Je n’en savais que ces réminiscences de l’enfance, de ma mère (très « maman poule ») qui ne partait jamais en week-end ou rechignait à rentrer tard, parce que… les poules allaient être déréglées, une affirmation se terminant toujours par « …, les pauvres ! » Bien entendu, je croyais que les avoir se limitait à leur jeter toutes les épluchures possibles, un peu de maïs et hop, le tour était joué, à moi les bons œufs à la coque ! La réalité s’est avérée un peu éloignée de la bucolique image. À peine un chouya…Du genre « comme une poule qui a trouvé un couteau », et ne sait que fichtre en faire.
Il y eut d’abord l’arrivée inopinée de Coco le Coq. Au départ, croyant que si je ne voulais pas de poussins, je pouvais me passer de lui, j’avais décrété un peu trop rapidement que ce serait « non, non et non » ou « quand les poules auraient des dents ». Mais un vieux monsieur auquel je me lamentais des ravages des prédateurs me recommanda de « m’équiper » d’un coq, et m’en apporta un.
L’effet fut quasi immédiat : le coq se mit illico à protéger ses poules, y compris au péril de sa vie. Résultat : mes poules vont bien, mais parfois je récupère Coco en piteux état. Le poitrail déplumé, l’œil hagard, la tête dodelinant. J’ai appris à le soigner de façon naturelle par la force des choses, le premier vétérinaire étant éloigné et un peu réticent. Un peu de vinaigre de cidre ici, de l’ail par là, de la pommade aux herbes pour ses blessures, et quand ça vire grave, de l’aspirine diluée dans de l’eau, et la seringue dans le bec. À la ferme comme à la ferme ! Au début, il regimbait, et mes chevilles en étaient l’enflammée démonstration (je dois avouer, honte sur moi, que je l’ai même menacé un temps de finir en coq au vin. Il a plutôt terminé en coq en pâte. Un psy spécialisé en animaux de basse-cour approuverait-il ma psy-coq-thérapie ?). Mais avec le temps, nous faisons un grand duo : il protège les poules, je le soigne. Et je me suis prise d’une immense affection pour lui. Au point que je n’imagine plus la vie sans Coco.
Avoir des poules, c’est découvrir tout le champ lexical des parasites, du nettoyage très olfactif de la basse-cour, des bouderies climatiques et autres débouchant sur la « grève des œufs », les ravages sur le potager si, par mégarde, on ne l’a pas bien clôturé et qu’on l’a laissé en « open bar ». C’est aussi apprendre leur hiérarchie singulière, la façon rude qu’elles ont d’accueillir les petites nouvelles (qui, elles-mêmes, se vengeront sur la nouvelle génération). Heureusement que je suis fan d’Anny Duperey et qu’elle a eu la belle idée de « pondre » deux livres qui ont fait mon éducation poulaillère : « Le poil et la plume » ou « Le fabuleux destin de l’œuf et de la poule ».
Mais ce n’est pas grave, au palmarès de mes instants préférés, juste avant (ou après) le fait de lire un super roman en mangeant un sandwich, il y a le fait, de bon matin et que le climat le permet, armée d’un thé, d’aller le déguster en regardant mes poules. Carla, Martha, Titi et Titine, Chérie-Chérie (ma chouchou mais ne le dites pas aux autres), Tototte et Cocotte, Poulette et Poupoule (oui, j’ai une imagination débordante, que voulez-vous ! Quand je pense que celles d’Anny Duperey, encore elle, portent des noms aussi intelligents que Orpington ou Brahma, j’ai honte !), ainsi que Coco le Coq
Tout ce petit monde caquette, répond à mes gagateries animalières : « on a faim, les filles ? », « vous allez me donner de bons cocos ? », « oh mais vous mangez beaucoup aujourd’hui, c’est bon ? ». Si quiconque m’entendait, c’en serait fini de ma crédibilité si tant est que j’en ai jamais eu une ! J’avais déjà noté cette tendance à gagater avec chats, chiens et autres animaux domestiques. Mais désormais s’ajoute à cette liste non exhaustive le gagatage poupoulesque. Dites, c’est grave, doc’ ?
Bah, je pourrais aussi en écrire un livre entier, style Chroniques de ma vie au poulailler, mais j’ai peur de vous barber. Toutefois, au premier commentaire incitatif, ici ou sur les réseaux sociaux, roule ma poule, vous entendrez régulièrement parler de mes poules et de Coco. Sinon, votre silence sera suffisamment éloquent pour que j’en tire les enseignements nécessaires : vous vous fichez de mes poules comme de votre premier œuf frit. Et ça, ce serait pas joli-joli ! J’en ai la chair de poule rien que d’y penser.
Gracianne Hastoy, super poulette.
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