Au cœur des Landes, à quelques kilomètres de l’océan, le marais d’Orx semble sommeiller sous une fine brume matinale. Mais sous cette tranquillité apparente, il cache un passé riche en sédiments, une histoire encore enfouie dans ses entrailles humides. Une équipe de scientifiques s’affaire à révéler ces secrets en plongeant leurs instruments dans le ventre de cette zone humide, reconnue pour sa biodiversité et, potentiellement, pour son rôle écologique crucial.
Une opération scientifique ambitieuse
Du 28 au 30 octobre, le marais s’est transformé en laboratoire à ciel ouvert. Grâce à un carottier, un dispositif de forage, les chercheurs ont extrait des échantillons du sol, appelés "carottes", pour en analyser la composition. Ces prélèvements permettent de remonter le fil des événements écologiques passés. En étudiant minutieusement chaque couche de sédiment, les scientifiques espèrent reconstituer l’évolution du marais sur des millénaires.
Les premières analyses, réalisées en 2021, avaient déjà révélé des découvertes surprenantes. À seulement quatre mètres de profondeur, les sols contenaient des traces marines, témoins d’une époque où le site baignait encore dans des eaux salées. Cependant, à partir d’environ 4 000 ans, la zone a évolué pour devenir une tourbière, un écosystème où la matière organique s’accumule sans se décomposer, formant ainsi un important réservoir de carbone.
Un piège à carbone naturel
Les zones humides comme le marais d’Orx jouent un rôle crucial dans la régulation du climat. Elles empêchent la décomposition complète de la matière organique grâce à leur saturation permanente en eau, ce qui permet de piéger efficacement le carbone dans le sol. Selon les estimations, le marais Nord, couvrant 165 hectares, contiendrait environ 100 750 tonnes de carbone. À l’échelle de l’ensemble de la zone humide, ce chiffre pourrait être encore plus impressionnant.
Cependant, cette capacité de stockage est fragile. La dégradation des tourbières, souvent causée par des activités humaines comme le drainage ou l’agriculture, peut entraîner un rejet de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, accentuant ainsi le réchauffement climatique. Préserver ces sols en maintenant leur saturation en eau est donc essentiel pour éviter un relargage massif de CO2.
Le marais d’Orx a subi de nombreuses transformations dues aux activités humaines. L’installation de drains, de canaux et de pompes a redessiné son paysage, réduisant sa superficie et altérant son fonctionnement naturel. Depuis les années 1980, des efforts ont été entrepris pour restaurer une partie de sa naturalité.
Aujourd’hui, les discussions sur une restauration complète du site refont surface. Cela pourrait signifier redonner au marais son rôle de tourbière active. Une telle initiative demanderait cependant des choix politiques ambitieux et des investissements conséquents. Restaurer les conditions nécessaires à une saturation permanente en eau pourrait, à long terme, relancer la formation de tourbe et renforcer la capacité de la zone à piéger le carbone.
Cette exploration scientifique s’inscrit dans une démarche plus large de préservation et de valorisation des zones humides. Les résultats obtenus au marais d’Orx inspirent déjà d’autres projets similaires dans la région, comme le complexe tourbeux de Sainte-Marie-de-Gosse ou la Réserve naturelle de l’étang noir.
Pour concrétiser ces ambitions, des financements seront nécessaires. En attendant, les chercheurs poursuivent leur travail minutieux pour déchiffrer les indices du passé. Dans les entrailles du marais d’Orx se joue peut-être une partie de l’avenir du climat.
Sébastien Soumagnas
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