J'ai appris plusieurs choses aujourd'hui, et riche de ces enseignements, je m'en vais vous les faire partager : d'abord, ce n'est pas le corps qui commande, c'est la tête.
Preuve à l'appui, la marche d'aujourd'hui était tellement importante à mes yeux, elle correspondait tant à ce que j'espérais ici que je suis entrée dès 6h30 du matin dans une forme de méditation éveillée, et les kilomètres ont déroulé sans souffrance ou presque (en revanche, quelques heures après, c'est une autre paire de godillots, bonjour les crampes dans les pieds !).
Et…
Ensuite, j'ai appris qu'il est bien plus facile d'avancer sous 22 degrés que 40. Lapalissade ? Oui, ce n'est pas faux, mais la différence de rythme entre mes aurores et mes milieux de matinée est tellement saisissante que ça méritait d'être relevé.
Le troisième apprentissage découle du deuxième : pendant les dix premiers kilomètres ça va, mais ensuite, il faut changer de chaussettes et en mettre des neuves, ou plutôt des sèches. Car sinon, chaussette mouillée = frottement = ampoules = douleur cuisante, et adieu méditation et marche sereine.
Il faut ruser avec les abeilles. C'est l'autre leçon du jour. Dégainer des pâtes de fruit en pleine jungle, comment dire, c'est un peu "se mettre les abeilles" toute seule, non ? T'as même pas encore extrait le délice sucré de l'emballage qu'elles sont déjà là. Les autres fois, dégoûtée, je leur laissais ce qu'elles doivent considérer comme un retour sur investissement, ou un truc du genre. Mais là, moi yen a devenir moins stupide. Moi yen a ruser. Moi yen a emporter noix de cajous et cacahuètes en guise de barre énergétique. Ah ah ah, les abeilles yen à pas aimer les cacahuètes. Et toc !
La dernière chose est plus triviale, sortez les enfants, et pardon pour le détail intime, mais oui, au bout de quelques jours, on apprend à faire pipi sans faire tomber le sac à dos, ce qui est très pratique, parce que sinon, dur-dur de redémarrer. Je parle là pour les filles, car évidemment les garçons sont aidés de ce côté-là. Pourvus techniquement, dirons-nous. Chez les nanas, ça relève vite du prodige et je vous éviterai les gesticulations diverses pour y parvenir. En croisant les doigts pour que jamais, jamais, un indigène ne me surprenne dans ce moment de... contorsion extrême. Ça me rappelle, il y a longtemps, sur l'aire d'autoroute d'Hastingues, une fille qui se retrouvait les fesses à l'air face aux routiers éberlués, non mais je m'égare là...
Hormis ces détails tout à fait essentiels (eh oh, hein), la marche s'est donc bien déroulée. Tous mes sens y semblaient préparés. L'odorat reniflait pleinement les parfums anisés de la jungle, par moments, je me croyais dans le maquis corse. La vue appréciait ces oiseaux tropicaux impossibles à photographier (sauf un, et encore, flou, et pas le plus beau !), aux couleurs furieusement insensées, rouge vif, turquoise et café, émeraude, jaune et noir (ça, ce sont des "calandrías", je connais, il y en a sur le Pacifique aussi), il y eut aussi cette cigale, euh non cette sauterelle, enfin bon je ne sais pas ; l'ouïe accueillait les trilles des mêmes oiseaux avec ravissement ; le goût ? Juste celui de mon camel bag, citron aujourd'hui, mais au moins pas l'infâme jus d'hibiscus chimique qui avait fini de me démoraliser à Ticul.
Et avec l'humidité de la jungle au réveil, un voile mouillé, qui n'avait rien d'une sueur, qui m'a submergée à moment donné et a fait que les abeilles venaient boire dans mes cheveux (non papa, je n'avais pas mis le chapeau précieux, il était trop tôt et il n'y avait pas encore de soleil !).
Des villages qui n'en étaient pas (à la façon Magritte, comme cette pipe qui n'en est pas une, ou ce livre familier qui n'en est pas un), avec leurs chozas éparpillées. Et des monticules dont j'imagine qu'ils cachent encore des trésors oubliés.
Ça m'a fait penser beaucoup au conte de mon maître spirituel B. Traven, "Le visiteur du soir". Où un gringo qui vit dans une choza isolée reçoit toutes les nuits la visite d'un dignitaire maya des temps anciens. Et l'homme magnifique râle qu'il faut que le gringo chasse les cochons, vite.
Chaque nuit, il se fait plus insistant. Jusqu'au jour où le gringo se rend compte que le monticule à côté de sa choza est le reste d'un temple maya et que les cochons ont pris l'habitude d'y gratter la terre. Il se dépêche de parquer ses animaux ailleurs, et alors ne reçoit plus la visite intempestive nocturne car le chef maya peut désormais dormir tranquille pour l'éternité. Voilà quelle histoire accompagnait ma marche du matin.
Tu noteras que je n'étais que l'ombre de moi-même, rires ! Et puisqu'il faut bien tempérer tout cela de réalisme, précision utile : je déteste toujours autant les taons, qui me le rendent bien !
En deuxième partie de journée, je t'avais bien dit que j'apprécierais de visiter des cénotes. Celui-ci, à l'extérieur de Chichén-Itzá n'a rien de sacré, comme hier, on peut donc s'y baigner. Il s'appelle Ik-Kil (l'endroit des vents, en maya) et l'eau y atteint les 50 mètres de profondeur.
Les amoureux s'y font des baisers tendres. Attendrissants au possible.
En nageant, on frôle les poissons, habitués à tout ce bazar, et les plus téméraires accepteront de sauter. Et qu'est-ce que tu crois ? En temps normal, je ne l'aurais jamais fait, mais là, mandatée par PresseLib', investie de ma grande mission, avec un légendaire sens du sacrifice (maya puisque c'est en jetant les victimes au cénote qu'on les achevait), je l'ai fait, et j'ai même trouvé une âme charitable pour sacraliser l'instant (photo ci-contre).
Je l'ai même fait deux fois, et à la deuxième, l'eau est entrée si violemment dans mes oreilles que j'ai désormais les tympans explosés, que ça brûle là-dedans, et que je me maudis d'avoir voulu renouveler ce qui s'était bien passé la première fois. Bourrique ! Mais hormis cela, c'était bien, vraiment bien. Sensations garanties.
En revanche, je crois que le spectacle des Nuits du Kukulkán, c'est fichu pour moi, trop de monde et tous les soirs un orage qui menace la programmation, alors si vous passez dans le coin, n'hésitez pas à réserver (longtemps à l'avance) votre place sur nochesdekukulkan.com
Nous, on se retrouve à Ek Balam, ce qui signifie le Jaguar noir... "Si, señor, una farmacía por favor, porque me duelen las orejas, siiiiii... Y los pies, y las espaldas, y la rodilla, y las piernas, y..."
Tak Saámal, à demain
Laya Croves
Ndlr : Bien entendu, les dessins ci-dessus n'ont rien à voir avec Laya Croves. De simples clins d'oeil de la rédaction.
Diaporama 1 - Un cénote paradisiaque
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Diaporama 2 - Images d'un treck
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