’échelle locale. Ces espaces de dialogue, lancés en 2023, se poursuivent en 2025 avec l’objectif de toucher encore plus d’établissements, en misant sur l’intelligence collective pour faire émerger des projets adaptés à chaque bassin de vie.
En parallèle, l’apprentissage se voit renforcé grâce à un appel à projets qui a déjà permis plusieurs recrutements en 2024. Le soutien aux formations initiales s’intensifie également, avec des expérimentations comme « Prép’emploi », menée à Castelnau-Chalosse et Pontonx-sur-l’Adour. Là encore, le mot d’ordre est clair : coller au plus près des besoins, sans perdre de vue l’humain derrière chaque CV.
Au-delà de la réponse conjoncturelle à la crise des vocations, l’IFLTS ambitionne d’être un véritable levier de transformation. Un lieu où l’on pense autrement la formation, le management, l’organisation du travail. Un lieu qui permette de construire, dans la durée, une réponse locale aux défis globaux.
Les métiers du lien humain, longtemps dévalorisés, trouvent ici un nouvel élan. Un pas après l’autre, les Landes tissent une toile ambitieuse : former, accompagner, innover... mais surtout, ne plus laisser personne sur le bord du chemin.
Sébastien Soumagnas
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