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Publié le

1500 COUPS DE POUCEPascale et Bixintxo Aphaule cultivent pommes, vin et terroir à boire

À Jaxu, le couple à la tête du Domaine Bordatto, mêle les racines de leur terre aux fruits de leur passion.
Pascale et Bixintxo Aphaule, deux jeunes agronomes amoureux de leur pays et de leur métier
Domaine Bordatto DR
Depuis plus de vingt ans, les Aphaule cultivent un verger d’idées et une vigne de caractère, entre cidre fermier, Irouléguy bio et respect des traditions.
Les Aphaule sont à la fois cidriers et vignerons
Domaine Bordatto DR

Il y a des domaines qui poussent vite, à grands coups de capitaux et de branding bien ficelé. Et puis il y a ceux qui, comme le Domaine Bordatto, prennent racine lentement, mais sûrement, dans la terre autant que dans l’âme de ceux qui les font vivre. C’est en 2001 que Pascale et Bixintxo Aphaule, deux jeunes agronomes amoureux de leur pays et de leur métier, décident de créer de toutes pièces leur ferme à Jaxu, petit village accroché aux flancs vallonnés du Pays Basque intérieur.

Ils n’avaient alors ni cuverie, ni terres, ni tracteur. Seulement une solide dose d’enthousiasme, une passion partagée pour l’œnologie, et un brin d’inconscience professionnelle, celle qu’il faut parfois pour sauter à pieds joints dans un projet de vie.

Une vision paysanne

Vingt ans plus tard, la ferme s’étend sur près de 7 hectares, dont 4,5 de pommiers et 2,5 de vigne. Le tout en agriculture biologique, évidemment, car ici, on ne traite pas la terre comme un outil, mais comme une alliée. L’idée ? Valoriser un patrimoine fruitier local, souvent oublié, parfois même méprisé, mais ô combien riche en potentiel aromatique. Une quarantaine de variétés de pommes anciennes y cohabitent, des noms qui chantent en basque comme Eri Sagarra, Koko Gorria ou Entzea, tout comme les vignes de Tannat pour l’AOC Irouléguy et de Marselan pour les vins de pays.

Les Aphaule sont à la fois cidriers et vignerons. Deux métiers, deux écoles, mais une même philosophie : celle d’un produit qui reflète fidèlement le lieu dont il est issu, dans toute sa complexité. Produire un vin ou un cidre, ici, ce n’est pas simplement presser des fruits et remplir des bouteilles. C’est chercher à capter un équilibre, une harmonie, un dialogue entre le climat, le sol, les arbres ou les ceps, et l’humain qui les cultive.

Si le cidre basque souffre parfois d’un déficit d’image, Bixintxo Aphaule a choisi, lui, d’en faire un produit noble. Un sagar d’auteur, en quelque sorte. Leurs cuvées, parmi lesquelles le désormais incontournable Sagar Lore, parlent d’elles-mêmes, fines, équilibrées, résolument modernes sans trahir la tradition.


Leur approche, tout en précision, consiste à laisser le fruit s’exprimer, avec le moins d’intervention possible. L’élevage est maîtrisé, la fermentation pensée comme un accompagnement. Résultat : des cidres secs, structurés, qui n’ont rien à envier aux plus belles bouteilles de vin nature. Car oui, à Jaxu, le cidre n’est pas un sous-produit. C’est un vin de pommes, et il mérite d’être dégusté comme tel.

L’éthique dans le pressoir

N'hésitez pas à venir déguster
Domaine Bordatto DR

Côté vigne, la philosophie est la même. Les raisins sont cultivés sans intrants chimiques, vendangés à la main, vinifiés sans artifice. Le Tannat, cépage roi de l’Irouléguy, y trouve une expression racée, profonde, un rien sauvage mais toujours domptée par l’élégance du terroir. La cuvée "Lur Umea", qui signifie "enfant de la terre" en basque, en est un parfait exemple : dense, charpentée, mais jamais lourde, avec cette vitalité qui signe les vins vivants.

Pour les vins de pays, le Marselan, croisement de Cabernet Sauvignon et de Grenache, apporte une belle souplesse, de la rondeur, et permet d’élaborer des cuvées accessibles, franches, à boire entre amis ou sur une belle côte de bœuf.

Chez Bordatto, tout est pensé dans une logique paysanne : petite échelle, autonomie maximale, circuits courts. Le matériel (sécateurs, cuves, pressoirs, barriques) est utilisé avec soin et respect, comme les bras qui s’y attellent. Le chenillard n’a rien d’un gadget ici : il est le prolongement de la main de l’homme sur les pentes escarpées. Et quand la météo joue les trouble-fêtes, les Aphaule s’adaptent, cultivant la résilience autant que les pommes.

Leur engagement pour une agriculture à taille humaine ne se limite pas à leurs parcelles. En militants discrets, Pascale et Bixintxo défendent une vision du métier où la transmission, la coopération et le respect du vivant sont les vrais leviers de performance. Pas de croissance pour la croissance, mais une quête de cohérence.

Si leurs bouteilles voyagent désormais bien au-delà des frontières basques, le Domaine Bordatto reste avant tout une ferme. Une ferme où l’on travaille dur, où l’on taille, greffe, vendange, presse. Une ferme où l’on aime aussi faire goûter, raconter, faire sentir les choses. Le caveau de dégustation ne désemplit pas aux beaux jours, et les curieux repartent souvent avec plus de connaissances qu’ils ne l’imaginaient.

COUP DE POUCE

À l’heure où l’agro-industrie standardise jusqu’au goût des fruits, où l’on vend du vin sur Internet sans jamais avoir vu un cep, des lieux comme le Domaine Bordatto rappellent à quel point la terre est une source de richesse... pour peu qu’on la respecte.

Bixintxo et Pascale méritent vraiment un coup de pouce de notre part. Comment ? N'hésitez pas à partager cet article sur vos réseaux sociaux, parce que soutenir ce genre de projet, c’est faire le choix d’une économie qui respire, d’un modèle agricole qui a du sens, d’un produit qui raconte une histoire. C’est aussi donner sa chance à une autre manière de produire : moins de chimie, plus d’attention, moins d’empreinte carbone, plus d’empreinte humaine.

Alors, la prochaine fois que vous chercherez un bon vin ou un cidre digne de ce nom, oubliez les grandes enseignes et poussez la porte de la ferme. Vous y trouverez plus qu’une bouteille : une philosophie, une sincérité, et peut-être même un sourire en prime.


Sébastien Soumagnas

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