Quand on dit que les traditions se cultivent comme un bon levain, la Fête du gâteau basque en est la preuve vivante. Depuis plus de vingt ans, Cambo-les-Bains honore son dessert fétiche avec une générosité qui ferait fondre même les plus réticents au sucre. Ce premier week-end d’octobre, les 4 et 5 précisément, la ville thermale se transforme en un immense fournil à ciel ouvert où se mêlent arômes de pâte sablée, accents basques et convivialité.
Ce n’est pas un hasard si la troisième plus grande fête gastronomique du Pays basque (après la Foire au jambon de Bayonne et la Fête du piment d’Espelette) est consacrée à ce gâteau. Plus qu’un dessert, il est un symbole : celui d’un savoir-faire transmis de génération en génération, et qui a trouvé à Cambo son berceau, son écrin et désormais sa plus belle scène.
Aux origines, le « gâteau de Cambo »
Bien avant que les visiteurs ne déambulent entre stands et chapiteaux, l’histoire du gâteau basque commençait modestement dans une petite pâtisserie du quartier Xerri Karrika. Sur une vieille carte postale des années 1900, l’enseigne « Pâtisserie Marianne » rappelle que c’est à Marianne Hirigoyen, native de Hélette, que l’on doit la recette originelle. Avec ses paniers garnis de « gâteaux de Cambo », elle prenait la diligence chaque jeudi pour ravitailler Bayonne.
Le succès fut tel que ses filles, puis ses petites-filles, surnommées affectueusement les sœurs Bixkotx, autrement dit « Biscuit », continuèrent l’aventure, gardant jalousement le tour de main. Ce gâteau de Cambo, devenu le gâteau basque, ne devait plus quitter la région ni ses habitants. C’est lui qui, un siècle plus tard, attire encore des milliers de gourmands à Cambo, pour croquer un morceau d’histoire autant qu’une part de douceur.
Derrière la Fête du gâteau basque se cache une association au nom évocateur : Eguzkia, qui signifie « soleil » en basque. Fondée en 1994, elle regroupe des artisans boulangers-pâtissiers décidés à défendre la recette traditionnelle contre l’ombre grandissante de l’industrialisation. Leur crédo ? Une pâte dorée, croustillante, des garnitures maison (crème pâtissière aux œufs ou confiture de cerises noires) et un respect scrupuleux de la charte de qualité.
Avec la Chambre des Métiers et de l’Artisanat et la mairie de Cambo-les-Bains, Eguzkia a voulu que ce savoir-faire brille au grand jour. Ainsi est née la Fête du gâteau basque, qui aujourd’hui attire des visiteurs bien au-delà des frontières du Pays basque, venus goûter, apprendre et surtout partager.
Un marché qui sent bon le terroir
Au cœur de la ville, c’est tout un marché aux saveurs basques qui se déploie. On y retrouve bien sûr le gâteau basque, mais aussi les autres stars de la gastronomie locale : le fromage de brebis Ardi Gasna accompagné de confiture de cerises, le jambon basque, le miel, les confitures artisanales, sans oublier l’incontournable piment d’Espelette.
Ici, on ne fait pas que remplir son panier : on part avec des histoires, des recettes, parfois même des amitiés. Les artisans partagent volontiers leurs secrets, avec cet accent chantant qui ajoute une touche de convivialité au produit.
La gourmandise n’est pas qu’affaire de palais. Elle est aussi sonore. Tout le week-end, les rues de Cambo s’animent au rythme des bandas, des txistus et autres concerts itinérants. La musique accompagne les visiteurs comme une crème onctueuse vient enrober la pâte : elle lie les moments, adoucit l’attente, et donne cette ambiance unique où chaque pas résonne comme une fête.
Le chapitre sucré de la Confrérie
Créée en 2009, la Confrérie du gâteau basque donne une dimension quasi chevaleresque à la célébration. Le dimanche matin, son Chapitre réunit confréries venues de toute la France. Messe, défilé en musique, intronisations de personnalités : tout est orchestré pour rappeler que le gâteau basque n’est pas seulement un dessert, mais une tradition digne d’être défendue et honorée.
Le moment le plus attendu reste le concours du meilleur gâteau basque, où amateurs et jeunes professionnels se frottent à l’avis du jury. Pour certains, c’est un premier pas vers une vocation ; pour d’autres, l’occasion de briller au milieu des plus grands.
S’il est un rendez-vous qui fait fondre les visiteurs, ce sont bien les ateliers de fabrication. Encadrés par des pâtissiers, petits et grands enfilent leur tablier pour apprendre les gestes précis : abaisser la pâte, garnir de crème ou de cerise, sceller délicatement avant d’enfourner. Chacun repart avec son gâteau, preuve tangible que la tradition peut être transmise en une matinée… même si certains reconnaissent que « ça n’a pas exactement le goût de celui d’Eguzkia ».
La fête ne serait pas complète sans un repas champêtre digne de ce nom, organisé le dimanche sous la Halle Bernadette Jougleux. Fromage de brebis, salade, spécialités locales et bien sûr gâteau basque au dessert : la formule a tout du banquet qui prolonge la convivialité. Ceux qui en veulent encore pourront prolonger l’expérience avec les offres de week-end gourmand proposées par l’office de tourisme, combinant hébergement, repas et animations culturelles.
Un dessert qui n’a pas fini de faire recette
La Fête du gâteau basque n’est pas figée comme une recette gravée dans le marbre. Chaque édition se nourrit de l’air du temps : spectacles de danse, parties de pelote, concerts, randonnées gourmandes ou encore marchés artisanaux. Elle prouve qu’une tradition, loin d’être poussiéreuse, peut être vivante, dynamique et créative.
Au fil des années, la manifestation s’est imposée comme l’un des grands rendez-vous du calendrier basque, aux côtés de la Fête du piment et de la Foire au jambon. Mais là où Espelette pique et où Bayonne sale, Cambo sucre et adoucit. Un bel équilibre dans la grande recette des festivités basques.
En 22 éditions, la Fête du gâteau basque a grandi, comme une pâte qui repose et s’épanouit lentement mais sûrement. Elle attire aujourd’hui des milliers de visiteurs, curieux, gourmets, familles en quête de convivialité. Plus qu’une fête, elle est devenue une vitrine du Pays basque, où l’on célèbre autant le produit que ceux qui le façonnent.
Sébastien Soumagnas
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