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DEMAINDette publique : faut-il s’inquiéter ?

À l’heure où les plans d’urgence d’une portée inédite se succèdent en France, en Europe et dans le monde, commence à se reposer la question de la soutenabilité des dettes souveraines...
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En France, les chiffres sont éloquents : selon les dernières prévisions du gouvernement, le déficit public devrait atteindre 9% cette année, loin des 2,2% visés avant la crise. La dette publique, maintenue en deçà de 100% du PIB l’an dernier, devrait par suite excéder les 115% en fin d’année. Alors, qui va payer ?

C’est sans doute l’une des questions qui donnera lieu aux débats les plus acharnés dans les mois qui viennent : comment composer avec l’explosion programmée des dettes souveraines ? Ce mercredi 15 avril, le FMI nous a donné un aperçu du problème à l’échelle mondiale. La dette publique planétaire pourrait grimper de 83 à plus de 96% du cumul des PIB nationaux. Selon les scénarios, le PIB mondial pourrait quant à lui reculer de 3 à plus de 6% en 2020.

Cette question de la dette publique se posera d’abord de manière criante dans les pays les plus fragiles. Les ministres des finances du G20 se sont d’ailleurs accordés mercredi sur le principe d’une suspension du service de la dette de 77 états, suspension portant sur 14 des 32 milliards de dollars dus par ceux-ci. Un premier pas, bien que la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) ait estimé dès mars que pour gérer la crise du covid-19 dans les pays en développement, il faudrait débloquer… 2.500 milliards de dollars.

Dette : les débats se profilent…

En France, où la question de la dette publique est régulièrement débattue depuis plusieurs décennies mais où la baisse des taux d’intérêt avait un peu calmé les ardeurs ces derniers temps, les partisans de la relance et de l’austérité recommencent à s’écharper gentiment.

Selon les dernières prévisions budgétaires, notre déficit et notre dette devraient respectivement atteindre 9% et plus de 115% du produit intérieur brut en 2020. Cette année, la dépense publique progressera de presque 7 points par rapport à l’an dernier : elle devrait franchir le cap des 60% dudit PIB. Dans le même temps, les recettes fiscales chuteront de près de 43 milliards d’euros, soit 32 de plus que dans le premier projet de loi de finances rectificative de mars. Le nouveau projet présenté mercredi prévoit ainsi des baisses supplémentaires de l’ordre de 12,8 milliards d’euros d’impôts sur les sociétés et de 9,1 milliards de TVA.

Pour traiter ce problème de la dette, les recettes sont bien connues, mais la plupart semblent aujourd’hui difficiles à mettre en œuvre. Le climat social des dernières années montre assez que le levier de l’imposition a atteint ses limites, quoique rien ne doive interdire les « gestes » isolés de contributeurs ou d’entreprises en situation favorable. La réduction des dépenses publiques ne rencontrera sans doute pas plus d’écho, alors que l’exaspération est à son comble dans les hôpitaux publics, l’éducation nationale ou du côté des forces de l’ordre.

L’option de la création monétaire et de l’inflation pose, quant à elle, plusieurs difficultés (notamment en termes de coût de la vie pour les ménages modestes), avec des effets assez incertains, voire pervers à moyen terme.

Déjà évoquée ça et là, l’idée de travailler davantage qu’à l’accoutumée dans les mois à venir a déjà fait un peu de chemin. Elle pourrait passer par un assouplissement temporaire de la durée du travail, l’abandon de journées de RTT et/ou la création de jours ouvrés. Et bien entendu, tout ce qui pourra être fait pour un « travailler mieux » (c’est-à-dire accroître la productivité) pourra produire des effets, quoiqu’en la matière, il n’y ait pas de recette globale et miraculeuse.

Vers des mesures inédites ?

On notera également que dans les colonnes de nos confrères des Échos, l’économiste Jean-Yves Archer s’interrogeait le 9 avril dernier sur l’éventualité d’une « sorte de Bretton Woods de la dette qui définirait et acterait une restructuration crédible », c’est-à-dire d’un rééchelonnement de cette dette sur le plus long terme. On peut aussi imaginer le principe d’annulations partielles, mais celles-ci ne seront pas sans effets, comme l’a montré l’exemple grec. Difficile également d’agiter en France le spectre d’une ponction d’une partie de l’épargne populaire…

Il est quoiqu’il en soit délicat, à ce stade, d’imaginer dès maintenant les futures réponses à cette question des dettes souveraines. Dans une tribune publiée par La Croix ce 16 avril, Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Bank, juge même « déplacées » ces « préoccupations comptables ». Et considère plus loin que « le risque de nouvelle crise de la dette souveraine est proche de zéro », se fondant sur la solidité de la Banque Centrale Européenne. « Les dégâts économiques liés à la crise et la dégradation des perspectives d’inflation vont inciter la BCE à continuer, voire à accroître ses rachats de dette publique en 2021, et potentiellement au-delà », explique-t-il.

On le voit : dans le petit monde de l’analyse économique, les prévisionnistes n’ont pas tous la même boule de cristal…

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