Les caractéristiques de ce 7 ?
Jérôme. Daret. – Le jeu allie le combat et l’esquive, la stratégie et l’intuition, la vitesse, l’intensité et la gestion des efforts… Il faut construire un projet d’équipe et de jeu très précis, sinon on prend le risque d’être en grande perdition collectivement quand ça ne va pas bien. Le plan de jeu doit être très structuré, mais doit permettre en même temps de laisser de la place pour la créativité et l’inspiration. Ce cadre est une clé pour pouvoir réaliser de grandes performances. Les entraîneurs doivent rester critiques à chaque instant, pour savoir prendre la décision optimum au bon moment. Il faut savoir qu’un tournoi sur plusieurs jours, c’est comme une saison complète. Il faut savoir passer d’une défaite à un exploit, gérer une qualification pour d’autres tournois ou une élimination, viser le classement général. Tout va très vite. Il faut s’adapter sans cesse. C’est comme si nous vivions une multitude de saisons en une…
Sur le plan plus technique ?
J. D. – Il faut savoir que les phases statiques sont essentielles pour maîtriser le tempo, avec des changements de rythme en attaque, et une capacité à contrer cela en défense ; il s’agit d’aller réduire l’espace-temps pour l’adversaire. On ne peut pas être au sommet en permanence, il faut donc savoir accepter les creux, puis rebondir plus haut, et surfer sur la crête le plus longtemps possible. Comme en cyclisme, il faut savoir donner le coup de pédale au bon moment pour se servir de l’aspiration. Tout cela est difficile avec l’amplitude sur 2 ou 3 jours et plusieurs matches. Les joueurs doivent apprendre à aller au-delà de la douleur. Quant au staff, il est sous pression en permanence. La résilience fait standard dans ce sport extrême.
Votre approche avec le groupe ?
J. D. – Chaque déplacement est long. A titre personnel, cela représente environ 220 jours par an avec 10 à 15 tournois mondiaux par saison (JO et Coupe du monde). C’est beaucoup. Il y a nécessité d’avoir une identité et une culture de jeu forte pour exister. Mais ce n’est pas tout. On travaille beaucoup sur la cohésion, ou encore le bien-être. Il faut savoir se donner de l’air, chercher d’autres choses, découvrir les cultures locales, cultiver l’expérience de l’esprit. Les sorties, les visites permettent de ne pas oublier que la vraie vie existe encore. Il est indispensable d’avoir des sujets de discussion autres que le rugby. Ces découvertes ont aussi l’avantage de permettre à chacun de se rendre compte que l’excellence c’est pour tout le monde, dans tous les domaines. Nous vivons des années hors normes qui nécessite cette ouverture au monde extérieur. Quant aux joueurs, nous nous efforçons de les rendre autonomes et responsables. Notamment, pour qu’ils puissent aussi travailler à distance entre deux tournois, par exemple. Nous souhaitons coller aux valeurs de l’olympisme en permanence (respect, amitiés, excellence).
D’autres caractéristiques au niveau du management ?
J. D. – Évidemment, la confiance est l’une des clés. Cela passe notamment par la capacité à savoir exprimer sa force, par l’ambition d’envoyer des signaux forts aux adversaires et aux arbitres. Cela compte énormément dans ce sport. De leur côté, les entraîneurs sont un peu comme des chefs cuisiniers qui confectionnent des plats en associant des ingrédients variés pour sublimer l’ensemble, en alternant le chaud et le froid, le sel et le poivre... Nous travaillons également sur la performance collective avec des axes d’optimisation comme un travail sur l’intelligence émotionnelle.
Les ambitions de l’équipe de France ?
J. D. – Nous voulons franchir les étapes une à une pour viser la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Il faut continuer à se structurer et nous avons mis en place un parcours d’excellence. Ces derniers mois, la France s’est installée sur le podium mondial. Il nous faut continuer dans cette voie sans relâche. Il y a des choix à faire sur le plan économique. Aujourd’hui, l’équipe de France à des joueurs spécialistes permanents qui font la réussite du moment. Mais, elle a les joueurs qu’elle peut avoir, issus du Top 14, et pas ceux qu’elle voudrait dans l’idéal pour amener une performance plus durable. C’est une question de budget, notamment. Nous avons aussi créé une académie olympique pour palier à cela, mais aussi pour préparer 2028 et 2032.
Comment cela se passe-t-il avec les clubs français ?
J. D. – Bien. Grâce à un travail très intelligent avec eux. Le développement du Super Sevens avec le Top 14 est une opportunité pour l’équipe de France. Ce tournoi permet d’avoir plus de joueurs évalués dans la discipline. Les passerelles se multiplient. Déjà, le 7 a révélé des talents qui brillent désormais en XV, comme Virimi Vakatawa, Gabin Villières ou Ethan Dumortier et bien d’autres. Des joueurs d’avenir se profilent, comme Nelson Epée (Toulouse), Ryan Rebbadj (Toulon), Thomas Carol (Pau), Jefferson Lee Joseph (Agen)… Il est plus facile de passer du 7 au XV que l’inverse.
Vos souhaits pour la suite ?
J. D. - Encore plus de spectacle, d’accessibilité et de visibilité. Le cœur du réacteur est prêt, il faut maintenant embarquer l’ensemble de l’écosystème, convaincre, générer encore plus d’énergies positives, de la passion, et surtout y croire… L’enjeu majeur est aussi de profiter au maximum des JO de Paris 2024, en amont, pendant et après. Il faut savoir que les tours qualificatifs se joueront au Stade de France, les deux jours avant le début des Jeux. La phase finale aura lieu juste après, ce qui offrira un coup de projecteur formidable sur le 7, le jour de l’ouverture des JO de Paris, un siècle plus tard (1924-2024).
Pour lire la première partie de cette rencontre avec Jérôme Daret, cliquez ici
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