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Publié le

MUSIQUE AU CŒURBéatrice Ardisson, entrepreneur et chercheuse, diffuse sa passion sans frontières

Née à Auch et élevée à Siros, aux portes de Pau, son oreille exceptionnelle, son talent et son enthousiasme contagieux lui ont permis de devenir une référence internationale comme sound-designer.
D’abord styliste chez Kenzo, puis en première ligne dans une jeune maison de haute-couture, Béatrice, née Loustalan, est devenue une illustratrice sonore très recherchée pour des émissions télévisées, des évènements phares ou des hauts lieux dans le monde entier.

Fille de Jean-Claude Loustalan et de Francine Gave, Béatrice a passé son enfance entre le Béarn, le Gers et le Pays Basque, avant de s’envoler pour de belles aventures sur toute la planète. En 1988, elle a épousé Thierry Ardisson puis a créé sa propre entreprise, Ardisong.
 
Rencontre…

Passion musique ?
Béatrice Ardisson –
Depuis toujours. Ma mère me berçait avec les Beatles quand j’étais dans son ventre. Quand on était petits, papa nous faisait très souvent écouter des disques. On dansait beaucoup avec mon petit frère Jean-Philippe… J'ai toujours aimé la musique. Mais, je n’imaginais pas un instant pouvoir en faire un métier. J’ai commencé très jeune à jouer du piano avec ma grand tante Francine Schoeffler, premier prix du Conservatoire. J’ai fait aussi du chant, du chant lyrique. Il se trouve que j’ai une très bonne oreille. Au point que je ne peux pas supporter le moindre bruit pendant que je travaille sur ma musique et mes playlists.

Musique, mode et toujours musique…
B. A. –
En plus de la musique, j’ai toujours été intéressée par la mode. Une de mes cousines, Sophie de Taillac, alors attachée de presse, m’avait proposé de rentrer dans la presse, mais je me sentais plutôt une âme d’artiste. C’est comme ça que j’ai débuté chez Kenzo à 18 ans : styliste pour l’homme, c’était passionnant ! Pendant 2 ans, j’ai notamment saisi l’occasion d’apprendre à faire des gammes de couleurs. Après Kenzo, j’ai rejoint l’atelier haute couture de Frank Joseph Bastille et j’en suis devenue un peu l’égérie. C’est là que j’ai fait ma première bande-son de défilé. J’avais eu la chance de croiser chez Kenzo, Guy Cuevas, le DJ Maison. Mais à l’époque, ce métier était compliqué pour une femme. Le matériel était très lourd. Le MP3 est arrivé ensuite et ça a tout changé. On a commencé à avoir des Djettes et des Selecta, c’est ce que je suis devenue. J’ai voyagé dans le monde entier.
 
Jeunesse Sud-Ouest, donc
B. A. –
Oui. Avec plein de bons souvenirs à Auch et à Toulouse, à Pau et à Siros, le toro de fuego à Saint-Jean-de-Luz, les baignades à Socoa, le ski à La Mongie, les virées à Saint-Sébastien, les vacances à Auch à Luxeube chez mon oncle, descendant des mousquetaires…

La cathédrale d'Auch et la Tour d'Armagnac depuis les berges du Gers
DR

La rencontre avec Thierry Ardisson ?
B. A. –
Par hasard, sur le pas de la porte du Tango, une boîte de nuit où j'allais régulièrement. Il m'a suivi dans la rue. Le copain qui m’accompagnait l’a reconnu : « Mais, tu sais qui c'est… ». Je lui ai répondu « Je m'en fous ». Thierry voulait nous inviter à prendre un verre chez lui, et je disais à mon copain : « Mais non, je ne le connais pas. Je ne vais pas chez lui. Ça va pas ? » Tout a commencé ainsi. On s’est super bien entendus tout de suite. Et sur le plan professionnel, il m’a appris des choses essentielles comme gérer mes acquis, ce que les artistes ont du mal à faire.
 
Toujours famille…
B. A. –
Je m'entends très bien avec Thierry. On a 3 enfants ensemble, Manon, Ninon et Gaston. Je dis toujours : « J'ai très bien réussi mon mariage et j'ai très bien réussi mon divorce ». Thierry fait complètement partie de la famille. C'est clair, et il est toujours là quand il faut. Il est un bon, un très bon grand-père. Il est complètement gaga de ses 3 petits-enfants, et moi aussi. C'est génial d'être grands-parents. On n'a que le bon côté des choses.
 
Des enfants artistes aussi ?
B. A. –
Complètement, chacun à sa manière. Ma fille aînée, Manon, après avoir été productrice de films en Angleterre pendant plus de 10 ans où elle fut nominée pour un BAFTA, est aujourd’hui directrice de la fiction chez Cottonwood Média à Paris. Manon échange souvent avec moi sur le management de mes compagnies et me donne des conseils avisés. La deuxième, Ninon, est une artiste multidisciplinaire et chercheuse en art informatique à Londres. Elle est également conférencière à Camberwell College of Art dans le départment des Beaux-arts informatiques. Elle a exposé dans plusieurs institutions, comme la Tate Modern et le Victoria and Albert Museum. De plus, elle est impliquée dans la direction artistique au sein de la branche anglaise de ma société de sound design, B-Side.
Quant à mon fils, Gaston, il est musicien de formation, gère la production musicale chez Ardisong. Il travaille sur tout ce qui touche à la création originale dans la société, de l’enregistrement au coaching des musiciens. Gaston dirige aussi Oxygen Water depuis 2017, l’une des seules sociétés en France à proposer de l’eau en contenants eco-responsables.
Ils sont très différents. Par exemple, j’ai une fille végétarienne, l’autre qui l’a été pendant 10 ans, et un fils qui est un vrai carnivore. Mais du coup, cela a éveillé ma curiosité. J’ai vu récemment un documentaire très bien fait sur l’approche végétarienne (‘You are what you eat’ sur Netflix) qui m’a fait largement évoluer dans ma façon de me nourrir.

La MusicBox

Entrepreneur et chercheuse, donc
B. A. –
Je crée des playlists et de de la musique sur-mesure ou originale, notamment pour des grandes marques. Je développe beaucoup le volet numérique de la diffusion. C'est vrai que je suis à la fois chercheuse et entrepreneur, parce que j’investis beaucoup dans le développement informatique. J'ai créé mon propre diffuseur de musique qu’on appelle la MusicBox. Maintenant, j'en ai 500 dans le monde entier. Avec l’informatique, le progrès est exponentiel. Ça va très vite et ça me passionne. La musique plus les ordinateurs, je trouve ça formidable et il y a tellement de choses à faire.

Crédit : Florence Deygas

DJette et sound designer…
B. A. –
J’ai été DJette, c’est vrai. Mais mon métier, c'est de sélectionner de la musique pour les gens, pour des marques. Comme ceux qui, autrefois, créaient des bibliothèques. Moi, je le fais avec des disques et des playlists. Je crée des identités sonores avec comme base beaucoup de covers et de reprises dans tous les styles, du classique au jazz, en passant par des choses beaucoup plus modernes comme l’électro par exemple. Je m’attache à comprendre ce que les gens aiment bien. Après, je leur trouve des correspondances et peut-être aussi des ouvertures vers des choses qu’ils ne connaissent pas. La musique, c'est vraiment un domaine hyper subjectif. Tout le monde a son idée. Donc, il ne faut pas vouloir imposer sa musique aux gens. Il vaut mieux les accompagner et leur proposer des expériences nouvelles. Je viens de fêter mes 20 ans dans ce métier et les 20 ans de ma société Ardisong, avec mes collaborateurs : 20 années de passion absolue.
 
Le pied dans la porte… de la musique
B. A. -
La musique, j’y suis également arrivée par Thierry avec son émission de l’époque, « Paris Dernière », alors que je travaillais toujours comme styliste. Ils avaient besoin de quelqu'un qui prenne en charge la musique, parce qu’il fallait sortir 12 à 14 titres par semaine. C'était un vrai métier, qu’il m'a proposé de prendre en main. C’est ainsi que j'ai véritablement mis le pied dans la porte de la musique et je ne l’ai plus jamais enlevé. J’aime créer des ambiances, composer des thèmes musicaux, remixer des vieux tubes… ma marque de fabrique, c’est le son.

Photo : Florence Deygas

Une approche inédite…
B. A. –
Effectivement. Pour cette émission décalée, mon idée les a convaincus. Quand tu te promènes dans Paris la nuit, c'est marrant d'écouter un titre de musique et de ne pas savoir exactement ce que c'est. Dans une ville aussi magnifique, ça marche très bien. On a vendu un demi-million d’exemplaires de ma collection « La Musique de Paris Dernière » (sorti en 2000). J’ai réalisé 8 volumes. C'est devenu culte. En fait, c'était mon premier sound design.

D’autres compositions ?
B. A. –
À partir de 2003, j’ai lancé la série Mania, notamment autour de grands artistes (Cloclo Mania, Bowie Mania, Dylan Mania…), de styles musicaux (Classique Mania, Swing Mania...) ou de pays (Rio Mania, pour l’année du Brésil). Je crée des musiques pour des lieux, des hôtels, des marques, des évènements… Je travaille, entre autres, avec Francis Kurkdjian sur des ambiances à la fois sonores, visuelles, olfactives et sensorielles. J’avais aussi créé pour Louis Vuitton en collaboration avec l’artiste Yom de Saint-Phalle, une sculpture sonore sur le thème de l’Inde intitulée Mahat (ci-contre).

Une initiative qui vous tient à coeur ?
B. A. –
A travers BSide à Londres, nous avons récemment travaillé avec Ninon, son mari et compositeur Naritam Horn, le programmeur Jérôme Grard et d’autres partenaires (BOM, PlayLa.bZ) sur un projet exposé au Victoria and Albert Museum, en septembre dernier, pour le Digital Design Week-end. Sensing Patterns est une œuvre sonique, sensorielle et interactive qui utilise des modèles de tricots comme codes de base pour générer de la musique. La partie technique est réalisée à l’aide d’un système audio tactile (Subpac) et d’une… MusicBox !

Dans les palaces
B. A. –
 Au bar d’un palace du Sud de la France, ils passaient de la country. Je me suis dit, ce n'est pas possible. On a l'impression d'être dans un film italien des années 50. J'ai demandé la raison au barman. Il m’a révélé que c’était totalement improvisé. Il achetait lui-même des disques au centre commercial voisin, le week-end. J’ai tout de suite compris qu’il y avait un véritable créneau. Le déclic. J’ai ensuite développé le concept et créé un système pour diffuser la musique. Tout est envoyé aux clients par internet. Ce qui fait que pendant le covid, nous n'avons pas tellement souffert : le télétravail, on pratiquait largement depuis 15 ans.
 
Un vrai plaisir ?
B. A. -
J'adore mon métier. Franchement, j'adore ça. Si demain, je ne devais plus le pratiquer pour des clients, je continuerai à le faire pour moi. J'adore écouter de la musique. C'est important. Je suis le seul parent dont les enfants disent : « Maman, est-ce que tu peux baisser ta musique. C'est trop fort ! ».

Super DJette ?
B. A. –
J'ai aussi adoré. Cela m’a permis de voyager dans le monde entier. Mais, je n’étais pas très adroite. Je renversais régulièrement des trucs sur les platines. Donc, j'ai fini par travailler avec un DJ. En plus, je n'aime pas être toute seule derrière les platines. Ce métier oblige à se mettre un peu en danger. Les gens dansent devant toi… Si tu ne les fais pas danser, c'est que tu n'es pas très bon et ils te le font sentir. Quand tu réussis, c'est super. Généralement, j’y arrivais plutôt bien.
 
Souvenirs de DJette ?
B. A. -
Mon premier gros mix devant 2.000 personnes. Malgré l’importance de l’évènement, j’y allais la fleur au fusil, le nez au vent… Cela n’amusait pas du tout Thierry de me voir devant une telle foule. Ma meilleure copine qui m’accompagnait était très inquiète. Moi, je ne me rendais compte de rien. D’un coup, tout s'est arrêté. On n’est jamais à l'abri d’un problème technique. Les gens n'étaient pas contents, mais on a réussi à relancer la soirée. Ouf ! Il faut accepter tout de suite un problème, un incident, un mécontentement… et bien le prendre en compte, sinon cela peut dégénérer très vite. En fait, je n’ai jamais eu de grosse catastrophe. Pourtant, j’ai fait beaucoup de soirées, dans le monde entier, en Inde, à New York, à Hong Kong…

Confidence ?
B. A. –
Oui. Quelque chose de très important… Je suis toute petite. Je fais 1m58 dans les meilleurs moments. Être DJ m’a permis de voir les gens du dessus [éclat de rire]. J'étais toujours la plus grande dans les soirées. Je crois que, inconsciemment, c'est pour ça que j’ai été DJette [fou rire]. En vrai, j'adore voir les gens qui s'amusent, qui s'éclatent.
 
Jamais de vacances ?
B. A. –
On m’a souvent demandé pourquoi je n’en prenais pas. Mais, quelles vacances ? J'écoute tout le temps de la musique, c’est ma passion et mon métier. Si je me mets en vacances de musique, je meurs. J'ai besoin d'écouter ma musique, c'est ça qui m'amuse. C'est un peu comme pour le piano, j'avais besoin de faire mes gammes tous les jours. C'est ça qui m'amusait.
 
Jamais fatiguée ?
B. A. -
Je n’ai pas une santé géniale. Mais, ma santé n'est pas un sujet. J’ai une famille que j’adore, une super équipe d’une dizaine de personnes avec Ardisong, une autre tout aussi passionnée autour du haras en Normandie. Je suis à la tête de tout ça et je m’amuse comme une folle.

Des projets ?

B. A. – Je suis d’un naturel plutôt discret et je ne parle pas beaucoup de mes clients. Je fais simplement mon travail et j’espère le faire bien. Bien entendu, je travaille sans cesse sur de nouveaux projets musicaux. Par exemple, actuellement, je réfléchis à une résidence d’été musicale et artistique, une résidence d’artistes.

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