Si certains festivals carburent au diesel et à la surconsommation de plastique, le Banana Festival, lui, préfère rouler à l’énergie solaire et au groove éthique. Depuis cinq éditions, ce rendez-vous musical à taille humaine secoue les Landes à coups de reggae, d’électro, de rock ou de hip-hop… mais surtout, à grand renfort de bonne volonté collective.
Né dans les bras de l’association Enjoy Promotion en 2019, le festival s’installe chaque été au Théâtre de Verdure de Labenne, dans une ambiance qui respire autant la détente que les pins alentour. Cette année, les 1er et 2 août, le Banana revient plus mûr que jamais, enrobé de beats éco-conçus et de décibels responsables. Un festival qui n’a pas besoin de forcer pour faire danser ou réfléchir : il suffit de tendre l’oreille.
Fakear et Taïro plantent le décor
Ce n’est pas tous les jours qu’un DJ globe-trotter et un monument du reggae français se croisent sous une même canopée. Pourtant, Labenne l’a fait. En haut de l’affiche, deux artistes viennent donner le ton d’un Banana en pleine floraison : Fakear, le sorcier de l’électro organique, et Taïro, le messager aux riddims conscients.
Le premier ouvrira la voie le vendredi avec un set hypnotique et viscéral, extrait de son dernier opus “HyperTalisman”. Derrière les machines, Fakear reconstruit l’électro comme un artisan du monde nouveau : précis, poétique, et totalement raccord avec la démarche environnementale du festival. Le second, attendu samedi avec The Family Band, viendra semer ses messages à base de love et de lucidité, reggae pur jus, généreux, taillé pour les grandes scènes comme pour les sous-bois éclairés. Deux styles, deux mondes, une même vibration : celle d’un festival qui voit plus loin que ses enceintes.
Le Théâtre de Verdure n’est pas une simple salle de concert. C’est un cocon naturel, un écrin à ciel ouvert où la musique résonne entre les troncs. Le Banana l’a bien compris et y déploie une ambiance « chillissime », entre hamacs et foodtrucks, où l’on passe du pogo au pique-nique sans lever le pied. Sous les branchages, Nestaflex fera trembler la terre d’un dub profond et artisanal. Brez, champion français de beatbox, tentera des dialogues impossibles avec son propre souffle. Et Bineta, altiste solaire, emmènera le public vers des rivages plus intimes, entre folk et mémoire incarnée.
Même les corps deviennent toiles vivantes grâce à Spelim, qui mêle soul tribale et bodypainting fluo. À Labenne, les genres se croisent, les disciplines s’embrassent, et l’imaginaire fait des tours de piste.
Entre beats et bio
Ici, la fête a du goût. Mais pas celui du jetable. Pas de nuggets congelés ni de barquettes en plastique à l’horizon : le Banana cultive une alimentation de circuit court, en collaboration avec La Ferme D-vers, maraîcher engagé basé à Saint-Martin-de-Seignanx. Dans l’assiette des artistes et des bénévoles : des produits bio, locaux, et de saison, cuisinés avec amour. Loin d’être un détail, c’est l’un des piliers d’un festival qui ne laisse rien au hasard. Même les déchets ont droit à leur moment de gloire : le SITCOM des Landes est partenaire de l’opération pour renforcer le tri et la réduction des déchets.
Mais le vrai festin, c’est la déco : chaque année, les bénévoles rivalisent d’imagination pour composer des installations 100 % récup, à partir d’objets collectés localement ou chinés dans les greniers. Guirlandes de vélos, canapés en palettes, luminaires de fortune devenus féériques… À Labenne, l’écologie se fait créative et joyeuse. Un monde d’après qui swingue.
Si certains arrivent en van climatisé, d’autres préfèrent la voie lente. Cette année, tous les artistes voyagent en train, et l’un d’entre eux, probablement Pas Sage, arrivera à vélo pour son concert nomade du vendredi. Un symbole fort, la preuve qu’un autre tempo est possible, même pour ceux qui vivent de scènes et de kilomètres. Et sur place, le public n’est pas en reste : des cendriers de poche sont disponibles, et des équipes de bénévoles mènent des opérations de ramassage des mégots chaque matin. Car oui, la plage est proche… et le respect du sable commence dès la scène.
Le Banana ne joue pas solo : il joue collectif. Et ça se sent. Chaque édition est le fruit d’un travail d’équipe colossal, où bénévoles, artistes, techniciens et festivaliers participent à bâtir une expérience différente. Loin des méga-événements impersonnels, Labenne cultive un modèle où chacun met la main à la pâte (ou à la pâte à papier recyclé). Le public aussi est acteur : invité à participer à des ateliers de sensibilisation, à tester les toilettes sèches, à consommer responsable, ou tout simplement à profiter sans tout polluer.
Car faire la fête, ici, ce n’est pas débrancher son cerveau, c’est le reconnecter. Au vivant. Aux autres. Aux sons et aux saisons.
Sébastien Soumagnas
Réagissez à cet article
Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire