Ce texte de Céline Texier Chollet fait part « des doutes et difficultés d'artistes mais également de l'immense nécessité de leur implication ».
La mise en scène et l'écriture du festival de Gavarnie m'ont été confié en Janvier 2019 pour l'été 2020. Que de temps s'est écoulé entre le moment ou, et le moment, aujourd'hui vendredi 27 mars, 15 jours après la fermeture des écoles, ce moment où le monde traverse une crise sanitaire que je n'aurai pas imaginé, comme beaucoup d'entre nous, vivre, un jour. J'écris et mets en scène depuis longtemps, j'ai envie de dire depuis toujours, depuis l'enfance, je n'ai pas cessé de gérer l'espace, les entrées, les sorties, les dialogues de tous.
Et puis voilà qu'un jour, on m'offre un grand, un immense terrain de jeu, qui plus est fort à propos, pour Alice, le personnage de Lewis Caroll. Et puis voilà, qu'après la première semaine de répétitions, de ma version d'Alice, avec une équipe formidable, nous sommes confinés, je dirai pour ma part confite, entre la joie d'avoir partagé et démarré ce projet, et la torpeur, et la peur, qu'il ne voit pas le jour.
C'est loin, me direz-vous. Juillet, ses cerises, ses apéros en terrasse, son festival de Gavarnie... Bien sûr que si nous serons dehors, avides de voir et d'entendre les autres. Je l'espère. Et je doute. Forcément. Alors, ma réflexion, mes réflexions, mes pensées vont vers ce mirage, ce rêve, ce cauchemar.
Et pourtant, ça n'empêche pas de penser, d'imaginer, de concevoir, en tous cas dans ma tête, et sur le papier, ce morceau de rêve, en gestation depuis des mois. C'est ça aussi, l'espoir. C'est ça aussi, le théâtre, la création. On imagine, on espère, on a envie, on est passionné. Quand on à l'impression de ne plus rien pouvoir faire, l'esprit a cette force, si on a pris le temps de la lui enseigner, de créer un monde, des mondes, des univers entiers, avec quelques synapses. Alors Alice est là, quoiqu'il arrive.
Comment, pourquoi, dans quelles conditions ? Je n'en sais rien. Mais ce festival 2020, a bien des égards, sera unique, puisque nous aurons vécu tous, équipe et spectateurs, un temps pour le moment indéfini, d'imagination, de rêve, d'espoir, de doutes et de ras le bol, aussi. J'aime à croire que l'envie de s'évader sera le terreau d'un futur dont nous rêvons tous, pour nous, nos enfants, et ceux d'après.
Dans ce temps imprécis, j'ai espoir que les gens se rendent compte de l'importance des créateurs. Radio, musique, livres, peinture, dessin, et j'en passe, font que le temps est comblé par une nourriture impalpable et pourtant tellement riche pour les humains que nous sommes. J'ai foi en l'humanité. Rien que ça !
J’espère pouvoir vous donner rendez-vous, sur le plateau de la Courade, pour voir « Alice de l'autre côté des merveilles », en ce juillet 2020 qui se profile, à tous ceux qui pensent que le futur nous appartient encore.
Et comme dirait Lewis Caroll : Si le monde n'a aucun sens, pourquoi ne pas en inventer un ?
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