Abonnez-vous
Publié le

Violences conjugales : un fléau toujours présent dans le 64

Malgré une légère baisse du nombre de victimes de violences intrafamiliales en 2024, les associations, collectivités et institutions multiplient les initiatives pour accompagner les victimes et prévenir les récidives.
Une femmes au visage tuméfié regarde son téléphone portable.Pexels
Déclarée grande cause du quinquennat, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est une préoccupation majeure. Le Grenelle des violences, lancé le 3 septembre 2019, a permis de renforcer la législation en matière de lutte contre les violences et de développer de nouveaux dispositifs.

La lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales est un combat qui mobilise l’ensemble des services de l’État. Le comité local d’aide aux victimes de violences intrafamiliales (CLAV VIF), composé de représentants des services de l’État et d’associations, se réunit une fois par an, sous sa forme plénière, pour faire collectivement un bilan des actions menées dans le département durant l’année passée et mettre en place les futures actions en la matière.

« Dans les Pyrénées-Atlantiques, les autorités ont constaté une légère baisse du nombre des victimes de violences intrafamiliales en 2024 par rapport à 2023 (-4%), même si celle-ci reste marginale, au vu de l’augmentation fulgurante au cours de la décennie. Libération de la parole dans le temps long est en forte progression. Il est encore trop tôt pour en tirer des enseignements, dire s’il s’agit d’une stagnation ou le fruit de l’effort collectif de notre politique publique… », présente le préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Si la police enregistre une baisse de victimes de violences intrafamiliales (VIF) en 2024 (passant de 1.669 à 1.410), la gendarmerie a constaté quant à elle une augmentation des interventions de ce type (de 751 en 2023 à 818 l’an passé), avec + 17,8 % de garde à vue entre 2023 et 2024. On recense malheureusement un féminicide en Béarn (à Momy le 10 octobre 2024) et un autre au Pays basque (en mai 2024 sur la commune de Saint-Jean-de-Luz).

« Pour autant, l’activité des forces de sécurité intérieure est toujours croissante. Le nombre d’interventions en zone police a augmenté de + 10,8 % entre 2024 et 2023. Les gardes à vue pour violences conjugales ont cependant baissé de - 17,6 % sur cette même période », poursuit-il.

« Depuis le Grenelle 2019, on constate une réelle libéralisation de la parole. Ces chiffres sont stables, ou en légère baisse, mais on ne peut ni ne doit s’en satisfaire. À la mairie, au-delà du financement des associations, nous avons un véritable rôle de prévention, et ce dès l’enfance. Notre travail doit être renforcé, surtout qu’on observe un essor de discours masculiniste dans notre société », plaide Marie-Laure Mestelan, adjointe au maire de Pau.

Sensibiliser pour prévenir les violences intrafamiliales

Dans le Département, le budget dédié à la lutte contre les violences intrafamiliales est en constante augmentation : en effet, entre 2022 et 2024, il a progressé de + 12.8%, pour atteindre 565.000 euros l’an dernier. Celui-ci est utilisé pour mettre en place des programmes de sensibilisation auprès du grand public, mais aussi des scolaires et des professionnels.

En 2022, les Pyrénées-Atlantiques ont déployé le Plan Angela, avec la ville de Pau. Hendaye, Saint-Jean-de-Luz et Bayonne ont rejoint le dispositif, avec un total de 150 lieux refuges dans tout le département. Biarritz va également s’ajouter à la liste en 2025. En deux ans, 70 commerçants formés dans l’agglomération paloise. De plus, la mairie de Pau est en train de tracer les contours d’Angela Campus, afin d’accompagner les enseignants et les infirmières scolaires sur ce sujet.

Par ailleurs, au sein de la Communauté d’Agglomération Pau Béarn Pyrénées, un élu a été désigné référent sur les violences au sein du couple en milieu rural (à la mairie d’Artiguelouve), un logement communal sécurisé est aussi disponible pour accueillir les victimes de VIF et un lien entre la Gendarmerie et/ou l’association Du Côté Des Femmes peut être favorisé.

Au Pays basque, un contrat local de santé très dynamique est en cours, avec la mise en place de groupes de travail réguliers et la programmation commune sur la semaine internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes (le 25 novembre).

SIRPAG - MAJ.F. BALSAMO

Une formation renforcée des professionnels 

À noter qu’en 2024, 67 % de gendarmes et 85% de policiers des Pyrénées-Atlantiques ont suivi des modules de formation à la prise en charge des victimes de violences intrafamiliales. Un psychologue est présent au commissariat de Pau et des intervenants sociaux sont également mobilisés en commissariats et gendarmeries dans le Béarn et au Pays basque.

Les collectivités territoriales forment aussi leurs agents pour accompagner et guider les victimes de violences intrafamiliales. À titre d’exemple, une quinzaine d’employés municipaux de Pau ont été formés l’an dernier, et de nouvelles périodes de formations sont déjà programmées cette année pour ceux qui n’ont pas pu les suivre en 2024.

« Nous envoyons un message essentiel auprès des victimes qui ne portent pas plainte ou qui n’osent pas le faire : au commissariat ou en gendarmerie, elles seront bien accueillies, par des personnels formés, une prise en charge adaptée et elles seront écoutées et accompagnées par les associations compétentes, voire protégées. Il en sera de même lorsqu’elles iront à l’hôpital », précise Jean-Marie Girier, le préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Enfin, la mise en service dans le courant de l’année de la Maison des Femmes santé, au Centre hospitalier de Pau, sera l’actualité la plus prégnante de 2025 en ce qui concerne l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales. 

« L’accompagnement sera pluridisciplinaire, avec la présence de sages-femmes et de psychologue, des ateliers sur l’estime de soi, une permanence de l’association Du Côté Des Femmes et une prise en charge paramédicale », expose Audrey Liort, directrice des affaires médicales au Centre hospitalier de Pau.

Le défi des milieux ruraux

En zone rurale, les violences intrafamiliales ont augmenté de + 9 % en 2024, selon les chiffres de la gendarmerie. L’augmentation de ses interventions concernant les VIF met alors en avant un problème endémique.

« La loi du silence et de la honte verrouille la parole en milieu rural. Sensibilisation est essentielle pour libérer la parole », souligne Annick Trounday, vice-présidente du Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques.

« Dans les villages, les victimes peuvent se sentir isolées, ne pas avoir les accès aux informations. La gendarmerie peut être loin, et l’hôpital encore plus. Cette victime a donc encore moins de chance que celle qui habite l’hypercentre-ville d’avoir accès aux associations, et donc, elle a plus de chance de passer sous nos radars. À nous de trouver des façons d’être plus présent, au travers de permanence dans les maisons France services ou les mairies. Il y a de beaucoup de petites mesures qui peuvent faciliter le dépôt de plainte. C’est un de nos axes d’efforts et de progrès », appuie Jean-Marie Girier.

Pour mettre fin à l’omerta, plusieurs dispositifs ont été mis en place, à l’instar de l’unité mobile pour les femmes victimes de violences portée par le centre hospitalier de Pau. Celle-ci s'adresse à toutes les femmes victimes de violences conjugales, de violences sexistes et sexuelles au travail, de violences sexuelles (viols, incestes, agressions sexuelles, mutilations sexuelles), de violences transphobes, de harcèlement ou de violences psychologiques. Quatre permanences sont organisées sur le territoire du Béarn à la CPAM de Pau, à Garlin, Mauléon et Orthez.

« Depuis 2022, l’unité mobile tient des permanences dans cinq lieux ruraux pour optimiser le repérage, favoriser l’écoute et l’accompagnement, afin d’optimiser le dépôt de plainte. Nous œuvrons pour aller au contact des populations les plus éloignées, en dessous des radars. En 2024, nous avons accompagné 320 victimes de violences conjugales et 297 victimes de violences sexuelles », explique le Docteur Jean Hiquet, chef du service Unité médico-judiciaire de l’hôpital de Pau.

En complément, le dispositif « Aller vers » permet à certaines victimes, qui ont du mal à se déplacer jusqu’à Pau ou Oloron, de rencontrer une association dans le lieu de son choix (restaurant, lieu de travail…). Il assure un maillage du territoire et offre donc une réponse rapide et adaptée aux situations via une prise en charge est individualisée.

Ce dispositif permet aussi le transport d’urgence des victimes les nuits et week-ends par les Taxis Palois afin d’assurer le transport vers un lieu d’hébergement (Hôtel, CHRS…). En Béarn, 107 personnes ont été accompagnées en 2024 par ce programme, soit + 20.5% par rapport à 2023.

« La dispersion des bassins de vie ne facilite pas ce travail. Le Pays basque intérieur est la zone la plus touchée par cette augmentation (+8.8%), alors que les chiffres commencent à s’infléchir dans la campagne béarnaise, même si la densité de population n’est pas la même », note le Lieutenant-Colonel Philippe Romanetto.

Noémie Besnard

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire