Adepte d’une véritable démocratie participative, Maider Arosteguy s’entoure toujours de personnes d’opinions différentes et contrastées, histoire d’enrichir en permanence sa vision sur l’avenir de la ville et sur chaque dossier concret. Elle se donne à 200% à Biarritz, avec un enthousiasme communicatif.
Confidences sans détours…
Des surprises particulières en devenant maire de votre ville de toujours ?
Maider Arosteguy - Oui. Je ne pensais pas que la Ville avait un patrimoine aussi important et varié. Au-delà des sites emblématiques comme le Palais, les casinos, la Gare du Midi, la Cité de l’Océan, les golfs, l’aquarium… Nous avons découvert de très nombreux lieux oubliés, des salles et des endroits qu’on n’imaginait même pas être des propriétés de la Ville. Nous les avons identifiés pour mieux les valoriser.
Faire partie d’une des familles historiques de Biarritz, rend les choses plus faciles ?
M. A. - Il est clair que ça a été un argument pendant la campagne électorale, parce que ma famille était connue, notamment par ses actions au service de la ville. Inversement, après, ça a été une difficulté. Par exemple, pour mon frère qui est à la tête de la Maison Arosteguy : il a été obligé de se retirer de plusieurs contrats que l’entreprise familiale avait développé avec la Ville avant mon élection.
Votre famille reste une source d’inspiration ?
M. A. - Complètement. Mon grand-père, Félix, était une figure très appréciée par ses engagements au niveau de la culture, du chant et de la danse, et il avait une solide réputation dans l’univers de la gastronomie. Ma tante, Maider, a créé un groupe d’animation qui a notamment été à l’origine de l’association des commerçants des Halles. Elle fut aussi l’une des pionnières du surf à Biarritz. D’ailleurs, une compétition qui fait référence en Europe, porte son nom. La 39e édition s’est déroulée en avril dernier. C’est une tradition familiale de servir la ville. Non seulement, c’est une belle source d’inspiration, mais je ressens comme une obligation morale de m’inscrire dans cette tradition.
La politique, c’est se mettre à disposition, mais c’est aussi se mettre en rencontre…
Vous n’étiez pas partie pour faire de la politique…
M. A. - Effectivement, j’étais chef d’entreprise dans le conseil en management et en organisation en France et en Europe, pendant une trentaine d’années. La politique a changé beaucoup de choses dans ma vie. D’abord, elle a été un révélateur et j’ai rapidement beaucoup aimé. La découverte et l’apprentissage de cet univers se sont faits progressivement depuis 10 ans à travers différents mandats, à commencer par celui de conseillère départementale.
Qu’appréciez-vous particulièrement ?
M. A. - Les campagnes électorales sont des moments formidables, même s’ils sont très difficiles. D’abord parce qu’il faut du temps. Quand vous êtes dans la société civile, que vous avez aussi une entreprise à diriger… c’est compliqué. Au niveau familial, les contraintes sont lourdes. Mais, c’est passionnant de pouvoir développer un projet, une vision… Être investie dans le monde politique, c’est donc se mettre à disposition mais c’est aussi se mettre en rencontre de nombreuses personnes, très différentes, que l’on n’aurait peut-être jamais côtoyé autrement. C’est le cas dans la ville au quotidien, mais aussi à travers les autres mandats : au niveau par exemple de la Région, de l’Agglomération, de l’association des Maires de France et des Maires du 64 dont je suis première vice-présidente, de l’Agence de l’eau… Tout cela met en contact avec des thèmes, des personnes, avec des groupes de travail, parfois technique. C’est tellement enrichissant.
Comment gérez-vous la charge de travail et les responsabilités ?
M. A. - Je gère peu. C’est un poids écrasant qui laisse très peu de temps personnel et pour la vie familiale. Heureusement, j’ai la chance d’être soutenue par mon compagnon qui vit et travaille en dehors du Pays Basque. Et par mes deux fils, de 24 et 26 ans qui sont à Paris. Je n’ai plus les contraintes du quotidien, d’une maman de jeunes enfants. Il est sûr que, surtout pour un premier mandat de maire, il faut un investissement total.
Un mandat marqué par le covid…
M. A. - Comme le reconnaissent tous les maires, même les plus expérimentés, ce mandat a été complètement atypique et complexe. Nous avons confiné et reconfiné pendant plus d’un an. Face à une société déstabilisée et largement perturbée, nous avons assuré une présence et un accompagnement très importants. Tous les élus se sont mobilisés et moi la première. Dans une telle période, on a pu mesurer à quel point les maires ont un rôle essentiel pour préserver une zone de stabilité, pour être le pilier indispensable. Cela demande d’être encore plus présent, encore plus à l’écoute, encore plus disponible pour les citoyens…
Comment vivez-vous le fait d’être la première femme maire de Biarritz ?
M. A. - Une femme, qu’elle soit maire ou qu’elle assure d’autres responsabilités dans le privé ou le public, a plus de preuves à faire que ses homologues masculins. C’est encore vrai aujourd’hui. Notre crédibilité passe par le travail et par les résultats, en devant répondre à des exigences plus fortes. A partir du moment où l’on démontre au début de notre prise de mandat ou de poste, qu’on est dans les clous de ce qui est attendu, les choses se passent bien. Aujourd’hui, le fait d’être une femme maire de Biarritz n’est plus un sujet. De fait, à partir du moment où j’ai été élue cela n’a plus été un sujet. Les habitants ont fait la bascule en voyant qu’une femme pouvait faire le job aussi bien qu’un homme.
J’admire toutes les personnes qui sont en lutte pour améliorer le quotidien des citoyens…
Un regard de femme peut-il être différent…
M. A. - Je pense que nous avons un regard plus complet et que nous allons davantage dans les détails, que nous sommes beaucoup plus pragmatiques. Mes prédécesseurs étaient des hommes, bien sûr très investis dans leur mandat, mais avec une approche plus politique, au sens noble du terme. Personnellement, je suis à fond dans le vécu au quotidien, en allant jusqu’au bout des détails. Par exemple, lorsque je dois choisir un revêtement, je vais penser à son côté esthétique, mais tout autant à l’aspect pratique. Pour l’anecdote, je revois encore la tête des personnes présentes quand j’ai souhaité tester moi-même une dalle annoncée comme anti-glissante. J’ai demandé de la placer sur le sol et de la mouiller pour vérifier que je pouvais marcher dessus avec mes talons, en toute sécurité. Pas question de me contenter de poser la question et d’avoir une réponse rassurante.
Simone Veil est une référence pour vous. D’autres femmes aussi ?
M. A. - Oui, j’ai toujours eu une grande admiration pour Simone Veil, pour cette femme au parcours admirable, dans la souffrance et la résilience face à une cruauté extrême. Elle a porté des ruptures de civilisation, notamment grâce à un homme, Valéry Giscard d’Estaing, qui lui en a donné l’opportunité. Plus généralement, j’admire toutes les personnes, hommes ou femmes, qui sont en lutte pour améliorer le quotidien des citoyens à titre individuel ou à travers des associations et organisations diverses. Surtout quand elles prennent des risques en sortant de leur zone de confort.
Un exemple ?
M. A. - Je voudrais notamment parler de la Grande Duchesse du Luxembourg. Cette femme qui est une privilégiée de la vie, qui fait partie des grands de ce monde, est allée se mettre en risque pour soutenir les plus oubliées des plus oubliées : les femmes victimes des viols de guerre, dans des territoires comme le Congo. Elle s’est mobilisée au service de familles anéanties et de femmes transformées en esclaves sexuelles. Malgré les critiques et un manque évident de soutiens, elle a réussi à lever des fonds pour redonner leur dignité à ces femmes martyrs, en leur permettant d’avoir un lopin de terre, en leur permettant de se faire opérer après les terribles supplices subis. J’ai été très touchée de voir comment elle s’est battue contre vents et marées. Que ce soit une tête couronnée, un président d’association, des personnes qui s’occupent des maraudes et des sans domiciles fixes dans la plus grande discrétion… tous ces personnes me touchent. Tous ceux qui font des choses admirables sur le terrain et qui bâtissent une société plus juste au quotidien m’émeuvent.
Vous aimez ouvrir de nouvelles voies ?
M. A. - C’est dans ma nature. Pour avoir cette ouverture d’esprit et d’idées, j’aime bien m’entourer de personnes d’opinions différentes et contrastées. Comme c’est le cas au sein de l’équipe municipale, avec des élus de sensibilités différentes, de toutes les générations. Ce n’est pas une construction de façade. De vraies responsabilités sont données, par exemple aux jeunes. J’aime bien écouter des personnes qui portent des opinions différentes et qui m’amènent de façon permanente à modifier ma vision sur telle ou telle problématique. Bien entendu, je reste fidèle à nos engagements vis-à-vis des Biarrots, qui ont été écrits et coconstruits. Mais dans leur réalisation, on peut effectivement les adapter, les amender, les atténuer ou au contraire les rendre beaucoup plus importants… C’est une ouverture permanente dans le respect de nos promesses.
Vous prônez une démocratie participative…
M. A. - Exactement. Même si le terme est un peu galvaudé. Je pense que cela passe par la proximité et la capacité à écouter, y compris les oppositions. Il ne s’agit pas de changer fondamentalement les projets sur lesquels nous avons été élus. Mais de développer une vraie pratique de participation dans l’équipe, avec les habitants, dans les quartiers ou autour de différents thèmes. Les gens nous font beaucoup de suggestions, dont certaines font l’objet d’un travail approfondi pour les mettre en réalité. Malheureusement, souvent c’est difficile en raison de l’avalanche incessante de nouvelles normes, de nouvelles règles, de nouvelles contraintes qui asphyxient complètement la vie démocratique.
C’est-à-dire ?
M. A. - Il faut bien prendre conscience que réaliser un projet aujourd’hui relève de l’exploit. Non pas parce qu’on n’est pas doué, pas compétent… mais en raison des nouvelles contraintes qui nous tombent dessus en permanence. On comprend bien qu’au départ l’intention est vertueuse. Hélas, l’application devient difficile avec toujours plus de normes et de contrôles. Du coup, les projets sont plus coûteux, plus longs à mettre en oeuvre, plus exigeants. Or, nos ressources humaines ne sont pas extensibles et là où, il y a 10 ans, il fallait 10 personnes pour mener à bien un projet, aujourd’hui, il en faut 14 et beaucoup plus de budgets. On en est là !
Des startups et des projets importants autour de la mode et du design...
Vous souhaitez que Biarritz s’impose comme une référence dans l’innovation ?
M. A. - C’est un axe fort. L’ouverture du Connecteur a créé un appel d’air avec un écosystème dynamique autour de l’innovation et de la tech. Suite au covid, beaucoup de jeunes et de startups sont arrivés sur Biarritz. On travaille à bien les accueillir et les accompagner, car l’innovation arrive aussi par eux. Nous voulons faciliter leur installation ainsi que le logement de leurs équipes. Avec des initiatives comme la transformation de l’auberge de jeunesse qui pourra accueillir des étudiants, des jeunes actifs et des saisonniers. Cette innovation passe aussi par la transformation de la Villa Fal, que nous ne pouvions pas garder faute de moyens pour l’entretenir. Nous l’avons vendue avec une clause au niveau de sa transformation. Elle va être magnifiquement rénovée avec un parc ouvert aux Biarrots. Côté innovation, elle accueillera des startups et des projets importants autour de la mode et du design. Ce sera également l’occasion de renouer avec l’histoire d’amour entre Biarritz et la mode.
L’innovation se décline dans plusieurs domaines…
M. A. - L’ambition est qu’elle soit effectivement présente partout. La création d’un festival international autour des films de jeunesse en fait partie. Le succès rencontré en seulement deux éditions est impressionnant. Il a déjà un retentissement incroyable. Biarritz innovante, c’est aussi la smart city qu’on met en place avec la conseillère municipale déléguée Christelle Rodet. Et bien entendu, l’innovation doit s’appliquer à tout ce qui touche l’environnement.
Les principales initiatives ?
M. A. - Ce sont par exemple les travaux en cours pour le traitement des eaux de pluie à la Grande Plage. Plus globalement, nous voulons être une ville innovante par nos capacités à économiser nos ressources, à traiter la question des eaux de baignade. On travaille avec l’Agence de l’eau sur la réutilisation des eaux usées traitées (REUT), notamment pour laver nos rues, arroser les plantes et les jardins de la ville, etc. Il est prévu de poursuivre, cet été, l’expérimentation d’une douche de plage innovante à la Côte des Basques. Elle permettra de récupérer l’eau de mer, de la désaliniser et, une fois utilisée, de la traiter puis de la rejeter dans le milieu naturel. Nous avons accompagné la startup JuWIN qui a développé un concept inédit pour économiser l’eau potable au bord des plages, avec la possibilité à la fois de remplir des gourdes et de se rincer les pieds. Cela s’inscrit dans le Plan sécheresse, décliné au niveau de la Communauté Pays Basque, qui a déjà permis de diminuer de plus de 4% la consommation d’eau potable et qui vise à la réduire de 10% d’ici 2030.
Et côté Intelligence artificielle ?
M. A. - Nous travaillons sur différents projets autour de la Ville, notamment en collaboration avec la Fondation Indarra, dont je fais partie avec le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne. Mais également dans le cadre du programme Pionniers, un laboratoire grandeur nature, associant étudiants et professionnels, où l’intelligence collective et l’IA se combinent pour dessiner le monde de demain.
Un coup de cœur pour l’impératrice Eugénie ?
M. A. - Plus j’avance dans mon mandat et plus je réalise, à travers une meilleure connaissance de l’histoire de la Ville, de celle de Napoléon III et d’Eugénie, qu’on ne l’a pas assez mise en avant. Mon étonnement, lorsque j’ai été élue maire, s’est transformé en une admiration pour cette femme plutôt méconnue. Son image a été en partie réhabilitée par l’exposition organisée par l’adjointe à la Culture précédente, Mme Castagnède, à l’occasion du centenaire de la mort de l’impératrice. Nous allons continuer à tirer le fil de la vie de cette femme exceptionnelle.
Je ne me résoudrai jamais à accepter l’injustice, ni pour ma Ville, ni pour les Biarrots, ni pour moi….
Biarritz est à la fois une marque mondiale et une cité ordinaire. Une cohabitation délicate ?
M. A. - C’est un grand écart permanent, que j’ai toujours vécu, notamment au travers de l’activité de mon grand-père épicier, avec comme clients les habitants du quartier et des grands de ce monde. C’est aussi cela l’âme de Biarritz, et il faut la préserver. À la plage, pour acheter des cornets de glace, tout le monde fait la queue, sans passe-droit, dans le respect. Il ne faut pas avoir peur d’accueillir des têtes couronnées, et des « puissants » qui reviennent massivement. Tout en nous appuyant sur tous ces Biarrots qui ont fait et qui font la richesse de nos quartiers, de notre histoire. Il faut maintenir coûte que coûte cette remarquable et discrète cohabitation historique.
Comment abordez-vous les dossiers les plus sensibles les plus délicats ?
M. A. - J’ai l’avantage d’avoir une solide expérience de la vie et de chef d’entreprise, dans un monde très dur. Cela me donne la capacité d’aborder les dossiers les plus difficiles, avec à la fois une armure, une expertise et une résilience. Tout part aussi d’une analyse bien construite. Certains dossiers auraient pu facilement laminer n’importe qui, ils ont nécessité de ne pas lâcher. Je n’ai jamais rien lâché, et je ne me suis jamais résignée.
Un autre moteur ?
M. A. - Oui. La lutte contre l’injustice. Dans certains dossiers, il y a des choses injustes qu’on voudrait nous faire accepter, voire nous imposer. Je ne me résoudrai jamais à accepter l’injustice, ni pour ma Ville, ni pour les Biarrots, ni pour moi. Quand je suis épuisée, que je n’en peux plus… Si je suis confrontée à quelque chose d’injuste, ça me pique et je repars immédiatement au combat avec une énergie décuplée.
Des regrets ?
M. A. - Je n’ai jamais été une femme de regrets. Car, je pars du principe que tout ce qu’on a mal fait, doit être une opportunité d’apprendre et de faire mieux pour le futur. J’ai toujours considéré que les difficultés, les ratés et les échecs ne doivent pas être un prétexte pour se lamenter, mais une occasion de repartir de l’avant en en tirant tous les enseignements. Ce doit être une leçon bénéfique.
Le moment le plus compliqué ?
M. A. - Le 4 avril dernier. Nous avons reçu les trois finalistes qui ont présenté leurs propositions pour le futur quartier Aguiléra. C’est certainement l’étape la plus importante du mandat qui se traduira par le choix du projet final. C’est à la fois une très grande responsabilité et un véritable honneur de construire un quartier.
Toujours autant d’enthousiasme ?
M. A. - Absolument. Parce que je me réveille tous les matins en ayant conscience que chaque jour est un nouveau challenge. Et même s’il y a des périodes stressantes et des moments durs, épuisants… je trouve ce mandat tellement passionnant. C’est une chance d’être maire d’une telle ville, mais également un privilège et un honneur. Alors, oui, l’enthousiasme est toujours là, plus que jamais. D’autant plus qu’il est largement partagé. Bien entendu, cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir des options différentes. L’essentiel est qu’elles ne soient pas fondées sur de mauvaises raisons. Je suis très fière de l’esprit qui anime notre équipe.
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