Au Pays basque, l’innovation avance à pas feutrés mais laisse des empreintes durables. En effet, l’écurie Larretcheberria d’Arcangues est le théâtre d’une expérimentation inédite, à savoir le fait d'intégrer de la laine de brebis dans les pistes équestres pour transformer les carrières en surfaces plus performantes, plus durables et plus respectueuses de l’environnement. Cette idée, qui pourrait bien révolutionner le secteur équestre, repose sur une ressource locale longtemps sous-exploitée.
Des brebis au service des chevaux
Il faut savoir qu'au Pays basque, près de 80 % de la laine produite par les éleveurs est considérée comme un déchet, souvent brûlée ou enfouie. Face à ce gâchis, des initiatives émergent pour valoriser ce matériau naturel, notamment sous l’impulsion du cluster Résolaine, lancé en 2024. C’est parti de ce postulat que Jérôme Laclau, propriétaire de l’écurie Larretcheberria, décide de s’impliquer. Connu pour son ouverture à l’innovation, il se lance dans ce projet après avoir lu un article sur les débouchés inexistants de la laine locale.
Grâce à une collaboration entre la Coopérative d’éleveurs CAOSO, la CCI Bayonne Pays Basque, et plusieurs partenaires institutionnels, l’expérimentation est mise en place. L’objectif : tester l’intégration de fibres de laine, découpées selon des dimensions spécifiques, dans le sable des pistes équestres pour améliorer leur qualité et leur usage quotidien.
Les premiers résultats sont particulièrement encourageants. En ajoutant la laine au sable, les équipes constatent plusieurs améliorations majeures. Dans un premier temps, une meilleure absorption des chocs. En effet, la laine agit comme un amortisseur naturel, rendant la surface plus douce pour les chevaux, réduisant la fatigue musculaire et les risques de blessures. Ensuite, la cohésion du sol est nettement renforcée, les fibres tissant une structure homogène qui empêche les sabots des chevaux de s’enfoncer excessivement.
Mais ce n’est pas tout ! Parce que la laine joue aussi un rôle dans la gestion de l’eau. Grâce à ses propriétés hydrophiles, elle retient l’humidité, limitant les besoins en arrosage de plus de 50 %. Une aubaine pour les centres équestres, confrontés à la sécheresse ou à des coûts d’entretien croissants. Enfin, le matériau assure une surface stable et performante, quelles que soient les conditions météorologiques.
L’économie d’eau : un atout clé pour l’environnement
Au-delà des avantages techniques, ce projet s’inscrit dans une démarche plus large de durabilité et d’économie circulaire. En valorisant une ressource locale, la laine de brebis, cette initiative réduit la dépendance aux fibres synthétiques souvent importées et peu respectueuses de l’environnement. Pour les éleveurs, cela représente également un débouché économique et une reconnaissance de leur rôle dans la préservation des savoir-faire locaux.
Quant à l’impact environnemental, il ne se limite pas à l’élimination des déchets. La réduction des besoins en arrosage limite aussi la consommation d’eau, un enjeu crucial à l’heure des changements climatiques.
Quand Jérôme Laclau a décidé de tester ce procédé, il savait qu’il prenait un risque. Il voulait donner une chance à cette idée, mais savait aussi que les chevaux et les cavaliers ne pardonneraient pas un sol mal adapté.Mais les retours des utilisateurs sont unanimes : cavaliers professionnels et amateurs remarquent une nette différence dans le confort et la performance des chevaux.
Même les craintes initiales liées à l’odeur spécifique de la laine se dissipent rapidement. Après la première pluie ou un arrosage, l’odeur s’efface, ne laissant que les bénéfices tangibles du matériau.
Une aventure collective pour la filière
Ce projet s’inscrit dans un effort plus vaste de revalorisation de la laine de brebis. Porté par le cluster Résolaine, soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine, il vise à fédérer les acteurs locaux pour donner une seconde vie à cette ressource. Outre les applications équestres, d’autres pistes sont explorées, comme l’utilisation de la laine pour le paillage agricole ou encore la fabrication de pellets pour poêles à bois.
La CAOSO, coopérative d’éleveurs fondée en 1946, joue un rôle moteur dans cette dynamique. Avec ses 350 membres, elle cherche à relancer une filière autrefois prospère, mais aujourd’hui en difficulté. La laine est un trésor ignoré qui mérite d’être réhabilitée, que ce soit dans les champs, les maisons ou les écuries.
Avec ce projet pilote, le Pays Basque montre qu’il est possible de concilier innovation, tradition et respect de l’environnement. Cette démarche, qui met en lumière le potentiel de la laine de brebis, ouvre des perspectives pour d’autres régions. Pourquoi ne pas imaginer un jour des stades ou des terrains de sport équipés de surfaces enrichies en laine ?
L’aventure ne fait que commencer. En effet, outre le fait d'être une solution pour les chevaux, c’est aussi une manière de montrer que les ressources locales, même modestes, ont un rôle à jouer dans le monde de demain. Une carrière qui commence sous de bons auspices.
Sébastien Soumagnas
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