Abonnez-vous
Publié le Mis à jour le

Double peine dans les prisons en ces temps de pandémie

Avec l’apparition soudaine du coronavirus, des hommes, des femmes et des enfants se sont brutalement retrouvés privés du peu de liberté qu’il leur restait...
PRISON 1
Outre l’interdiction de toutes activités, ateliers ou formation, la suspension des parloirs familiaux dès le 18 mars, par mesure de sécurité sanitaire, a mis le feu aux poudres. Les tensions sont rapidement devenues extrêmes entre prisonniers et personnel pénitentiaire, y compris entre détenus eux-mêmes.

Des mutineries ont eu lieu dans plus de quarante centres de détention, dont celle d’Uzerche le 22 mars. Deux bâtiments y ont été incendiés, obligeant le transfert en urgence de trois cent-trente condamnés vers d’autres prisons.

L’annonce du premier décès lié au coronavirus à Fresnes, le 16 mars, a apporté la preuve que les portes des pénitenciers ne résistaient pas à la propagation venue de l’extérieur. Ces lieux carcéraux pouvant même devenir rapidement des bombes épidémiologiques.

Les visites des proches étant interdites, et les contacts réduits a minima, les personnes en détention se sont retrouvées seules face aux informations (en boucle et alarmistes) des écrans de télé devenus gratuits.

À Mulhouse, dans l’un des départements les plus touchés de France, les détenus sont très inquiets pour la santé de leur famille. La nécessité d’échanger avec les surveillants est devenue absolue pour les rassurer. Le dialogue permet ainsi de désamorcer angoisses et tensions.

À Fleury-Mérogis, la plus grande prison d’Europe, un étage entier a été réaménagé pour isoler rapidement ceux qui présenteraient des symptômes suspects.

Partout et à leurs côtés, des surveillants, conseillers pénitentiaires, éducateurs, directeurs et professionnels de santé - hommes et femmes eux aussi exposés à la gravité de la crise sanitaire et aux problèmes de cette promiscuité imposée - partagent leur insupportable quotidien.

Le 23 mars, le gouvernement a donc pris des mesures inédites, autorisant la libération de condamnés pour délits mineurs en fin de peine, afin de désengorger les centres de réclusion. Alors que l’on enregistrait plus de 72 500 détenus avant le confinement, les 188 établissements français en comptaient 62 500 un mois plus tard. Soit un taux d’occupation de 103% contre 119%, dans lequel de Syndicat National des Directeurs Pénitentiaires voit

« un gigantesque espoir » pour l’encellulement individuel, dont ils font désormais une priorité.

Dans une lettre ouverte au chef de l’État, datée du 20 avril, le SNDP souligne : « Le tabou est désormais brisé. Vous savez le faire. La crise sanitaire vient de le démontrer. Ayez le courage et la cohérence d'y répondre comme vous avez pu répondre, pour les personnes détenues et pour les personnels pénitentiaires, à l'urgence de la pandémie ».

Ils réclament également « la création d’un secrétariat d’État aux questions pénitentiaires, chargé de mettre en marche la prison et la probation du XXIe siècle en donnant à l’Administration pénitentiaire les moyens d’entrer véritablement dans la modernité. »

La France ayant déjà fait l’objet d’une condamnation sévère par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le 30 janvier dernier, en raison de la promiscuité et des conditions matérielles indignes, la crise sanitaire qui a ébranlé le monde entier aura-t-elle des conséquences inattendues sur le problème de surpopulation carcérale ?

À l’heure où tous les regards sont braqués sur la date du 11 mai, les visites devraient enfin pouvoir reprendre. Dès à présent, les établissements s’organisent pour accueillir les familles dans la limite des conditions sanitaires à respecter. Ce qui aura l’effet d’une véritable bouffée d’oxygène pour les détenus, tout en assurant leur protection.

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

À lire aussi