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CREATEURS ET PASSIONNESLes sœurs Labèque rejouent Les Enfants terribles

Ce vendredi sort chez Deutsche Grammophon le nouvel album des Bayonnaises Katia et Marielle, magnifique déclinaison pour deux pianos de cet opéra de chambre de Philip Glass...
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Inspiré de l’émouvant roman de Jean Cocteau, cet opéra de chambre peu connu du célèbre compositeur américain a été spécialement adapté par son arrangeur Michael Riesman pour les deux pianistes basques. Le résultat est aussi superbe que bluffant. On en discute avec Katia Labèque.

Pionnier du minimalisme et de la musique dite répétitive, l’Américain Philip Glass est l’un des derniers « papes » de la musique contemporaine. Sous nos latitudes, il est plus particulièrement connu pour son opéra « Einstein on the beach » (1976), pour ses délicieux « Glassworks » (1981) ou encore pour la BO devenue culte du documentaire Koyaanisqatsi (1982).

Composés en 1996, ses « Enfants terribles », inspirés du roman de Cocteau publié en 1929, sont assez peu connus mais gagneraient sans doute à l’être. En France, ils ont été représentés pour les dernières fois en 2011 à Bordeaux (Opéra National) et fin 2012 à Paris (Théâtre de l’Athénée), sous la direction d’Emmanuel Olivier. Cette année, le compositeur et pianiste japonais Joe Hisaishi en a aussi mis en ligne un très bel arrangement, capté il y a un an à Tokyo.

La rencontre entre le compositeur américain et les sœurs Labèque remonte à 2015, peu avant la première d’un concerto pour deux pianos qu’il avait déjà spécialement écrit pour elles. Cela faisait apparemment un moment que Philip Glass caressait l’autre projet d’une adaptation de son opéra de chambre (4 voix, 3 pianos et 8 danseurs) pour les deux pianistes.

Un projet dont tous trois ont pu reparler en mai 2019, à la Philharmonie de Paris, lorsqu’ils y ont présenté avec 7 autres interprètes les 20 études pour piano du compositeur.

Un disque « made in Pays basque »

C’est à son collaborateur Michael Riesman que Philip Glass a confié le soin de cette nouvelle adaptation. Mais il a fallu un moment pour que les choses s’accélèrent. Car éternellement jeunes, Katia et Marielle Labèque nous feraient presque oublier que leur carrière est déjà longue d’un demi-siècle, qu’elles ont plusieurs dizaines d’albums à leur actif et que depuis l’énorme succès de leur enregistrement de « Rhapsody in Blue », en 1980, elles sillonnent le globe pour donner des concerts.

« Nous étions en tournée l’an dernier. Ce n’est finalement qu’en mars, quand moi et ma sœur nous nous sommes retrouvées confinées à des endroits différents et sans possibilité de jouer en public, que nous avons pu commencer à y travailler sérieusement », explique Katia Labèque. Les deux sœurs, qui résident normalement en Italie, ont alors sélectionné plusieurs pièces représentatives de ces Enfants terribles, ensuite adaptées et intégrées à la partition par Michael Riesman, auteur d’un travail remarquable.

À la fin du confinement, les 13 plages du disque (11 pièces tirées des Enfants terribles et deux études de Glass) ont été enregistrées au Pays basque, au studio de David Chalmin à Saint-Pée-sur-Nivelle (La Fabrique des ondes) : « C’était le premier disque qu’on y enregistrait, mais nous y reviendrons certainement pour les suivants », annonce l’aînée du duo, qui se félicite de voir les choses bouger pour la musique dans la région après une longue période de relative inertie.

Les deux sœurs étaient d’ailleurs de la partie à l’église de Saint-Jean-de-Luz, mi-septembre, pour le concert exceptionnel qui remplaçait cette année le festival Ravel.

Attachées à leurs racines, Katia et Marielle Labèque restaient en outre sur un disque consacré aux compositeurs basques, « Amoria » (2018), fruit d’une collaboration avec l’ensemble Hegiak (voix et percussions). Le genre de projet original que leur propre label KML, lancé en 2006, leur laisse la liberté de développer en tant que productrices, tout en bénéficiant d’un contrat de distribution avec l’illustre maison Deutsche Grammophon.

L’idéal pour ces deux artistes qui, après avoir collaboré avec les plus grands compositeurs et expérimentateurs du siècle dernier (Messiaen, Boulez, Ligeti, etc.), n’ont jamais craint d’explorer de nouvelles pistes.

Vers une tournée en 2021…

Pour en revenir à nos Enfants terribles, on notera que Deutsche Grammophon, en amont de la sortie de cet album et pour en illustrer un peu les morceaux, a déjà mis en ligne 3 clips vidéo sur sa chaîne Youtube (également produits par les sœurs Labèque). Des images que l’on doit à Ronan Day-Lewis, le jeune fils (22 ans) de Daniel Day-Lewis et de Rebecca Miller, qui les a réalisées avec un iPhone dans l’État de New York, et en particulier sur une belle plage qui aurait pu être landaise ou basque...

Au-delà, « On retrouve dans ces images ces enfants terribles du roman de Cocteau qui, enfermés dans une chambre, se créent leur propre univers. On sent bien dans le travail de Ronan qu’il a grandi dans ce monde du cinéma et qu’il a ça dans le sang », commente Katia Labèque.

Pour écouter cette adaptation des Enfants terribles en concert, il faudra cependant attendre un peu. Après un passage à Francfort cette semaine, Katia et Marielle Labèque devraient tout de même en jouer des pièces à Zurich ce 25 octobre.

Les deux sœurs seront à la Philharmonie de Paris (les 12 et 14 novembre) pour une première interprétation dans l’Hexagone du récent concerto pour deux pianos de Nico Muhly. Elles iront ensuite à Rouen le 22 novembre. Mais rien n’est perdu pour 2021 : « Nous essayons de monter une tournée en février », conclut la pianiste. On espère bien que le climat sanitaire ne fera pas des siennes…

En attendant, on peut en tout cas se jeter les yeux fermés sur ce nouvel album à la fois original et très accessible. Les amateurs y retrouveront la veine mélancolique des Glassworks et l’esprit du compositeur américain, parfaitement servis par une grandiose et touchante interprétation de Katia et Marielle Labèque.

Bref, c’est une franche réussite, et cerise sur le gâteau, c’est une réussite « made in Pays basque ».

Nous, on sait ce qu’on écoutera cet hiver au coin du feu !

Plus d’informations sur le site internet labeque.com

Pour vous faire une idée, les 3 premiers clips vidéo…

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https://youtu.be/bON8PQsZDBQ

https://youtu.be/Ro95Rz-unWE

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