Abonnez-vous
Publié le

COUP DE CŒURLa saga du groupe landais Planfor

En 2023, la pépinière d’Uchacq-et-Parentis fêtait ses 4 décennies d’existence. On revient sur cette belle aventure familiale avec Christophe Ballarin, PDG de l’entreprise et fils de son fondateur.
COUP DE CŒUR - La saga du groupe landais Planfor
Créée en 1983 par Jean-Antoine Ballarin, la société Planfor compte aujourd’hui 110 salariés à l’année et génère plus de 13 millions d’euros de chiffre d’affaires. Une réussite fondée sur un sens aigu de l’anticipation…

Pouvez-vous nous présenter le groupe Planfor en quelques mots ?
Christophe Ballarin -
Planfor est un groupe familial et une entreprise agricole qui opère dans trois métiers. Via l’activité pépinière, nous sommes d’abord producteurs de jeunes plants d’arbres et arbustes, cultivés en motte, hors sol, dans des supports de culture conçus pour favoriser le développement d’un système racinaire dense et sans déformation. Ces plants ont un potentiel élevé de reprise et de développement, et leur période de plantation s’étend sur presque toute l’année. Dans un contexte de dérèglement climatique, ils constituent un atout essentiel au renouvellement forestier.
Ensuite, nous sommes dotés d’un service forestier, dédié aux propriétaires qui investissent dans le massif des Landes de Gascogne. Ce service intervient dans toute la région et s’est fortement développé après la tempête Klaus et la mise en œuvre du plan Chablis. Nous accompagnons aujourd’hui les propriétaires forestiers de la plantation jusqu’à la récolte des bois. Nous leur proposons une assistance administrative, juridique, fiscale et évidemment technique. Nous les conseillons tant sur les itinéraires de reboisement que sur la conduite des peuplements qui constituent leur propriété. Les services proposés vont de la vente et de l’acquisition de parcelles jusqu’aux marquages et aux sondages des peuplements, en incluant bien sûr la mise en vente du bois. Avec notre service informatique, composé de 5 personnes, nous avons aussi développé pour les forestiers notre propre outil en ligne de cartographie numérique. Les propriétaires peuvent accéder grâce à cet outil à toutes les données utiles relatives à leurs parcelles.
Enfin, notre troisième métier est l’e-commerce, à travers notre site Planfor.fr. Créé dès 2005, ce site est disponible en 4 langues et représente aujourd’hui une part importante de notre chiffre d’affaires. Nous pouvons livrer professionnels et particuliers partout en Europe, principalement en France, en Espagne, au Portugal et en Belgique.

Vous avez donc pris très tôt ce virage de l’e-commerce. D’où vous est venue cette volonté ?
Ch. B. -
Ce projet de site internet est un peu mon bébé. Je viens moi-même de l’informatique, et comme n’importe quel salarié chez Planfor, je suis arrivé avec mes compétences et mes idées. Nous sommes dans une logique d’amélioration continue : toutes les idées émises au sein de l’entreprise sont prises en compte et étudiées. En 2005, même les informaticiens qui ont développé en externe ce site Planfor.fr étaient sceptiques. Ils ont aujourd’hui intégré la société… Personne ne croyait encore en une formule e-commerce adaptée à ce marché des plants. Mais nous savions déjà très bien faire voyager les végétaux. Les plants commercialisés sur le site sont pour moitié produits sur place chez Planfor, et pour l’autre moitié par des confrères pépiniéristes avec qui nous collaborons depuis de nombreuses années. Notre objectif est d’être en mesure de proposer tout ce dont les particuliers et professionnels ont besoin pour leurs projets de plantation. Notre réussite se fonde en grande partie sur notre capacité à nous adapter très vite aux évolutions de la demande.

On imagine que cette antériorité dans le commerce en ligne vous est aujourd’hui profitable…
Ch. B. -
Oui : année après année, nous avons développé cette activité, qui est aujourd’hui très performante. Nous sommes aussi bien capables de livrer un seul plant à un client portugais que 2.500 d’un coup chez un client espagnol. Timide au début, cette activité n’a cessé de progresser. En fin d’année dernière, notre site comptait 600.000 inscrits. Nous traitons 60 à 70.000 commandes par an (jusqu’à 500 par jour en haute saison), pour un éventail de 3.000 références végétales.
Notre longue expérience du commerce en ligne est aussi un avantage en termes de qualité de service et de compréhension des besoins des clients. Nous considérons le jardin comme un terrain d’expression : le client peut construire son projet dans la durée via notre site grâce à la possibilité de sauvegarder son panier d’achats. Il peut en outre profiter de réductions : les prix sont automatiquement ajustés aux quantités commandées. Notre expertise en e-commerce est aujourd’hui reconnue : Planfor.fr figure en 2024 dans le top 10 du palmarès Capital des meilleurs sites de commerce en ligne (catégorie « jardineries »).

Jacques Chirac avec un plant de pin Planfor en 1993

Après 40 ans d’existence, pouvez-vous nous poser quelques jalons sur ce long chemin ?
Ch. B. -
C’est mon père qui a créé l’entreprise en 1983 après une première partie de carrière en tant que conseiller forestier au CRPF. Il a été visionnaire : c’était l’époque des premières graines de pin maritime génétiquement améliorées. Il a tout de suite cru en leur potentiel, et il a acheté l’un des tous premiers lots de graines pour produire ses premiers plants. Aujourd’hui, l’ensemble des reboisements en pin maritime se fait à partir de ces graines, et le massif landais n’a jamais été aussi productif. À noter que les premiers plants issus de la 4ème génération d’amélioration arriveront sur le marché en 2025. Au départ, la pépinière était bien différente de celle d’aujourd’hui : il y avait un champ de maïs, une bergerie landaise et de la forêt partout autour. Si la bergerie existe toujours, les champs et la forêt se sont petit à petit transformés en 25 hectares de pépinières, de bureaux, de hangars et de serres, l’ensemble étant parcouru de routes carrossées, comme dans les exploitations américaines.
Mon père a toujours réinvesti dans l’entreprise et a pu y mettre en place ses idées. En 1993, il a décidé d’industrialiser la production de plants forestiers en motte et créé un support de culture innovant. C’était une grosse prise de risque : le marché était tout juste naissant mais il imaginait déjà le développement de l’utilisation de ces plants dans les reboisements. Aujourd’hui, plus de la moitié des plants forestiers vendus en France sont des plants en motte. Cette année-là, nous avons reçu le grand prix de l’innovation industrielle de l’Anvar. Et c’est aussi en 93 que j’ai intégré l’entreprise (Christophe est né en 1967, NDLR).
Ensuite, une autre étape importante a été la tempête de 1999. À l’époque, les propriétaires reboisaient essentiellement par semis. L’amélioration génétique du pin maritime n’était encore qu’une promesse, celle d’une production de bois plus importante et plus rapide. L’investissement initial nécessaire était plus coûteux et les propriétaires, dans leur majorité, ne souhaitaient pas prendre ce risque financier. Finalement, les subventions accordées pour reconstituer les hectares détruits par la tempête Martin, l’ont été en faveur des plantations de plants de pins génétiquement améliorés. Cette décision politique était en cohérence avec le travail que menait l’INRAE sur le sujet. Elle a donc été décisive dans le développement du plant forestier en motte, et par là dans celui de nos pépinières.

Et il y a donc eu 2005 et votre site web… Puis la tempête Klaus, en 2009 ?
Ch. B. -
Au départ, l’idée de ce site internet était d’aider les personnes à imaginer leur futur jardin en proposant des visuels des arbres et arbustes à leur état adulte. C’était en quelque sorte une promesse commerciale. Cela n’a pas marché tout de suite, mais le site est aujourd’hui devenu un client très important de la pépinière. Plusieurs centaines de milliers de plants ont été vendus l’an dernier via ce canal. Ce site est aussi un outil d’aide à la décision, qui nous permet de mieux comprendre les attentes de nos clients. Notons qu’outre l’expédition classique, nous disposons ici d’un drive où les clients peuvent venir retirer leurs commandes. La pérennité de notre activité repose sur la multiplicité des clients : nous ne dépendons pas financièrement de tel ou tel acteur d’envergure.
Ensuite, il y a effectivement eu la tempête Klaus et le plan Chablis. Il a fallu 10 ans pour replanter 200.000 hectares de pin maritime, et nous avons joué dans ce processus un rôle important. Nos équipes se sont adaptées ; nous avons modifié nos organisations et amélioré notre outil industriel pour relever ce défi. En termes de part de marché, nous estimons avoir livré 35% des plants de pins mis en terre dans le cadre de ce plan.

Et ces dernières années ?
Ch. B. -
Les dernières années ont surtout été marquées pour nous par la crise du covid, au cours de laquelle nos ventes en ligne ont décollé, ainsi que par le plan de renouvellement forestier lancé à travers France Relance (et plus récemment France 2030). Nous avons été sollicités pour produire davantage et avons investi 5 millions d’euros en 4 ans pour améliorer notre capacité de production et suivre la demande. Aujourd’hui, nous pouvons théoriquement produire jusqu’à 24 millions de plants par an.

Le pin maritime est-il aussi prépondérant qu’au début dans votre activité ?
Ch. B. -
Non, pas autant. Nous produisons aujourd’hui 400 essences différentes pour la forêt, le paysage et l’ornement. Le pin reste prépondérant mais représente aujourd’hui moins de la moitié des volumes produits. On peut préciser que 20% des essences commercialisées par Planfor représentent environ 80% des volumes de plants produits, essentiellement du pin, du douglas, du cèdre, du chêne, etc.

Vous parliez d’amélioration continue. Quelques exemples de projets menés récemment ou à venir ?
Ch. B. -
Il y a de nombreux exemples, notamment dans le champ éco-citoyen : installation de ruches et production de miel par une de nos salariées, désherbage manuel (15.200 heures en 2023), réduction de l’entretien mécanique via la couverture végétale et les paillages organiques, gîtes à chauves-souris, végétalisation des zones non cultivées, bassin de rétention des eaux pluviales de 1.450 m2 pour limiter l’impact sur les cours d’eau en aval… On peut également citer notre participation au programme « L’Arbre à l’école » de la Water Family, qui intervient dans les classes et fournit des coffrets pédagogiques aux enfants, avec des plants qu’ils peuvent mettre en terre chez eux. Dans le cadre de cette initiative, nous avons également participé à la conception d’un « Cahier nature arbre, sol, eau » tiré à 100.000 exemplaires et distribué gratuitement.
Les améliorations touchent de même à la limitation de nos impacts environnementaux et aux conditions de travail. Un exemple tout simple : nous avons travaillé sur des cannes à planter sur mesure, c’est-à-dire adaptées à la taille du planteur. Finalement, nous procédons sans cesse à des améliorations, par petites touches. Actuellement, nous réfléchissons au déploiement d’installations photovoltaïques dans certaines zones non-exploitées de la pépinière qui s’y prêtent, essentiellement des zones de stockage auxquelles nous ajoutons ainsi une fonction de production d’énergie.

Quelques mots sur la culture d’entreprise chez Planfor ? Comment reste-t-on une société familiale à taille humaine au bout de 40 ans, avec plus de 100 salariés ?
Ch. B. -
D’abord, l’entreprise est toujours familiale, détenue par mon père, ma sœur et moi. Mon épouse travaille également chez Planfor comme comptable. Mais au-delà du cercle familial, Planfor s’est construit grâce aux femmes et aux hommes qui la composent, leurs compétences, leur savoir-faire, leur énergie, leur motivation et leurs idées. Une grande satisfaction est de constater que les cadres d’aujourd’hui sont les juniors d’hier, et nul doute que les cadres de demain sont les juniors d’aujourd’hui. L’apprentissage et l’esprit d’équipe jouent un rôle essentiel dans cette transmission des savoirs. Enfin, nous avons la chance d’évoluer dans des domaines qui ont du sens, et beaucoup de salariés en reconversion nous rejoignent. Nous avons un plan de participation et notre politique salariale prévoit une augmentation équitable de l’ensemble des salaires chaque année. Les richesses créées doivent pouvoir servir au financement des investissements et à la juste rémunération des salariés et des actionnaires. Avec le covid, nous avons aussi développé le télétravail dans les métiers qui s’y prêtent, et conservé depuis le principe d’un jour télétravaillé par semaine. Les services HSE et RH veillent au maintien du bien-être des salariés.

On imagine que 40 ans, ça s’arrose… Vous avez fêté ça comment ?
Ch. B. -
Fêter nos 40 ans a été l’occasion d’inviter nos clients, nos partenaires fournisseurs, les institutionnels de la filière forêt-bois et les élus locaux. Des visites de notre site de production ont été organisées durant toute une semaine, un stand étant dédié à chaque métier. A l’initiative du service communication, ce fut aussi pour Planfor l’occasion de réaliser un travail de mémoire très précieux. Pendant un an, reportages et interviews se sont succédé pour raconter notre histoire à travers différents regards. Ce travail de longue haleine a suscité beaucoup de souvenirs et d’émotions pour les anciens, et il a permis aux derniers rentrés de comprendre le travail de construction accompli par tous ces bâtisseurs. Ce fut au final un bel exercice de cohésion de nos équipes !

Plus d’infos sur le site internet de Planfor

Chaîne Youtube

Planfor en chiffres

  • Plus de 13 millions d’euros de chiffre d’affaires.

  • 110 salariés permanents et jusqu’à 200 en haute saison, dont 5 ingénieurs de production et 30 techniciens du végétal.

  • Un site de 25 hectares, dont 16 de production.

  • 4.000 références de produits, dont 3.000 de végétaux.

  • Une capacité annuelle de production de plus de 24 millions de jeunes plants.

  • 400 essences produites. Plants en mottes de 200 cm3, 400 cm3 ou un litre.

  • Taux de reprise des plants mis en terre : 90%

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

À lire aussi