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Jardins de Nonères : cultiver l’inclusion et semer des métiers d’avenir

À Mont-de-Marsan, les Jardins de Nonères viennent d’inaugurer deux nouveaux ateliers – une conserverie et une plateforme de compostage
Inauguration des nouveaux bâtiments et ateliers aux Jardins de Nonères
Les Jardins de Nonères DR
Ces ateliers sont pensés pour permettre aux personnes en situation de handicap d’acquérir des compétences transférables, avec en ligne de mire l’inclusion par le travail
En trente-cinq ans, 540 personnes ont été accueillies et embauchées par les Jardins de Nonères
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Ce lundi 7 avril, à Mont-de-Marsan, s'est déroulée la triple inauguration de nouveaux bâtiments et ateliers aux Jardins de Nonères, marquant une étape importante dans l’histoire de cette structure singulière. Un événement symbolique et concret à la fois, réunissant travailleurs, encadrants et élus autour d’un projet commun : faire de l’inclusion un terreau fertile, où chacun, avec ses capacités propres, peut prendre racine et s’épanouir.

Un modèle landais à part entière

Depuis 1990, les Jardins de Nonères accompagnent des personnes en situation de handicap dans leur parcours professionnel, en s’appuyant sur une démarche à la fois productive et solidaire. Regroupant un Établissement et service d’aide par le travail (ESAT), un Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), et une entreprise adaptée départementale (EAD), cette entité publique gérée par le Conseil départemental des Landes se distingue par son modèle unique en France. Près de 200 personnes y sont accompagnées chaque année, avec pour cap une autonomie progressive et une reconnaissance sociale par le travail.

Le président du Département, Xavier Fortinon, l’a rappelé avec fierté lors de l’inauguration : en trente-cinq ans, 540 personnes ont été accueillies et embauchées par les Jardins de Nonères, et 120 ont pu franchir les murs de l’institution pour intégrer durablement le monde du travail ordinaire. Une dynamique rendue possible par une vision à long terme, une gestion de proximité et un investissement annuel de sept millions d’euros de la collectivité. Plus qu’un dispositif médico-social, c’est un véritable tremplin vers une société plus inclusive.

En poste depuis 2009, le directeur Julien Le Baillif estime que ces résultats ne doivent rien au hasard. Pour lui, il a fallu faire évoluer les métiers proposés aux usagers afin qu’ils soient en adéquation avec les réalités du monde professionnel extérieur. Il considère que chacun doit pouvoir, s’il le souhaite, aller frapper à la porte du travail ordinaire, à condition que les outils, les apprentissages et les passerelles soient pensés en ce sens.

De la conserve... au service de l’autonomie

C’est dans cet esprit qu’est née la conserverie flambant neuve. Installée au cœur des Jardins, elle accueille désormais six travailleurs en situation de handicap autour d’un atelier de transformation alimentaire. Ce jour-là, pas de bocaux de légumes sur les étagères, mais une pâte hyperprotéinée à destination des abeilles, mise sous vide avec soin. Chacun des gestes, dosage, mélange, conditionnement, est maîtrisé avec une précision qui force le respect.

Une monitrice d’atelier, Séverine Toual, observe le travail avec bienveillance. Elle estime que cet environnement calme, équipé de machines modernes, est particulièrement adapté à certains profils, notamment ceux présentant des troubles du spectre de l’autisme. Cette configuration permet à chacun de progresser à son rythme, en développant de nouvelles compétences.

Julien Le Baillif souligne que cette maîtrise de la chaîne de production est un atout supplémentaire : auparavant externalisée, la mise en conserve est désormais gérée de A à Z sur le site. Et demain, les légumes bio cultivés sur place rejoindront les bocaux de Nonères, déjà appréciés des clients fidèles pour leur qualité et leur traçabilité.

Composter les barrières, recycler les parcours

L'atelier compostage produit 350 tonnes de compost par an
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À quelques centaines de mètres de la conserverie, les allées d’un autre atelier bruissent elles aussi d’activité. Ici, les camions entrent et sortent au rythme des livraisons de biodéchets, récupérés pour moitié auprès du Centre hospitalier de Mont-de-Marsan. Chaque semaine, ce sont 2,5 tonnes de restes alimentaires qui arrivent sur la plateforme de compostage.

Pour Christophe Lahiton, moniteur de l’atelier compostage depuis trois mois, le travail ne s’arrête pas à la valorisation des déchets. Il insiste sur la dimension formatrice de ce service, où les usagers apprennent à devenir préparateurs de commandes, chauffeurs-livreurs, caristes, agents de tri ou de médiation. Le compostage devient ici un prétexte fertile pour semer de nouvelles compétences, avec l’objectif, toujours, que chacun puisse trouver sa juste place dans le grand cycle de l’emploi.

L'atelier, cofinancé par l'Ademe, produit 350 tonnes de compost par an. Ce dernier, déjà homologué pour une utilisation agricole, alimente les cultures locales. Le directeur ambitionne d’aller plus loin : à terme, le compost pourrait être vendu, et une ferme en maraîchage bio, intégrée à tous les autres services de Nonères, pourrait voir le jour. Un projet systémique et circulaire, « du compost à la graine, de la graine à l’assiette », comme le résume la vice-présidente Magali Valiorgue.

Le pôle administratif symbolise l’union des compétences au service des travailleurs-usagers
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Une inclusion en mouvement

L’autre temps fort de la journée du 7 avril était l’inauguration du nouveau bâtiment administratif. Ce pôle symbolise l’union des compétences au service des travailleurs-usagers. Pour Julien Le Baillif, cette centralisation permet une meilleure coordination entre les professionnels de l’accompagnement et les différentes unités de production. Le bâtiment, financé notamment par l’État via la Dotation de soutien à l’investissement des Départements (DSID), est conçu selon des critères écologiques ambitieux, dans une logique de bien-être au travail.

L’Agence régionale de santé, qui a soutenu la création de la conserverie, voit dans cette évolution une nouvelle génération d’ESAT, plus intégrée, plus ancrée dans son territoire, et plus adaptée aux défis de demain.

À Nonères, on ne parle pas d’assistanat mais de valorisation. Chaque geste compte, chaque compétence acquise est une victoire, chaque parcours est unique. Et si certains usagers choisissent de rester dans ce cadre protégé, d’autres aspirent à franchir le pas du milieu ordinaire. Pour ces derniers, les nouvelles formations sont autant de clés qui peuvent un jour ouvrir d’autres portes.

Les élus présents n’ont pas manqué de souligner la dimension exemplaire de cette initiative landaise. Une structure publique, gérée en régie par un Conseil départemental, qui parvient à conjuguer inclusion, écologie, développement local et innovation sociale : le pari n’était pas gagné d’avance, mais il semble aujourd’hui tenir toutes ses promesses.

À l’heure où les enjeux du handicap restent encore trop souvent relégués en marge des politiques publiques, les Jardins de Nonères montrent qu’il est possible de faire autrement, de faire mieux, et surtout, de faire ensemble.

Sébastien Soumagnas

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