Plume du rugby, mais aussi du golf et du tennis, notamment dans les colonnes du journal l’Equipe de l’après-guerre, Denis Lalanne s’est éteint. Il ne pourra plus répondre à l’invitation de l’Académie française qui l’attendait ce jeudi 12 décembre pour lui remettre le prix décerné à son dernier roman, Dieu ramasse les copies. Le journaliste était devenu écrivain.
Agé de 93 ans, il a signé son dernier exploit début 2019: publier un remarquable roman, Dieu ramasse les copies, salué par la critique et par plusieurs prix, celui des Hussards, celui des départements de France et un prix de l’académie française qui devait lui être remis jeudi prochain sous la coupole, après un discours de la secrétaire perpétuelle Hélène Carrere d’Encausse puis un propos d’Alain Finkielkraut.
Denis Lalanne avait pris son billet de train pour assister à cette cérémonie, initialement fixée au 5 décembre puis décalée pour cause de grèves annoncées. Mais il ne goûtera pas cet hommage. Le destin a peut-être rappeler que l’homme né à Pau, et installé au Pays Basque depuis très longtemps, avait l’élégance et la modestie des grands. Le tout emballé dans une douce sensibilité et un brin de désinvolture gourmande. Pas trop en phase avec les honneurs.
Nous l’avions rencontré en avril 2019, pétillant, précis, l’œil malicieux, le verbe respectueux. « Ce que je cherche, c’est à embarquer le lecteur avec moi, dans le compartiment du Transsibérien dans lequel je voyage, » confiait-il. Que ce soit à l’issue d’un match international ou au fil des pages de son nouveau roman très réussi, voilà comment Denis Lalanne résumait son énergie à écrire et écrire encore.
Denis Lalanne a rédigé ses premières lignes de journaliste dans l’Eclair des Pyrénées, quand il partageait ses jeunes années entre Pau et Tarbes.
Né en 1926 dans la maison de sa grand-mère à Pau, il suit ses parents à Paris, mais passe toutes les grandes vacances à Pau et écume déjà la librairie Tonnet non loin des Halles.
Après la déclaration de guerre, il quitte Paris et revient à Pau, au lycée Louis-Barthou de Pau, en classe de quatrième. Dont il sera exclu un peu plus tard : « Ma grand-mère n’était pas assez sévère. J’ai été renvoyé faute de pouvoir être admis à redoubler ma troisième ! »
Direction l’école catholique Jeanne-d’Arc de Tarbes. Les tournois de foot qu’il dispute entre Adour et gaves, les tours de piste herbues qu’il enfile comme athlète de la Section paloise, lui ouvrent de solides amitiés avec le futur couturier André Courrèges, Etienne Lalou qui sera un des pionniers de la télévision française aux côtés d’Igor Barrère et Pierre Desgraupes, ou encore un jeune d’Argeles-Gazost, Joseph Crampes, qu’il retrouvera plus tard à Paris sous le nom de Jacques Chancel.
Le jeune Lalanne est déjà accro au sport. En 1939, il assiste à son premier match de rugby à la Haute-Plante à Pau. Mais sous l’occupation la vie d’un adolescent n’est pas facile. « Ce qui nous a donné une énergie terrible à la Libération quand tout était à reconstruire. »
En 1946, il frappe à la porte de l’Eclair. Chiens écrasés, procès aux assises et miracles à Lourdes, il écrit sur tout y compris le sport. Correspondant régional du Figaro, il signe la couverture de la conférence franco indochinoise à Pau, la découverte du pétrole à Lacq et se met en orbite autour de la planète rugby.
« Comme l’équipe de France de rugby était largement alimentée par les joueurs de Pau, Tarbes et Lourdes, je fournissais beaucoup ! »
En 1953 il est appelé au siège du Figaro à Paris puis rejoint L’Equipe fin 1954. C’est le début d’un beau parcours dans le titre phare de la presse sportive.
En 1959, il fait son entrée en librairie, en publiant Le Grand Combat du XV de France (La Table ronde) qui retrace l’année 1958 où la France terrasse les Springboks pour la première fois et chez eux. C’est Antoine Blondin, la plume du Tour de France pour l’Equipe qui l’encourage à réaliser ce projet et convainc un éditeur.
A 40 ans, il quitte Paris pour s’installer au Pays Basque, sans s’arrêter de raconter le sport. Il tâte aussi du roman. « Je n’étais pas un gamin menteur. Mais inventeur, pour le plaisir d’embellir un peu la réalité. »
Libéré de la rigueur des faits qu’impose le récit journalistique, sa plume s’envole encore plus légère. Même si son inspiration puise dans les sombres années de la guerre, de l’occupation, de sa jeunesse. « Je n’en ai jamais parlé à personne. Mais quand je suis devant la page blanche, c’est ça qui arrive. » Il aura publié neuf livres dont trois romans.
En 2012, le Prix Denis-Lalanne est créé avec son accord et celui de la Fédération française de tennis. Il réunit chaque année un jury qui relit les meilleurs articles consacrés au tournoi de tennis de Roland-Garros. Façon de rendre hommage à la fois au tennis et à la presse écrite.
Denis Lalanne se réjouissait d’avoir eu la vie dont il rêvait à 15 ans. «Si c’était à refaire, je ne changerai rien, à part la cigarette comme un imbécile pendant quarante ans. »
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