« J’ai voulu me mettre au vert, à la campagne, et de fil en aiguille, j’ai commencé à faire du bénévolat dans des fermes. C’est par hasard que je suis arrivée dans le Gers, à Montesquiou. J’ai aimé cette région, et je me suis installée à Montégut en 2018 » raconte la jeune femme, qui porte le patronyme de sa ville d’origine.
Lorsqu’on lui demande pourquoi avoir choisi d’élever des porcs noirs, Noémie parle de contact très sympathique avec des animaux joueurs, mais aussi d’une évidence à travailler sur une race emblématique qui sait prendre son temps. « Les porcs noirs sont très calmes, très beaux, et agréables à élever » souligne-t-elle.
J'ai été très surprise par les facteurs exogènes qui se sont enchainés
Mais derrière cette image paisible se cache un torrent de difficultés qu’il faut surmonter au quotidien. « Lorsqu’on s’installe, on n’est pas vraiment au courant des mesures physiques et morales que cela entraîne, et de la charge mentale qu’il va y avoir. J’avais été prévenue, mais j’ai été très surprise par les facteurs exogènes qui se sont enchainés. Il y a eu la peste porcine, les mises aux normes, les nouveaux investissements, puis la crise sanitaire, la flambée des prix des matériaux, du pétrole… Il faut s’adapter en permanence ».
Pour retrouver un équilibre économique et agronomique, Noémie décide, après mûre réflexion, de réduire son cheptel l’an dernier. Trop de porcs, des céréales de plus en plus coûteuses pour les nourrir, la sècheresse omniprésente… Et l’écologie dans tout ça, se demande l’éleveuse ? Elle concentre son activité avec une dizaine de mères, deux verrats, et une soixantaine de porcelets, qu’elle alimente avec du petit lait de la fromagerie de la Bergerie des Arbolèts, de drêches de la Brasserie Moussequetaire, de son, de blé de la Clé du Pain, de légumes récupérés chez Biocoop… Car elle se charge également de la découpe, et de la vente de sa production.
« L’acte de mort est toujours très dur, et je trouvais qu’il y avait beaucoup trop d’abattoir ; c’est aussi pour ça que j’ai réduit mon cheptel. Je voudrais pouvoir le faire à la ferme, mais ce n’est pas légal. Il faut collaborer avec l’abattoir fixe local, c’est compliqué… Il y a un vrai travail avec la Confédération Paysanne pour que ce soit légalisé, mais cela va prendre beaucoup de temps ».
Son quotidien, ses questionnements sur la mort de l’animal, la consommation de viande, les normes qui étouffent l’élevage de plein air et les alternatives paysannes, Noémie Calais a pu en rendre compte dans “Plutôt nourrir”, un livre écrit à quatre mains avec Clément Osé, un camarade de promotion perdu de vue depuis dix ans.
« Clément s’était en fait installé lui aussi dans une petite ferme auto-suffisante en Béarn ; il commençait à écrire des ouvrages et m’a proposé de venir régulièrement pendant un an pour se documenter sur mon travail, sur la faculté à nourrir les gens autour de soi, questionner la paysannerie… Nous avons confronté nos points de vue et avons beaucoup travaillé sur ce livre, où je prends la plume au fur et à mesure. Il est paru en septembre dernier ».
Heureuse dans sa nouvelle vie, Noémie veut faire passer un message plein d’espoir aux consommateurs et à ses “confrères” : « Il faut continuer à soutenir les paysans de proximité, et il faut continuer notre métier pour réussir à nous nourrir tous demain. Face aux coups durs, le collectif - qu’il soit syndical ou plus informel, comme l'association “Sauve qui poule” qui se bat pour la défense des producteurs fermiers de volailles en plein air - permet de fédérer, et de rester au contact des consommateurs tous ensemble. L’installation n’est pas un long fleuve tranquille, mais la beauté du métier, du rapport au vivant et aux gens valent vraiment le coup ! ».
Marielle Fourcade
Réagissez à cet article
Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire