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Euralis : des choix stratégiques très porteurs malgré un contexte délicat

Si le groupe coopératif béarnais voit son chiffre d’affaires baisser de 3,6 % par rapport à l’exercice 2021-2022, sa performance économique est en hausse. De quoi porter un développement ambitieux et vertueux.
Christophe Congues, président du Groupe Euralis, et Philippe Saux, son directeur, lors de la présentation du bilan financier d'Euralis.
Cette année a été marquée par une trentaine de jours en vigilance canicule, deux épisodes de grippe aviaire, une forte inflation et la guerre en Ukraine... Malgré un chiffre d’affaires en baisse (1,58 milliard d’euros, dont 491 millions à l’international), en raison des oscillations du prix des céréales, Euralis enregistre un bénéfice de 91 millions d’euros (avant impôts).

Depuis trois ans, Euralis a mis en place un plan stratégique tourné vers la transformation de l’agriculture et l’accompagnement de ses adhérents vers des modèles plus vertueux. « Notre ambition est de transformer l'avenir sombre qui se dresse devant nous en opportunité, en source d’espoir et de développement pour nos familles et notre territoire », souligne Christophe Congues, le président du groupe coopératif.

Les activités agricoles maintiennent leurs niveaux de rentabilité et le développement des filières se poursuit, avec une croissance des productions végétales contractuelles (légumes, semences, maïs spéciaux, kiwis) de 9 %.

« Nos objectifs restent les mêmes : proposer des produits innovants, en phase avec les tendances de consommation, à l’image de la Table des producteurs, qui regroupe 500 éleveurs et agriculteurs, ou les marques Rougié, Montfort et Stalaven », expose Philippe Saux, le directeur général.

Des marques en développement  

Malgré la crise actuelle du pouvoir d’achat des Français, les magasins Point Vert enregistrent une hausse de leur chiffre d’affaires de 5 %. De son côté, l’activité « La Table des Producteurs » augmente de 6 %. Elle permet de valoriser les productions en circuit court.

La filiale dédiée aux semences, Lidea, confirme son évolution positive, portée par une génétique performante. Elle affiche cette année, un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros. Un petit exploit, sachant qu’elle réalise près de 90 % de son activité en dehors de l’Hexagone, et plus de 50 % hors des frontières européennes. Lidea a su maintenir ses positions sur le marché français en maïs grain, aidé en cela par les bons résultats de la génétique précoce particulièrement adaptée au changement climatique. Le plan de production semé cette année en France s’élève à 24.000 hectares, ce qui représente une vraie valeur ajoutée pour les producteurs du Sud-Ouest.

Si l’activité en Ukraine reste perturbée par la guerre (activité commerciale en recul de 40 % pour le maïs), le plan de production de Lidea sur le continent européen s’élève à 57.000 hectares (en hausse de 20 % par rapport à l’an passé), principalement du fait d’un plan ambitieux en tournesol. Lidea poursuit également son développement sur les différents marchés d’Europe de l’Est.

L’Ebitda (bénéfices avant impôts) d’Euralis Gastronomie progresse dans un exercice pourtant marqué une nouvelle fois par l’impact négatif de l’influenza aviaire (- 22 millions d’euros pour Euralis) et l’inflation (aliments pour animaux, énergie, emballages). Quant au chiffre d’affaires, il est en recul de 10 % du fait du manque de canards disponibles entraînant de nouvelles mesures d’activité partielle pour les sites de transformation. La marque Maison Montfort confirme cependant sa position de n°2 en grandes et moyennes surfaces.

« Depuis le 1er octobre, 7 millions de canards ont déjà été vaccinés. On croit profondément en cette action, qui va véritablement limiter les épisodes d’influenza aviaire. À partir du 1er janvier, on compte sur l’objectif que tous les canards soient vaccinés. Donc, on espère une bonne année 2024 sur le canard », confie Philippe Saux.

La marque Rougié poursuit sa diversification, afin de pouvoir « proposer une large gamme d’approvisionnement pour les chefs étoilés, tout en amenant du confort à l’utilisation des produits », précise le président d’Euralis. Après le homard bleu de Bretagne lancé il y a dix ans, la marque des chefs propose la commercialisation de noix de Saint-Jacques sauvage en surgélation. Malgré les épisodes de grippe aviaire qui ont limité les disponibles à la vente, les investissements industriels et marketing ont été maintenus.

Euralis accompagne ses adhérents dans le développement de leurs activités.
Euralis

Accompagner les éleveurs dans les transitions

« Euralis œuvre depuis plusieurs années sur les transformations agricole, alimentaire et énergétique, afin de développer sur nos territoires des solutions et des produits innovants et durables », ajoute Philippe Saux.

Le groupe coopératif agricole a su adapter son organisation pour accompagner au plus près les acteurs de la filière, de l’agriculteur au client final. Le conseil et les services aux agriculteurs continuent de progresser avec un chiffre d’affaires en croissance de +21 %. Cette année, 2.300 prestations de conseil agronomique ou stratégique ont ainsi été réalisées auprès des agriculteurs. Par ailleurs, 730 agriculteurs ont engagé une démarche environnementale (HVE, Bio, Agriculture régénératrice…).

« Notre coopérative s’est largement mobilisée afin d’aider les exploitants agricoles au mieux. Nous proposons à nos agriculteurs de nouvelles productions contractuelles, en partenariat avec nos clients industriels aval. Nous travaillons à la création de débouchés, parmi lesquels la production d’énergie photovoltaïque. Enfin, nous soutenons et accompagnons le déploiement des campagnes de vaccination contre la grippe aviaire pour les palmipèdes, ce qui permet aux éleveurs de la filière de gagner en sérénité », assure Christophe Congues.

L’activité traiteur s’adapte à des marchés sous pression

Comme pour la majorité des acteurs de l’activité charcuterie et traiteur, l’inflation a impacté les coûts de production d’un marché lui-même sous la contrainte de consommateurs à la recherche d’économies sur leurs dépenses alimentaires : 27% des clients disent se rendre moins souvent dans un commerce alimentaire de proximité.

Face à ces marchés en recul en volume, l’activité traiteur réalise une performance économique qui reste positive, mais en baisse par rapport à l’exercice précédent. Elle a redoublé d’efforts pour concilier la supériorité du produit, la flexibilité et la maîtrise des coûts. L’exercice est marqué par des innovations de produits (cakes tranchés, soufflés…) et des lancements réussis (tomates à la provençale, mini-saucissons apéritifs…).

Stalaven élabore et commercialise des produits traiteurs frais auprès de commerces indépendants et de proximité, tels que les bouchers-charcutiers-traiteurs, les boulangers, les cavistes ou les restauranteurs. Sans surprise, les dirigeants du groupe coopératif agricole constatent un recul de ses performances dans ce domaine, en lien avec la baisse de consommation. Chez les bouchers-charcutiers-traiteurs, celle-ci est évaluée à 10 % du trafic. Pour inverser la tendance, la gamme de produits est en plein développement : entrée, pâtisserie salée…

Quant aux marques de salaisons Teyssier, et Perpezac le Noir, elles restent des références pour les professionnels avec des médailles et des prix lors du Concours Général Agricole et du Mondial Rabelais. Cette année se caractérise aussi par des investissements industriels significatifs, notamment sur l’atelier pâtisserie salée (feuilletés, cakes, croques, soufflés et quiches) à Yffiniac. Ils doivent permettre de renforcer l’activité traiteur sur ce marché.

Vers une agriculture plus durable

« Le déploiement de nos stratégies se poursuit avec une ambition qui reste la même : renforcer une agriculture responsable sur nos territoires et proposer une alimentation saine et durable. C’est un chemin très long, mais qui est très bien amorcé et qui est en train de s’accélérer, notamment grâce à des investissements », note le directeur général.

Le virage vers les énergies renouvelables se confirme pour la coopérative agricole. Plus de 100 contrats représentant 18,5 mégawatts-crêtes ont déjà été signés par Eurasolis, la filière photovoltaïque d’Euralis à destination des agriculteurs. Elle a pour ambition de devenir un acteur majeur des énergies renouvelables dans le Sud-Ouest, son territoire coopératif.

Pour y parvenir, Euralis a constitué un réseau de partenaires de choix : Euralis s’est associé à IntHy, producteur et distributeur d’énergies renouvelables, pour accélérer le développement d’Eurasolis, en intégrant son capital.

Cette filière poursuit la dynamique de ses activités existantes, centrées sur les installations en toiture, et travaille à élargir son offre au photovoltaïque au sol et à l’agrivoltaïsme dans les mois à venir.

Par ailleurs, la filière méthanisation se structure et se développe peu à peu, avec notamment la signature d’un partenariat avec TotalEnergies, autour du biométhaniseur BioBéarn. « C’est une avancée majeure pour la valorisation de nos déchets agricoles. Nous essayons de sensibiliser fortement nos adhérents à l’utilisation du digestat organique qui en découle à la place d’intrants chimiques ».

En revanche, Euralis ne cache pas sa déconvenue sur la thématique de la conversion de parcelles en agriculture biologique. « On a valorisé cette dynamique de conversion en bio, mais on sait aujourd’hui que c’était une erreur, car les agriculteurs ont davantage de contraintes, pour quasiment le même prix de vente. On s’attendait à ce que 25 % des consommateurs qui veulent du bio, mais aujourd’hui, on est seulement autour de 7 % des Français (selon l’Agence bio). On assume cette mauvaise trajectoire et on s’attend à ce que beaucoup d’adhérents changent de mode de production. Entre 20 et 30 % d’entre eux », admet Christophe Congues.

Construire un avenir collectivement

Euralis est déterminé à travailler sur les axes stratégiques mis en place depuis trois ans. Les filières sont en pleine expansion. Par exemple, cette année a vu la première récolte de kiwis rouges élevés sous des serres photovoltaïques. Les parcelles plantées passeront de 20 à 30 hectares l'an prochain.

Malgré l’échec du projet de rapprochement avec Maïsadour, le groupe coopératif agricole reste dans sa logique de partenariats. Profondément ancrés dans l’ADN du groupe (Euralis est la contraction d’Europe Alliance Maïs], ils lui permettent de renforcer ses compétences. La création de Senders Euralis (qui a fêté ses dix ans cette année : la nutrition animale relève les défis de la durabilité et de la transmission) ou encore de Lidea depuis trois ans en sont des exemples pertinents.

Partenaires depuis de nombreuses années pour la production de maïs doux et de légumes verts, Euralis et Bonduelle ont signé en 2022 un partenariat pour la création d’une filière de légumes secs. Le groupe coopératif propose désormais à ses agriculteurs adhérents de produire des lentilles, haricots secs et pois chiches avec Bonduelle.

Cette filière s’inscrit dans la politique de souveraineté alimentaire menée par le gouvernement et renforcée par les crises sanitaires successives. Elle répond à l’intérêt croissant des consommateurs pour les protéines végétales et les produits cultivés et transformés en France et offre une diversification de revenus pour les agriculteurs de la coopérative. D’ici 2025, les deux acteurs espèrent planter 6.500 hectares de pois chiches, lentilles et haricots rouges.

« Nous restons à l’écoute d’opportunités et de partenariats susceptibles de renforcer nos activités qui connaissent de profondes mutations. La signature récente de notre accord avec Bonduelle pour la création de la filière légumes secs ou encore l’intégration d’IntHy au capital d’Eurasolis, sont deux exemples qui illustrent bien cette volonté. On va saisir toutes les opportunités qui vont s’offrir à nous. Il est indispensable de relever collectivement les défis structurels auxquels la filière est confrontée », indique Philippe Saux.

Noémie Besnard

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