Dans l’atelier d’Agec, ce jeudi 5 juin 2025 à Jatxou, le bruit des machines s’accorde avec une annonce d’envergure : Pays Basque Industries–Euskal Industriak (PBI-EI) officialise la signature d’un partenariat stratégique avec l’ADEME. À la clé, une subvention de 170 000 euros pour soutenir Iparla – Industriako Plastikoen Arraerabilera, un projet collectif de revalorisation des plastiques industriels. En d’autres termes : donner une seconde vie locale à des déchets encore trop souvent condamnés à l’enfouissement.
Un projet qui tombe sous le sens pour Mikel Charritton, président de PBI-EI et dirigeant du Groupe Lauak : « Monter des projets collaboratifs entre industriels basques est dans l'ADN de Pays Basque Industries. Il est donc naturel pour nous de mener un projet de décarbonation, qui est un des 4 piliers de notre association. Nous sommes heureux de pouvoir compter sur le soutien de l'ADEME pour mener à bien ce projet. »
Recycler local, penser global
Iparla, lancé en mars 2024, est né d’un constat partagé : la gestion des déchets plastiques industriels reste un casse-tête pour nombre d’entreprises locales. Trop petits volumes, trop de diversité de résines, trop de contraintes techniques : les recycleurs traditionnels boudent ces flux. Résultat : 77 % des plastiques mis sur le marché finissent encore hors filières de recyclage. Un taux bien loin des objectifs fixés par la loi AGEC.
« L'objectif est de réduire la part de l'enfouissement en suivant la loi AGEC, qui prévoyait la réduction de 50% à l'horizon 2025. Mais aujourd'hui, on est encore assez loin de l'objectif fixé en 2019 », alerte Emmanuel Bejanin, directeur régional de l’ADEME. « On estime qu'actuellement, seulement 23% du plastique mis sur le marché donne lieu à une revalorisation matière. C’est encore un taux très faible. »
Pour répondre à ce défi, PBI-EI a réuni un consortium de quatre entreprises du territoire (Agec, EBL, Somocap et Sokoa), autour d’un même principe : créer des boucles d’économie circulaire locales. Le projet s’appuie d’abord sur une cartographie exhaustive des gisements plastiques industriels : type de déchets, quantités, géolocalisation… tout est passé au crible pour mutualiser les flux et les orienter vers des usages concrets.
« Nous avons présenté le projet en septembre, avec à peu près 400 tonnes de déchets cartographiés », précise Thibault Hourquebie, délégué général de PBI-EI. « Depuis, on est à 800 tonnes. Il y a 40 industriels qui sont impliqués, soit au niveau de la cartographie, soit au niveau de la revalorisation. On a donc deux boucles d'économies circulaires créées. »
Pour l’ADEME, ce caractère collectif est essentiel : « Ce qui nous a séduit dans ce projet, c'est qu'on est sur un projet collectif qui s'assimile à ce que l'on appelle dans notre jargon l'écologie industrielle et territoriale », souligne Emmanuel Bejanin. « Pays Basque Industries, c'est une soixantaine d'industriels qui se regroupent et qui essayent de travailler sur un concept assez simple : les déchets des uns sont la matière première des autres. »
Des prototypes pour démontrer la viabilité
IPARLA ne se contente pas de théoriser la circularité : deux pièces pilotes ont déjà été fabriquées en MPR (matières plastiques recyclées). Somocap a conçu un support de poire pour les chaises Sokoa. De son côté, EBL a produit des pièces de verrouillage pour composteurs à destination d’Agec. À chaque fois, la boucle est locale : déchets collectés dans le territoire, transformation par une entreprise basque, usage par une autre.
Pour Sokoa, cette démarche s’inscrit dans une logique de cohérence d’approvisionnement. « Nous avons souhaité intégrer la démarche Iparla parce qu'on réalise d'ores et déjà à peu près 40% de nos achats dans un rayon de 200 kilomètres autour de Sokoa », explique Timothée Acheritogaray, directeur général de l’entreprise. « 95% de nos achats se font en Europe de l’Ouest – France, Espagne, mais aussi Italie, Allemagne, Danemark ou Royaume-Uni. On réalise encore 5% de nos achats en Asie. »
Mais pour pouvoir aller plus loin, le soutien public est décisif. « Le concours de l'ADEME est très très important pour nous », poursuit-il. « Parce que très concrètement, c'est du temps, c'est de l'énergie, c'est des moyens financiers. »
Le projet, soutenu également par la Communauté d’Agglomération Pays Basque via le programme Territoire d’Industries, et la Région Nouvelle-Aquitaine, ne cesse d’élargir son cercle. Depuis sa présentation officielle à la plénière de PBI-EI en septembre 2024, de nouvelles entreprises rejoignent l’aventure. Chaque nouvel acteur cartographié, chaque gisement identifié, renforce la solidité d’une filière en devenir.
Pour Emmanuel Bejanin, ce soutien est un signal fort : « Nous sommes très fiers aujourd’hui d’apporter notre signature, d’apporter à peu près la moitié du montant du projet, une subvention de 170 000 euros, répartie entre les bases d’industrie et les quatre acteurs, Somocap, AGEC, EDL et SOKOA. »
Boucler la boucle, pour de bon
Le projet IPARLA ne prétend pas régler à lui seul le défi du plastique industriel. Mais il démontre, à l’échelle d’un territoire, qu’il est possible de passer de la logique jetable à celle du réutilisable. Qu’avec un peu d’ingéniosité, de coopération et de persévérance, les déchets peuvent redevenir matière, et les circuits longs se raccourcir.
Dans un monde qui cherche désespérément des solutions durables, ce type d’initiative fait figure de boussole. Et prouve que l’industrie peut elle aussi faire sa révolution… en circuit fermé.
Sébastien Soumagnas
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