Ce qu'on aimait quand on allait chez mémé, le dimanche, c'est d'abord qu'elle faisait bien à manger, surtout les gros beignets gras de Carnaval et les crêpes, que tout ou presque y était permis, mais surtout qu'elle avait une palanquée d'expressions bien à elle.
Des trucs qu'on n'a plus jamais réentendus ailleurs, mais qui sont restés dans notre mémoire, que nous utilisons à tour de bras parfois, et que nous risquons fort un jour de transmettre à nos petits-enfants (sauf que nous, les beignets de Carnaval, on ne les fait plus, ça salirait la cuisine ultra moderne !).
On y va…
En voiture, Simone !
Ce que ça pourrait vouloir dire : Fa-ci-le ! Ça vient de feu l'émission Interville quand Guy Lux interpellait Simone Garnier parce qu'une vachette fonçait vers elle. Il l'enjoignait ainsi à se mettre à l'abri dans une voiture toujours placée là par la production, à cet effet en issue de secours ! Ou alors de Simone de Beauvoir (Castor, oui !) quand Jean-Paul Sartre (Jean-Sol Partre, oui !) l'emmenait faire un tour en tuture, le dimanche ! Comme il était bigleux, avec ses grosses lunettes, et que Castor n'était pas trop enthousiaste, il lui criait : "Allons, allons, ne craignez rien, tout est sous contrôle, en voiture, Simone !"
D'où ça vient vraiment : De mademoiselle (eh oui, à l'époque on pouvait encore dire mademoiselle, sans choquer personne, le bon vieux temps, quoi) Simone Louise de Pinet de Borde des Forest (dans ma prochaine vie, je veux le même nom, pas le prénom hein, mais le nom, oui ! Note, va me falloir de grandeeeeesssss cartes de visite !) qui est la première Française à avoir obtenu son permis de conduire en 1929. Pour la petite histoire, elle devint pilote de course automobile et ouvrit une auto-école en 1950.
Minute, papillon !
Ce que ça pourrait vouloir dire : m'dame, m'dame, moi je sais, moi je sais ! C'est en raison du verbe "papillonner", merveilleux qualificatif des hommes volages. Et comme ils ne s'arrêtaient jamais, et que les femmes ne pouvaient pas reprendre leur respiration, ployant sous leurs baisers, elles leur tapotaient l'épaule, essoufflées, et disaient : "Minute, papillon, laisse-moi remplir mes poumons !" (qu'elles avaient fort jolis, d'ailleurs, les poumons ! Parfois, pointus, turlututu. Ah zut, non ça c'est dans l'Amour est dans le Pré, le billet de la semaine dernière...)
D'où ça vient vraiment : De nos confrères du Canard Enchaîné ! Qui dans les années 1930 se rendaient tous les jours dans le même café, où un serveur dénommé "Papillon" répétait "Minute" dès qu'on l'interpellait pour être servi. Les journalistes l'ont surnommé alors "Minute Papillon".
Le petit Jésus en culotte de velours
Ce que ça pourrait vouloir dire : Trop simple : le Jésus n'a rien à voir ici avec le Christ, nannnnn, point du tout, il s'agit en fait de l'autre... Le Jésus, le gros saucisson lyonnais ! Et pour le conserver, qu'il ne prenne pas l'humidité, on l'enroulait dans une culotte de velours... Sont space quand même ces Lyonnais, des fois...
D'où ça vient vraiment : Les amateurs de bon vin savent de quoi nous parlons. C'est un breuvage délicieux, aussi soyeux en bouche qu'un tissu en velours. Et le petit Jésus, n'en déplaise aux athées et autres agnostiques, est l'image de la bonté, de la délicatesse, de la pureté... En fait, ils auraient pu dire "La petite Hastoy en culotte de velours", ça aurait tout signifié pareil. Des commentaires ?
Payer en monnaie de singe
Ce que ça pourrait vouloir dire : D'une race de singes asiatiques particulièrement évolués qui avaient mis en place une monnaie pour payer leur bouffe, les bananes, tout ça... Y avait des biffetons, des pièces sonnantes et trébuchantes. Scoop interplanétaire, dans Mickey, l'oncle Picsou, en fait, c'est un singe. Si, si, j'en suis sûre et certaine... J'ai gagné quoi ?
D'où ça vient vraiment : de France. Au XIIIème siècle, Louis IX décide qu'il faut s'acquitter d'une taxe pour traverser les ponts de Paris. Au Petit-Pont, sur l'île de la Cité, seuls les forains ou les jongleurs qui possédaient un singe étaient exemptés de payer les quatre deniers demandés, à la condition qu'ils fassent faire un numéro à leur animal. On se marrait quand même beaucoup plus à l'époque, non ? Genre je verrais bien aujourd'hui que Hollande, il mette en place un impôt (jusque-là, tout est réaliste), et que soient exempts de paiement les propriétaires de furets. En échange, ils devraient chanter "Il court, il court le furet..." Comment ça, sortir ? De suite, là ?
Peigner la girafe
Ce que ça pourrait vouloir dire : Encore une fois, trop facile. C'est un coiffeur kenyan qui, voyant les crinières des girafes tout échevelées par leurs courses folles dans la savane (pas celle de Papi Brossard, l'autre...), a décidé de lancer un commerce itinérant. Le plus dur, c'est que la girafe reste sans bouger pendant qu'il grimpe à l'échelle...
D'où ça vient vraiment : Cela signifie littéralement "glander", "ne rien faire d'intéressant". Les sources varient mais on tire l'origine de cette expression du fait que peigner des heures durant le long cou de ce ruminant n'est pas tâche passionnante.
Avoir de la branche
Ce que ça pourrait vouloir dire : C'est l'ancêtre de "être branché", ce qui signifie être à la mode... Non ? Ah j'y suis, c'est pour ceux qui ont un arbre gynécologique, pardon généalogique super prestigieux et qui se la pètent : "C'est que j'ai de la branche, moi, madame !" (ouais, et apparemment, t'es le seul à t'être cassé la figure...).
D'où ça vient vraiment : C'est une formule qui vient du cheval. Au début du XXème siècle, si un cheval avait de la "branche", c'est qu'il avait les proportions idéales, à savoir "une petite tête, un garrot long et un cou flexible". Depuis, c'est synonyme "d'avoir de la classe."
En deux coups de cuiller à pot
Ce que ça pourrait vouloir dire : Les Palois le savent, cette expression a été déformée dans le temps. Car à l'origine, on disait "en deux coups d'écuyère à Pau". Parce que les femmes, plus légères, galopaient plus vite, et elles te faisaient un Paris-Pau à toute vitesse, sans même se choper un radar. Évidemment, la proposition précédente est beaucoup plus "soft" que celle-ci : Antoine de Bourbon dont des mauvais farceurs jurent qu'à la naissance de son fils Henri IV, il se serait exclamé : "La reine a donné naissance à un prince en deux coups de cul, hier, à Pau." Rhooo, consternant !
D'où ça vient vraiment : L'expression daterait du début du XXème siècle et serait apparue dans les prisons et dans les casernes où il fallait se presser d'avaler son repas. Cela signifie donc "à toute vitesse et facilement". En fait de cuiller, il s'agissait plutôt d'une grosse louche pour servir plus vite encore.
Vous en voudriez d'autres du genre ? "Ça fait la rue Michel", "En baver des ronds de chapeau", "Se mettre sur son 31", "Nom d'un petit bonhomme", "Le roi n'est pas mon cousin" et autres souvenirs de chez mémé ("le meilleur resto du quartier") ?
Alors ruez-vous sur le bouquin de Laurence Caracalla, "Les 100 expressions favorites de nos grands-mères", le tout nouveau guide du Figaro Littéraire. Pas du tout la recette des beignets de Carnaval (c'est une fixette, ça se voit que j'en ai une énormeeeee envie ?) mais plein d'infos sérieuses sur le fond, rigolotes sur la forme, et bougrement enrichissantes du côté du niveau de l'apprentissage de mon moi personnel et intellectuel (fffffuiiii, ça va pas mieux, on dirait).
En revanche, j'ai eu beau chercher les phrases de ma mémé à moi, je ne les y ai pas trouvées. Elle disait tout le temps "sors de mes pattes" ou "va voir là-bas si j'y suis"... Mais je n'en connais ni le sens ni l'origine. Ça doit être des termes affectueux anciens, très anciens alors, vraiment très, très anciens... Qui a dit "autant que ta mémé ?"
Enfin bon, moi je dis ça, je dis rien...
Gracianne de Pinet de Borde des Forest de Hastoy
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