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CAHIER DE CONFINEMENTPierre Loti et Ramuntcho

PresseLib’ vous propose à nouveau de relire une œuvre littéraire marquante, classique ou méconnue, en lien avec nos chers pays de l’Adour…
RAMUNTCHO Mkunz1
Publié en 1897 chez Calmann-Lévy, le fameux « roman basque » du célèbre écrivain rochefortais a fait couler quelques tonneaux d’encre, tant par les débats qu’il a pu susciter que pour les besoins de ses nombreuses rééditions. Mais il reste incontournable : impossible de faire l’impasse !

Ramuntcho, fruit des amours illégitimes de Franchita et d’un étranger de passage, vit de parties de pelote et de contrebande nocturne en rêvant vaguement d’un ailleurs, loin de cet « Etchézar » où il a grandi, pittoresque village basque inspiré à Loti par celui de Sare, avec son « clocher massif » et son habitat disséminé « parmi les arbres, dans des ravins ou sur des escarpements ».

Depuis l’enfance, les destinées contrariées du pauvre et beau jeune homme sont liées à celles de Gracieuse, que sa mère, l’aigre Dolorès Detcharry, se refuse à voir épouser un bâtard, qui plus est le fils de son ancienne amie d’enfance, rejetée depuis plus de quinze années pour avoir ainsi fauté.

Le fait a déjà été très commenté que Julien Viaud, alias Pierre Loti (1850-1923), officier de marine dont les voyages aux quatre coins du globe furent au départ de l’exotique et foisonnante œuvre, avait lui-même engendré un petit Raymond avec sa maîtresse Juana Josefa Cruz Gainza, dite « Crucita » et native d’Hendaye.

C’était en 1895, deux ans avant la parution d’un Ramuntcho dont le succès fut immédiat. Le roman connut une vingtaine de rééditions en un siècle à peine. On peut notamment citer celle de 1927, joliment illustrée par Arrue.

Un Pays basque à la fois vécu et rêvé…

La maison de Loti à Hendaye

La comparaison avec le contenu du roman s’arrête néanmoins là : la petite famille basque de Loti se fixa quant à elle à Rochefort, tandis que Loti l’étranger revint s’éteindre au bord de la Bidassoa. Son histoire personnelle en dit donc assez long sur le rapport de l’auteur à ce Pays basque à la fois vécu et rêvé, ainsi qu’à son peuple mystérieux qui semble incarner pour lui, tant par ses usages que par sa langue, la survivance d’une pureté originelle. En témoignent très bien Ramuntcho et Gracieuse, les candides Adam et Eve de cette histoire.

On a d’abord beaucoup reproché à l’œuvre la foi « chancelante » de son héros (et de Loti lui-même), mais aussi un caractère souvent jugé par trop folklorique. Il est vrai que tout y passe, de l’ivresse de danser le fandango à l’omniprésence du religieux en passant par les séjours prolongés à la cidrerie, les rendez-vous au fronton et cet oncle Ignacio émigré aux Amériques. Mais il faut rendre justice au tableau de Loti : il tient quand même bien moins de la collection de stéréotypes que de l’expression d’un idéal poétique et romanesque. Les observations à caractère ethnologique sont certes de leur temps, mais leur charme un peu désuet n’a rien de déplaisant...

D’autant qu’avec son style caractéristique, l’académicien qu’était alors devenu Loti décrit avec aisance et légèreté la flore, les paysages et le climat si singuliers du Pays basque, avec ces nuages qui vont et viennent comme des personnages. Il nous fait ressentir l’écoulement particulier des saisons, des existences humaines et des générations enfermées dans une paisible éternité, faisant « les mêmes choses que depuis des âges sans nombre ont faites les ancêtres ».

« Une sorte de Bretagne plus chaude »…

On retrouve dans Ramuntcho la beauté simple de l’inégalable Pêcheur d’Islande, peut-être moins parfaite et intemporelle, mais aussi moins brutale et douloureuse. Là où Yann et Gaud remuent le cœur à faire pleurer un bloc de glace, Raymond et Gracieuse parviennent à nous émouvoir en douceur.

Pour autant, les deux romans cousinent d’assez près. Pays basque et Bretagne sont d’ailleurs étroitement liés dans l’esprit de Loti. Alors que nos « Islandais » achevaient leur saison fin août en allant vendre leur pêche et se griser dans le golfe de Gascogne, la « région des Basques » de Ramuntcho demeure pour l’été « humide et verte comme une sorte de Bretagne plus chaude ». Et « ces deux pays, d’ailleurs, le basque et le breton, se ressemblent toujours par le granit qui est partout et par l’habituelle pluie ; par l’immobilité aussi, et par la continuité du même rêve religieux ».

Si on ne le connaît pas encore, il faut visiter le Pays basque de Loti : son Ramuntcho n’a pas tant vieilli. On a même l’impression qu’il ferait un très bon best-seller s’il paraissait pour la première fois maintenant…

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