Il y a quelques années encore, Louise Lesparre évoluait dans l’univers feutré des grandes entreprises parisiennes. Directrice marketing, elle côtoyait des cadres supérieurs bien informés sur de nombreux sujets… sauf lorsqu’il s’agissait d’agriculture. « Par des discussions avec mes collègues et amis parisiens, je suis alors témoin de l’incompréhension qui s’est installée entre ces deux milieux. », se souvient-elle. Fille et petite-fille d’agriculteurs landais, cette déconnexion entre ville et campagne lui saute aux yeux.
Le Covid bouleverse son quotidien et l’amène à redescendre dans ses terres natales. « Je me retrouve en 2020 au chômage partiel et confinée dans mes Landes natales. Je décide alors de mettre à profit ce temps libre pour lancer le Podcast La Clé des Champs. Mon objectif : offrir un accès direct à la parole des agriculteurs pour nous permettre de mieux les comprendre. » Un micro tendu aux agriculteurs pour qu’ils racontent leur métier, leurs défis, leur réalité sans filtre. Très vite, les épisodes trouvent un écho auprès d’un public en quête de compréhension. Apple Podcasts la désigne « coup de cœur de l’année 2020 ». Mais comment aller plus loin ? Comment transformer cette première pousse en une culture florissante ?
Un projet qui prend racine
À la croisée des chemins entre Paris et Bordeaux, Louise Lesparre décide de quitter définitivement son poste et de se consacrer à plein temps à La Clé des Champs. Son intuition : ce ne sont pas seulement les particuliers qui doivent mieux comprendre l’agriculture, mais aussi les entreprises. Banques, assurances, opérateurs d’énergie, industriels de l’agroalimentaire : tous ont besoin d’une meilleure connaissance du monde paysan pour dialoguer efficacement avec leurs clients et partenaires.
Elle structure alors une offre de formation innovante. Une session d’e-learning de quatre heures permet d’explorer les enjeux agricoles contemporains : bien-être animal, gestion de l’eau, utilisation des phytosanitaires… Les cours sont animés par des experts reconnus, issus de l’Inrae, de l’Inao ou des chambres d’agriculture. Mais ce n’est que la première étape : la véritable expérience se vit sur le terrain.
Par groupes de cinq, les participants partent en immersion dans une ferme, où ils découvrent la réalité du métier aux côtés d’un agriculteur. Bottes aux pieds et mains dans la terre, ils passent une journée à comprendre le cycle des cultures, la gestion du bétail ou encore les défis administratifs du métier. L’agriculteur qui accueille le groupe est indemnisé pour le temps accordé, une manière de valoriser son engagement dans cette transmission.
La formation ne s’arrête pas à cette journée immersive. Louise Lesparre a semé une nouvelle graine avec l’Agriacadémie, une plateforme accessible sur abonnement. Son objectif : maintenir un lien régulier entre les participants et le monde agricole. Chaque mois, les abonnés reçoivent un journal vidéo sur l’actualité du secteur, un décryptage thématique et une rubrique « C’est la saison » pour suivre les grands rendez-vous des agriculteurs et maraîchers.
Le succès est au rendez-vous : les entreprises s’inscrivent, les formations affichent complet et l’équipe de La Clé des Champs s’étoffe. Une collaboratrice a déjà rejoint Louise et une alternante l’a récemment rejointe. Un second CDI est sur le point d’être signé.
Un manifeste pour reconnecter la ville et les champs
Pour Louise Lesparre, La Clé des Champs est une mission sociétale. En effet, les agriculteurs sont au cœur de nombreux défis comme nourrir la population tout en préservant l’environnement et en maintenant des prix accessibles.
Avec La Clé des Champs, elle veut offrir une vision juste et authentique du métier, loin des idées reçues. En favorisant la compréhension entre citadins et ruraux, elle espère contribuer à une meilleure cohabitation entre ces deux mondes.
À Bordeaux, au sein de l’écosystème Darwin, La Clé des Champs a trouvé un terreau propice pour croître. Un avenir qui s’annonce fertile puisque le projet devient un véritable acteur de la médiation entre la société et le monde agricole. De nouvelles entreprises frappent à la porte, des partenariats se nouent et l’offre de formation continue d’évoluer. Louise envisage déjà d’élargir les thématiques abordées et de multiplier les formats d’apprentissage.
Avec son énergie et sa passion, elle ne compte pas en rester là. « Je souhaite, à ma petite échelle, aider la ville et les champs à mieux se comprendre », conclut-elle. Une ambition qui, au fil des saisons, prend racine et porte ses fruits.
Sébastien Soumagnas
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