Sans trop de surprise, le deuxième étage de la fusée Indépendance vient d’être mis sur orbite cette semaine, avec le vote du Parlement catalan en faveur de l’indépendance de la région, par 72 voix contre 63.
Est-ce réaliste ? La tentative a-t-elle des chances d’aboutir ?
Petit rappel des événements de ces derniers jours et quelques questions/réponses…
Face aux élus, durant une heure et demi, Artur Mas n’a guère cherché à convaincre, mais plutôt à s’adresser à ses partisans, peignant une Catalogne enfin libre, prospère, sans chômeurs, sans pauvres, avec un salaire minimum, une propre Banque centrale, un système judiciaire indépendant, promettant de ne rester au pouvoir qu’un an et demi, le temps de mettre en application la rupture avec l’État espagnol et de faire de la Catalogne une République enfin indépendante.
Les trois grandes formations espagnoles, Parti Populaire, Parti socialiste et Ciudadanos ont naturellement fait front commun face à cette affirmation du souverainisme catalan. À la tribune, le porte-parole local du PP, Enric Millo fait feu de tous bois contre Mas : « un candidat à l’agonie, désespéré, qui cherche l’appui de la CUP (ndlr : les gauchistes locaux), désespérant, plein de cynisme, d’impuissance et de résignation. » Joan Coscubiela, de Catalunya Si Que Es Pot insiste lui sur la lecture trompeuse des résultats des élections du 27 septembre dernier, parlant de « pays inexistant ».
Quant à la socialiste Eva Granados, elle rappelle à Mas qu’il n’est pas « le détenteur d’un mandat démocratique demandant l’indépendance. »
Au-delà de ces gesticulations, quelques questions se posent, et des réponses sont possibles. La première : la tenue de ce vote était-elle légale ? Réponse : oui, puisque le Tribunal Constitutionnel l’avait autorisé.
Question : La résolution adoptée est-elle anticonstitutionnelle ? Réponse : c’est ce que pensent les constitutionnalistes, en attendant que le Tribunal se prononce sur le fond et non sur la forme.
Troisième question : Et si ledit Tribunal s’oppose à la résolution du Parlement catalan et que celui-ci passe outre ? Ce sera l’épreuve de force, faisant que sa décision sera annulée, comme cela est déjà arrivé en janvier 2013 avec le mémorandum de sécession.
Quatrièmement : Si la Catalogne devient un jour indépendante, ce qui est peu probable, sortira-t-elle aussitôt de l’Union européenne ? Clairement oui, selon l’article 52 du Traité de l’UE.
Autre question : s’ils persistent, les dirigeants politiques catalans risquent-ils la prison ? C’est un risque, quoique dans les faits ce soit un peu irréaliste. Le Code pénal prévoit des peines de 15 à 25 ans de détention, mais on voit mal des représentants du peuple partant en cohortes vers les geôles madrilènes.
Enfin dernière question : l’Armée pourrait-elle intervenir ? Le ministre de la Défense, Pedro Morenés avait en septembre dernier fait scandale en rappelant que « les Forces armées obéiront strictement à la Constitution et aux lois » ce qui fut à l’époque reçu comme une menace. Mais il faut raison garder : les chars sur les Ramblas, ce n’est pas pour demain. Mais la loi permet cette éventualité.
À suivre donc, avec comme prochain épisode l’élection d’Artur Mas, qui n’est guère évidente car son « allié » la CUP semble déjà le lâcher puisqu’elle vient de proposer d’investir Raül Romeva (de Junts Pel Si) à sa place comme « candidat de consensus ».
Décidément, rien n’est simple du côté de Barcelone !
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