Photo : Jules Thevenot.En 1903, Françoise et Jean Dubrana, ainsi que Jeanne Biregay, la domestique du couple, sont retrouvés morts chez eux, à Mézos. Parmi les suspects, Théophile Lajoie, auquel la justice de l'époque attribuera ce qui sera reconnu comme le « triple crime de Mézos ». Plus de 120 ans plus tard, le procès s'apprête à être rejoué. Non pas pour changer son verdict, mais plutôt pour permettre d'amener une réflexion sur l'évolution de la justice en France en plus d'un siècle.
Une démarche initiée par les Archives départementales des Landes, et qui sera concrétisée par la compagnie Par Les Temps Qui Courent, installée à Mont-de-Marsan depuis 2017. « Avec des élèves de 4e du collège Victor-Duruy, nous avons un projet de procès fictif. L'objectif est de leur faire connaître le monde juridique, en rencontrant des professionnels et en assistant à des audiences, afin qu'ils puissent inventer une affaire de A à Z, et en interpréter le procès en fin d'année », commence Jean-David Cohen, membre de la compagnie et co-metteur en scène du projet Lajoie. « C'est dans ce cadre que les archives nous ont approchés, mais avec une idée différente puisqu'elles voulaient s'inspirer d'un procès réel ».
C'est donc celui de Théophile Lajoie qui a été retenu. « On nous a mis à disposition beaucoup de documents d'archives. Le procès avait eu une large couverture médiatique à l'époque, donc nous avons pu récolter de nombreuses informations. Nous avons aussi pris connaissance de documents que des gens avaient rassemblés de leur côté au fil du temps. Mais presque l'intégralité des sources était de seconde main, et nous n'avions pas les minutes du procès. Cela nous laissait pas mal de vide, et en même temps, pas mal de liberté ! ».
Pour compléter l'adaptation de la compagnie, le Conseil Départemental d'Accès au Droit (CDAD) des Landes a ouvert un concours auprès des scolaires. Parmi les plaidoiries reçues, une a été sélectionnée et « à peine » retouchée par les comédiens. « Étant donné que le but de ce projet n'est pas de faire une reconstitution historique, mais de faire revivre un moment et d'en profiter pour amener une réflexion, cela avait du sens de stimuler l'imaginaire de jeunes volontaires. D'ailleurs, les jeunes dont le travail a été retenu seront sur scène, dans un rôle de figurant en tant que jurés. C'est pour nous un moyen sympa de valoriser leur travail ».
Car comme vient de l'introduire Jean-David Cohen, l'objectif de cette pièce est d'apporter un regard sur la justice en France et son évolution depuis plus d'un siècle. « Ce projet nous permet d'ouvrir une salle d'audience pour autre chose qu'un véritable procès. Grâce à un produit culturel, nous permettons à des gens d'entrer dans un tribunal, de voir ce que c'est. Et puis cela nous permet aussi de casser des clichés. La dimension historique de la justice sera abordée, car c'est intéressant de voir comment cela a évolué. D'autant plus que l'affaire Lajoie tombe à une période importante, juste après l'affaire Dreyfus. On replonge d'ailleurs dans ce contexte durant la pièce ».
Cette dernière se découpe en deux parties. Une première orchestrée par la compagnie professionnelle, qui, justement, permet au public de voyager au début du siècle dernier, et qui pose le décor grâce à des coupures de presse, des chansons et des complaintes de l'époque. La seconde partie intègre 17 comédiens amateurs, encadrés depuis le début de l'année, pour rejouer ledit procès. « Le liant entre tout ça c'est une archiviste qui raconte le procès. Les scènes sont comme des flashbacks qui se parent du présent et s'ancrent ici et maintenant », image-t-il. Cette liberté créatrice permet également l'intégration dans le procès des outils modernes dont est équipé le tribunal, à savoir des écrans, hauts-parleurs, micros, etc.
Deux représentations sont prévues. La première, le 21 septembre, à 19h30, au tribunal de Mont-de-Marsan, en salle Chalosse. Elle est sous réservation (auprès du CDAD au 05 24 28 03 56), la salle étant limitée en place. La seconde représentation sera le 24 septembre au foyer rural de Mézos, puisque l'association MCP a souhaité faire revivre cette histoire là où elle est née (libre participation, réservation conseillée au 06 81 30 60 13).
« Pour la suite, il y a une volonté commune avec toutes les parties prenantes d'en faire encore quelque chose. Nous pensons à une adaptation radiophonique par exemple, avec Radio MdM, mais plutôt pour l'année prochaine car cela demande du travail d'adaptation. Et ce sera l'ultime rebond de ce projet ! », conclut Jean-David Cohen, sans rejeter l'idée de reconstruire une nouvelle adaptation, toujours avec les Archives départementales, mais sur une autre affaire, et pour d'autres objectifs...
Timothé Linard
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