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1500 COUPS DE POUCETrois passionnées remettent le linge basque dans la trame

Disparu des armoires basques depuis des décennies, le linge en lin à bande bleue reprend vie grâce à cette association de Saint-Martin-d’Arrossa
Julie Laymond, l'une des trois fondatrices de la Capsule bleue
CCi Pays Basque DR
La Capsule bleue a décidé de retisser les fils du passé en restaurant des machines à tisser et en relançant la production de ce textile disparu

À l’époque où chaque ferme basque filait son propre lin, le linge en lin blanchi, orné d’une bande bleu indigo, était une étoffe incontournable des intérieurs locaux. Pourtant, au fil du temps et sous la pression de l’industrialisation, ce tissu a disparu des placards, remplacé par le coton, plus souple et plus simple à travailler. Aujourd’hui, ce patrimoine textile semblait condamné aux armoires familiales et aux musées.

C’était sans compter sur La Capsule bleue, une association née en 2020 à Saint-Martin-d’Arrossa. Trois femmes, Julie Laymond, Aurélie Hustaix et Célia Grabianski, ont pris à cœur de recoudre l’histoire en restaurant d’anciens métiers à tisser et en relançant la production de ce linge emblématique. Un pari audacieux qui, après des années de recherche et de tests, devrait aboutir à la commercialisation de leur première collection en 2026.

Tisser un lien avec le passé

L’histoire commence en 2020, avec la fermeture d’ONA TISS, l’un des derniers ateliers de tissage du Pays basque. Un article de presse attire l’attention de Julie Laymond, qui en discute avec ses futures associées. Ensemble, elles décident d’empêcher ce savoir-faire de tomber dans l’oubli.

Elles rachètent alors plusieurs métiers à tisser mécaniques datant de 1986 et entament un véritable travail d’archéologie textile. Leur objectif : reproduire le linge d’autrefois à l’identique. Mais sans échantillon récent ni manuel de fabrication, le défi est de taille.

Une carte perforée a été réalisée pour programmer les points du tissage en œil-de-perdrix
La Capsule Bleue DR

Les trois associées sillonnent le département, fouillent les armoires des familles, analysent les rares pièces encore en circulation. Peu à peu, elles reconstituent le puzzle : un tissage en œil-de-perdrix, une largeur standard, une bande bleu indigo dont l’origine exacte reste encore un mystère.

Faire revivre un textile ancien, ce n’est pas simplement une affaire de matière. Encore faut-il disposer des outils nécessaires à sa fabrication. Les machines récupérées n’avaient pas servi depuis des années et nécessitaient une restauration minutieuse.

Le plus grand défi fut l’adaptation des métiers à tisser mécaniques aux spécificités du lin, une fibre plus rigide que le coton. Grâce à l’expertise d’une manufacture spécialisée, une carte perforée a été réalisée pour programmer les points du tissage en œil-de-perdrix. Une véritable dentelle de précision qui a nécessité l’analyse minutieuse de chaque détail sous loupe.

Un lin basque qui cherche ses racines

Si le linge traditionnel renaît peu à peu, reste une question essentielle : où trouver du lin ?
Autrefois, le Pays basque comptait des cultures de lin, mais elles ont disparu au fil des siècles. Aujourd’hui, La Capsule bleue s’approvisionne dans les Hauts-de-France, où cette culture est encore bien vivante. Mais l’ambition est claire : relocaliser la production au plus près du territoire.

Célia Grabanski, co-fondatrice de la Capsule bleue
CCi Pays Basque DR

Si le linge traditionnel renaît peu à peu, reste une question essentielle : où trouver du lin ?
Autrefois, le Pays basque comptait des cultures de lin, mais elles ont disparu au fil des siècles. Aujourd’hui, La Capsule bleue s’approvisionne dans les Hauts-de-France, où cette culture est encore bien vivante. Mais l’ambition est claire : relocaliser la production au plus près du territoire.

Le Béarn, qui fut autrefois un bassin linier important, pourrait accueillir ces cultures. La plante présente d’ailleurs des atouts environnementaux majeurs : elle consomme peu d’eau, ne nécessite pas d’engrais chimiques et offre, en plus de sa fibre, des graines à haute valeur nutritionnelle.

Derrière la renaissance du linge basque, La Capsule bleue a tissé une structure en quatre pôles : un pôle création, qui soutient artistes et designers en mettant à disposition un atelier textile unique ; un pôle Recherche & Développement, où archives et innovations se mêlent pour adapter les techniques anciennes aux enjeux actuels ; un pôle formation, avec une ouverture aux écoles de design et de métiers d’art pour transmettre ce savoir-faire rare ; un pôle production, qui met en marche les métiers à tisser pour confectionner le linge patrimoine et de nouveaux textiles en lin.

Cette approche globale ne se contente pas de recréer un textile : elle vise à reconstituer toute une filière, de la culture du lin à la transmission des gestes ancestraux.

Un lancement prévu pour 2026

Les premiers modèles de linge patrimoine verront le jour en 2026
La Capsule bleue DR

Après des années de travail, les premiers modèles de linge patrimoine verront le jour en 2026. Nappes, serviettes et autres pièces de linge basque retrouveront leur trame originelle, mêlant authenticité et exigence contemporaine.

Ce projet, soutenu notamment par la fondation d’Ici-Tokiko, s’inscrit aussi dans une démarche plus large de réflexion sur l’avenir du textile. Comment produire de manière plus vertueuse ? Comment redonner de la valeur aux savoir-faire locaux ?

En tissant un lien entre tradition et innovation, La Capsule bleue ravive tout un pan de l’histoire basque, avec l’ambition de le faire rayonner à nouveau. À l’heure où l’industrie textile est en pleine mutation, où la surconsommation de coton et de matières synthétiques est remise en question, le lin basque ressurgit comme une étoffe du futur. Durable, local et chargé d’histoire, il trouve dans La Capsule bleue des artisanes prêtes à recoudre son destin.

D’ici quelques années, qui sait ? Peut-être que les foyers basques se pareront à nouveau de nappes et serviettes en lin, tissées avec le même savoir-faire qu’autrefois. Et cette fois-ci, l’histoire ne se perdra plus.

COUP DE POUCE

Si le fil du temps a effacé le linge en lin basque des armoires familiales, il n’a pas entamé la détermination de La Capsule bleue à le faire renaître. Cette association, installée à Saint-Martin-d’Arrossa, tisse patiemment la trame d’un projet à la fois patrimonial et résolument tourné vers l’avenir. En remettant en marche des métiers à tisser mécaniques d’antan et en s’appuyant sur un minutieux travail de recherche, ses fondatrices redonnent vie à un savoir-faire disparu, tout en insufflant à l’artisanat local une dynamique écoresponsable.

Mais un projet aussi ambitieux ne se réalise pas en un claquement de doigts ni en un coup de navette : il a besoin de visibilité, de soutien et d’adhésion. N'hésitez donc pas à partager cet article auprès de vos proches et sur les réseaux sociaux. Chacun peut y contribuer, en parlant de La Capsule bleue autour de soi, en suivant son actualité, en soutenant ses actions et, bientôt, en adoptant ses créations de « linge patrimoine ». Ce n’est pas seulement un morceau de tissu que l’on achètera alors, mais un fragment d’histoire préservé, un engagement pour une production textile locale et vertueuse, une participation à la préservation du patrimoine basque.

Alors, à vous de jouer : relayez, partagez, soutenez… et tissons ensemble l’avenir de cette belle initiative !

Sébastien Soumagnas

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