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BILLET

Ça vous dirait d'avoir la "guash" ?

Vous avez pris votre premier coup de vieux en constatant que vous étiez incapable de déchiffrer, autrement qu'à haute voix et en vous mettant rapido au franglais, le texto envoyé par votre fils :

« gt grav oqp papu t repondr mé g bi1 konpri pour 2m1 eske tuveu bi1 ma peler pliz g fini mon forfé today, e2r ptdr lol mdr, xoxo »

Puis vous avez constaté l'apparition de vos premiers cheveux blancs en écoutant les journalistes parler à la télévision ou écrire dans vos quotidiens préférés :

  • Il faut pallier à ce problème... (non, il faut pallier LE problème)
  • J'ai été en ville... (non, je suis allé en ville)
  • Si j'aurais pu le faire... (non, si j'avais pu le faire)
  • Il a deviner que... (non, il a deviné que)
  • Il a des chances d'échouer... (non, il a des risques d'échouer)
  • Il a des risques de réussir... (non, il a des chances de réussir)
  • J'ai amené le gâteau... (non, j'ai apporté le gâteau, et amené pépé chez le dentiste !)

Sans compter les « personnellement, moi je pense que... » ou les « au jour d'aujourd'hui » (très tendance...), il y en a d'autres, il y en a - hélas - tellement d'autres. Evidemment, cela vous a permis de comprendre pourquoi les entreprises étaient désormais prêtes à débourser des sommes folles pour donner des leçons d'orthographe à leurs employés, cadres compris.

Mais là où vous avez pris votre carte vermeil définitivement (y compris si vous atteignez à peine l'âge canonique de 40 ans !), c'est en errant sur les réseaux sociaux :

« J'ai liké le post sur ton avatar pour ton selfie et l'ai twitté sur mon hashtag aussitôt. Tu devrais penser au "crowfunding". Ah, je t'ai "poké", pense à me répondre. N'empêche, t'as le swag, ma caillera ».

Petite traduction afin que vous bluffiez (ça, c'est ringard, signé dinosaure des années 80 !) votre ado ou pré-ado :

Liker : aimer. Non, on ne dit pas "kiffer", ce n'est pas le même sens. Sur Facebook, on like. Dans la vie, on s'kiffe. Capito ?

Post : message placé sur Facebook, faire court sinon on se fait "zapper" (jeter, ça vous parle ? c'est pareil !), dans le principe de Twitter, on ne dépasse pas les 140 caractères sinon on lasse. Très bon exercice (Bernard Pivot jure qu'il adore) pour entraîner son esprit à synthétiser. Mais à force de synthétiser, des fois, ça sonne creux. Une certaine Valérie T. nous livre, à visage caché, une révélation selon laquelle un "tweet, ça peut vous ruiner une vie", attention donc !

Avatar : peut aussi être remplacé par "profil" quand on est sur les réseaux sociaux. Votre avatar est votre représentation sur Internet. Une "métamorphose" de vous-même, adaptée au monde virtuel. L'origine du mot est indienne, si, si...

Selfie : tendance trèèèèèèssssss à la mode qui consiste à se photographier et à balancer le résultat sur les réseaux sociaux. Au Québec, on parle "d'egoportrait" - tout est dit. Les grandes stars y succombent, mais le selfie est surtout l'apanage de toutes les ados de 15 ans, à tendance acnéique, avec moue boudeuse et décolleté plongeant. Si vous "pêcho" votre fille en flag' de selfie, évitez de penser dans le même temps à l'évolution de la race humaine, à l'intelligence, aux travaux de Darwin, etc.

Twitté : facile : poster un tweet, parler en 140 caractères chrono sur Twitter, ce qui fait de vous un "twittos".

Hashtag : on a mis des mois à comprendre que l'arobase, c'était ça : @, maintenant qu'on s'y fait à peu près, voilà que se pointe le hashtag (prononcer hachetagu'), réservé à Twitter, ou ceci : # Merci de vous y mettre rapidement, parce qu'expliquer où trouver ce symbole sur les claviers vire à l'échange ubuesque : "tu sais, le dièse carré, oui barré si tu préfères, tu fais "Alt Gr et 3", d'accord ? Alors, Alt Gr, c'est juste à côté de la barre d'espacement, à droite... Non ça, c'est Alt tout seul, j'ai dit à droiteeeeeee..."

Crowfunding : se faire financer sur Internet de façon participative, par des internautes qui vont "miser" sur votre projet et l'aider à obtenir les crédits nécessaires à sa réalisation. Utilisé pour la musique (le chanteur Grégoire a percé ainsi) et les films notamment. Mais aussi en littérature (même si le phénomène semble moins fonctionner). On prétend que Victor Hugo et Maupassant seraient morts une deuxième fois en entendant parler du procédé depuis leur éternité.

Je t'ai "poké" : rien à voir avec le jeu de cartes. Se "poker" (?), utilité encore mal définie, mais à mon humble avis, doit vouloir dire qu'on a "remarqué" quelqu'un dans l'immense masse d'inconnus qui font office d'amis sur Facebook. Semble aussi très utilisé par les crétins qui draguent de façon lourdingue, ou quand "je te poke" correspond au diplodocutien "vous habitez chez vos parents ?". Enfin, je crois...

Swag : avoir le swag. Dans les années 80, on aurait dit "être cool", aujourd'hui c'est être "hip" ou "swag", avoir du style, être charismatique. Certaines mauvaises langues jurent qu'il s'agit d'un acronyme pour "Secretly-we-are-gay", comme quoi on arrive encore à savoir dans ce monde moderne utiliser un acronyme, mais ici il semble infondé et seulement créé pour alimenter des polémiques stériles (très tendanceeeeee).

Caillera : non il ne va pas - forcément - faire froid dans les jours prochains ! Et la caillera n'est pas le bébé oisillon de la "caille". Caillera est le verlan de "racaille". Vous pourrez relever parfois une "cayra" chez les fainéants orthographiques, méfiance !

Vous voilà définitivement entrés, à l'issue de cette initiation rapide, dans le 21ème siècle, même si c'est au prix de cheveux blancs, d'oubli de la langue de Molière, et d'une grave cécité provoquée par l'abus d'écrans d'ordinateurs. La prochaine fois, nous vous expliquerons les points communs entre Pharrell Williams et les Daft Punk, ou entre Maître Gims et Vitaa. Ce sera "golri" (rigolo, ouh, faut tout expliquer !).

PS : au fait, avoir la "guash", c'est avoir la forme, et pas peindre à l'acrylique, mais experts que vous êtes devenus, vous aviez déjà deviné, non

Gracianne Hastoy

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