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Vers un stockage du CO2 au fond des mers ?

À Anglet, sur le campus Montaury, des chercheurs étudient le comportement du CO2 dans les aquifères salins. Ce mode de stockage intéresse déjà de près les géants de l’énergie...
UPPA 1
Officiellement lancée le 26 novembre 2018, la chaire CO2ES (ES pour « Enhanced Storage ») de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour conduit ou participe à une dizaine d’expériences et de projets pour mieux comprendre le lent processus de dissolution du CO2 dans l’eau salée.

Comme souvent, l’idée de base est aussi simple que la réalisation est délicate : puisque le trop-plein de CO2 dans notre atmosphère devient une sérieuse menace, pourquoi ne pas « pomper » ce CO2 pour le stocker… sous terre ? L’idée, en l’occurrence, n’est pas nouvelle.

La première initiative en ce sens remonterait à 1996. Sur le champ gazier de Sleipner, en Norvège, la compagnie Statoil (aujourd’hui Equinor) avait mis en place un puits d’injection de CO2 en aquifère profond. Depuis, d’autres projets du même genre ont été menés à partir de 2004, comme en Algérie (sur le champ gazier d’In Salah) ou en Allemagne, près de Potsdam, dans le cadre du projet européen CO2Sink.

On rappelle que les aquifères sont des couches géologiques poreuses, perméables et gorgées d’eau qu’on va trouver en profondeur, sous terre ou au fond des mers. Au-delà des nappes phréatiques, notre sous-sol est en effet émaillé d’aquifères salins, milieux qui s’ils ne sont pas encore parfaitement connus, représenteraient une voie d’avenir en matière de stockage du CO2 généré par les sites industriels. Les grands groupes pétroliers s’y intéressent en tout cas de très près.

L’an dernier, on a par exemple appris que Total (déjà engagé dans une poignée de projets touchant au captage-stockage du CO2) participerait, aux côtés de Shell et du susdit Equinor, au projet public norvégien « Northern Lights ». Objectif : organiser une filière complète allant du captage du CO2 sur plusieurs sites industriels (cimenterie, usine de traitement de déchets) jusqu’à son injection dans un aquifère profond, sous la mer du Nord, en passant évidemment par son acheminement.

Des expériences en milieu spatial…


Pour mieux comprendre les implications de ce mode de stockage du CO2, une chaire de l’UPPA a été lancée fin 2018 à Anglet, dans la continuité de la labellisation « I-Site » de l’université et du lancement de son projet E2S en lien avec la transition énergétique (Avec l’INRA et l’Inria). Cette chaire est dirigée par Fabrizio Croccolo, docteur en physique et spécialiste de la thermodynamique hors équilibre, des techniques optiques et de la microgravité, co-auteur d’une soixantaine d’articles scientifiques. Celui-ci a notamment développé à l’UPPA « des techniques optiques innovantes pour l’étude des phénomènes de transport dans les fluides complexes ».

L’équipe de la chaire est composée de 3 permanents, de 5 doctorants et de deux post-doctorants. Elle étudie fondamentalement les mécanismes de la « dissolution convective » du CO2 dans les fluides complexes, processus extrêmement lent que l’on pourrait plus tard chercher à accélérer artificiellement. En d’autres termes, il s’agit d’avoir une connaissance plus précise du comportement du CO2 dans des milieux comme les aquifères salins, sous l’effet des mouvements du liquide. Le laboratoire de la chaire est situé sur le campus Montaury d’Anglet, dans les locaux de l’Isa BTP.

Plus précisément, les travaux de la chaire visent « à approfondir des expériences déjà réalisées, mais de façon plus concrète, en réalisant des expériences en 3D, sous haute pression, avec du CO2 en phase super critique et dans des milieux poreux. Ce savoir-faire est une des spécialités de la chaire. En effet, l’ensemble de ces compétences maîtrisées au sein d’une même chaire est unique au monde », explique l’UPPA.

Outre les porteurs du projet E2S, cette chaire CO2-ES compte parmi ses partenaires Total, le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) et… le Cnes. Car une grande partie des expériences dont on parle s’est effectuée ou s’effectuera en milieu spatial (ou équivalent). Il s’agit naturellement de mieux caractériser l’influence de la gravité terrestre sur ledit processus de dissolution convective du CO2, et ainsi d’obtenir des données de référence.

Pour cela, des expériences ont déjà été déployées lors de vols paraboliques (avec Novespace), sur l’ISS (la station spatiale internationale) ou le satellite chinois SJ10. Une nouvelle expérience devrait voler en 2021 sur l’ISS. Associé à ces 4 expériences nées de collaborations internationales (et pour certaines encore en cours d’analyse), Fabrizio Croccolo a participé à deux d’entre elles en tant que coordinateur avec l’ESA et le Cnes.

Dans l’avenir, il se pourrait bien que l’injection dans ces poches salines profondes devienne l’une des solutions privilégiées de stockage du CO2, et l’on peut donc se réjouir d’avoir à Anglet une structure de recherche compétente en la matière.

Plus d’informations sur le site internet, cliquez ici

 

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