COUP DE CŒURAvec Aguila, les technologies sauvent des vies

C’est à dire ?
H. F. – Il s’agit de s’inspirer par exemple de la flore et de la faune qui vivent ensemble, de regarder comment chacun apporte à l’autre. Le nom de la société, Aguila, c’est l’aigle en espagnol. Un oiseau qui a la capacité d’aller capter les courants d’air chaud, pour tenir très longtemps en l’air, quasiment sans dépenser d’énergie, en la captant dans son environnement. Notre ADN est le biomimétisme : nous insérer dans notre écosystème pour apporter des réponses pertinentes à des besoins concrets.
 
Quels créneaux au départ ?
H. F. - Depuis le début, le cœur technologique de notre activité a été les systèmes électroniques embarqués, que l’on retrouve maintenant dans quasiment tous les objets du quotidien. Notre spécificité est de ne travailler que sur des usages B to B, pour des professionnels. Pas dans le gadget jetable au bout de 6 mois. On a eu une première vie de bureau d’études où l’on a conçu des produits intégrant l’électronique pour le compte de tiers, notamment quelques grands groupes comme Thalès et Atos. A côté, notre stratégie est de développer des activités en mode startups, pour répondre à des besoins qui nous sont chers ou qui nous touchent…  Toujours dans l’esprit Tech for Life : des technologies qui contribuent à sauver des vies.

Vous avez développé des activités dans le secteur médical et dans la sécurité maritime…
H. F. – Nous avons une activité historique dans l’ingénierie de dispositifs médicaux avec une équipe qui œuvre dans ce domaine. On a aussi développé une réponse en matière de sécurité maritime, avec des équipements embarqués qui communiquent par satellite, qui permettent d’avoir des dialogues entre la mer et la terre et inversement, en partenariat avec tout un système d’alerte météo. Cela pour un usage professionnel. On le commercialise actuellement en Afrique de l’Ouest. C’est très intéressant pour nous d’être dans plusieurs domaines d’activité, avec la même finalité : contribuer à sauver des vies.
 
C’est le cas aussi avec la sécurité routière…
H. F. – Nous avons abordé ce secteur, avec une innovation lancée à la suite de l’accident de Puisseguin, en 2015. Un drame qui avait fait 41 morts dans un autocar qui a pris feu quelques secondes après avoir été percuté par un camion. Malheureusement, toutes ces passagers sont restés bloqués dans le véhicule. Dans les jours qui ont suivi, nous avons été contactés par des personnes avec qui nous étions déjà en relation. Elles nous ont demandé si on serait partant pour participer à des ateliers afin de comprendre la problématique et être force de proposition. C’est une action qui est devenue emblématique pour nous.
 
La problématique ?
H. F. - On est parti d’une feuille blanche pour imaginer un système qui pourrait, en cas d’accident, évacuer les fumées puis les personnes, en un temps très court et de façon certaine. Contrairement à d’autres types d’incendie, il faut d’abord éviter que la fumée envahisse le véhicule. Cela va très vite, en 45 secondes les personnes dans l’habitacles sont complètement perdues, n’ont plus de repères, et peuvent mourir en moins de 3 minutes. C’est impressionnant, on l’a vérifié en faisant des tests. On a travaillé avec de nombreux partenaires, comme le SDIS 33, pour définir la bonne stratégie. D’abord, briser la vitre pour libérer les fumées toxiques. Puis, libérer les humains. C’est contre intuitif par rapport à d’autre feux et ce n’est pas simple.

Quelles difficultés ?
H. F. - On a travaillé avec des partenaires, par exemple pour le vitrage, pour connaître sa résistance. Sachant aussi que le parc des autocars est très hétérogène avec des vitres simples, doubles voire autres. Il fallait aussi un équipement qui, malgré l’élévation des températures, va continuer de fonctionner de manière fiable et pouvoir briser du multivitrage. Le système met en jeu de l’électronique et de la mécanique. Il nécessite des phases de recherche et développement qui sont longues avec un processus par itération et des améliorations successives, qui peuvent prendre du temps s’il faut refabriquer des pièces mécaniques et électroniques. Pour un tel système, on peut aussi avoir des phases de régression : en répondant à une fonction clé, une autre peut chuter. Il faut alors repartir dans une phase de R&D en challengeant les choix par cycles successifs.
 
Où en êtes-vous ?
H. F. – L’homologation est en cours, et nous finalisons l’industrialisation de notre « marteau électronique d’urgence ». La Région Nouvelle-Aquitaine a financé une partie de la R&D, et a cofinancé également le déploiement de l’expérimentation. A partir des prototypes, nous mettons le système en conditions réelles pour voir toutes les adaptations nécessaires, notamment liées à l’usage, en fonction des personnes transportées, et à l’exploitation. Comment le propriétaire de l’autocar, privé ou public, va l’intégrer dans son cycle, d’un point de vue technique mais également au niveau du conducteur… C’est d’autant plus complexe avec les difficultés actuelles de recrutement. Nous avons conçu des dispositifs sur chacune des vitres issues de secours et un équipement central au niveau du chauffeur. Cette unité centrale est l’intelligence du système.
 
Vous visez un lancement bientôt ?
H. F. – Oui, fin octobre. Après 8 ans de travail. Nous profiterons du salon mondial du bus et de l’autocar à Bruxelles pour présenter le système Breakee aux professionnels. Une fin d’année capitale pour notre entreprise, sachant que le marché est estimé à un million de véhicules en Europe. Nous aurons l’avantage de porter la solution faisant référence auprès des autorités. On a aussi la chance d’avoir construit autour de nous, un très bel écosystème, avec la Sécurité routière, le ministère des Transports, des constructeurs, des opérateurs, des associations… On avait également bénéficié d’une belle reconnaissance avec le Prix de l’innovation de la Sécurité routière. De plus, il est prévu une évolution réglementaire pour faire évoluer la sécurité dans le domaine du transport, qui devrait entrer progressivement en vigueur dans les 4 prochaines années.