Je viens de recevoir un courriel de Soeur Sandrine Boudin. Déjà, permettez-moi de vous dire qu'à sa place, je ne me serais jamais faite religieuse. Je me serais mariée fissa. Et j'aurais choisi soigneusement mon mari en fonction de son nom.
Parce que Sandrine De La Tour de Castille, ça aurait autrement plus de gueule que Sandrine Boudin.
Mais bon, là n'est pas le propos du jour…
Donc, disais-je en préambule, cette brave Soeur Sandrine Boudin m'a envoyé un courriel. Moderne les religieuses, qu'on se le dise ! A priori, je n'ai pas dans mes connaissances de Sandrine Boudin (je pense que je m'en souviendrais) et dès le départ de sa lettre, le, pardon la Boudin m'explique pourquoi, dans un déluge d'approximations grammaticales dues uniquement à Google Translator, car il est impossible qu'une "Soeur" soit aussi nulle pour parlationner la françouzen : "Excusez-moi de cette manière de vous contacter, car nous ne nous connaissions pas, j'ai obtenu votre adresse e-mail par globale page jaune." Trop, trop forte, ma Sandrine (Merci Franck Dubosc de me faire illico penser à "Sandrine Trop Forte", pour Cindy Crawford, merci). Je ne connaissais pas "globale page jaune", ça doit être un truc exotique vraiment balèze, qui recense toutes les adresses mails du monde, whaou...
Donc, c'est ensuite que mon coeur se serre, et que l'émotion m'emplit de son mélange doux-amer de larmes et de pitié compassionnelle, car elle est dans une de ces galères, cette pauvre Sandrine.
Jugez-en plutôt : "En bref, je me nomme Sandrine Boudin (Nda : merci, ça j'avais remarqué, oui...), je souffre d'une grave maladie qui me condamne à une mort certaine qui est le cancer de gorge, et je dispose d'une somme de 4 millions d'Euros dont je voudrais faire une donation à une personne de confiance et d'honnête afin qu'il en fasse bon usage." Ouhla, tout ça dans la même phrase, c'est trop trop d'émotions vraiment. Fallait pas cloper comme une grande malade, ma Sandrinounette, et puis comment tu le sais, hein, que suis honnête et de confiance ? Pareil je suis la pire des roublardes de la planète (qui a dit : "je confirme" dans la pièce ?).
Parce que je te vois venir gros comme un couvent de Bénédictines, parce que c'est pas la première fois que ça m'arrive et que tu vas vouloir, comme ça, parce que tu le sens bien ce mail de g.hastoy@hotmail.com que, badabam, tu vas me filer 4 millions d'euros. C'tte chance que j'ai pas, moi !
C'est après que ça se basque, ou béarnais, enfin corse quoi : "Je suis propriétaire d'une entreprise d'importation de cacao au Mali, et j'ai perdu mon époux il y a de cela 7 ans, ce qui m'a beaucoup affecté et je n'ai pu me remarier jusqu'à ce jour, nous n'avions pas d'enfant, car mon épouse était beaucoup maladive." Oh là, pffff, tu vois, je te l'avais dit que c'était exotique cette affaire.
Donc, je rékéképépétte, au Mali, une religieuse a le droit de se marier, de diriger une entreprise d'importation de Cacao, peux avoir des enfants et ce même si son "épouse est trop maladive"... Donc, les religieuses maliennes peuvent être lesbiennes et se marier ! Tu vois, on cantonne trop ces pays là à des guerres malsaines, à des virus ébolesquement mortels, et on ne parle pas assez de leur ouverture d'esprit, et s'entend de leur immense générosité, car voilà que ma Didine (on est intimes maintenant, elle s'apprête quand même à me refiler ses screugneugneus de 4 millions d'euros) touche le fond : "Je voudrais faire ce don, avant m'a mort (sic), car le médecin m'a fait savoir que je n'ai pratiquement plus de chance de vivre longtemps avec cette maladie qui ne fait que s'aggraver de jour en jour."
S'ensuit une litanie approximativement bouleversante de comment ma Didine boudinesque a fait le tour du monde, pauvrine, pour rechercher un remède et consulter d'éminents spécialistes du cancer, mais au lieu de s'améliorer, son état a empiré, chienne de vie.
Là où je ne comprends plus trop (encore cette histoire de Soeur Boudin qui me triture le neurone, faut vraiment que j'ouvre un peu mes crachats, pardon mes chakras réceptifs), c'est que Didine me concède avoir "passé toute mon existence à me consacrer à mon travail et à amasser des fortunes, sans m'ouvrir au monde. J'ai toujours vécu dans la solitude depuis le décès de mon époux." Vraiment, la pauvre... En même temps, pour une religieuse, pas s'ouvrir au monde et amasser autant de thunes, c'est pas vraiment déontologique, non ?
Enfin, c'est toujours pareil, au Mali, Soeur Boudin, ça doit pas vouloir dire pareil que chez nous... Exotisme africain, quand tu nous tiens.
Nous voici enfin parvenus à la grande révélation, qui m'emplit de joie et d'euphorie, mais qui m'attriste pour cette pauvre Didine, devenue en l'espace d'un courriel ma nouvelle grande amie pour la vie ("Quand l'une de nous deux mourra, j'aurai beaucoup de peine", disait sagement Laurence Sémonin) et qui m'a choisie entre toutes les femmes, pour ma Grâce (Hi Han) : "Alors en ce moment, je ne voudrais pas mourir en laissant cette somme au profil (sic) de la banque, sans aucun bénéficiaire légitime, c'est pour cela que je vous écris en ce jour pour vous faire part de mon oeuvre, qui est de vous faire bénéficier de ces fonds, tout en ayant conscience que nous ne nous connaissons pas."
Bravo Didine, bien dit. Et pour les banques, t'as raison, tous des pourris qui se servent sur notre dos au moindre petit trépas de rien, c'est donc pareil partout sur la planète ! Pfff... Et puis t'as bien choisi, je suis parfaite pour super bien utiliser tes quatre millions d'euros, gagnés à la sueur de ton front, et dont j'ai déjà une petite vague idée de comment les dépenser.
Ensuite, ce ne sont que des paperasseries bassement administratives, dont toi et moi nous passerions bien, il faut que je te contacte, tu vas certainement me demander mon numéro de compte bancaire pour effectuer le virement, avant qu'une mort certaine ne t'emporte, tout ça, fastidieux mais efficace.
N'empêche, j'ai de la chance. Tu vois pas que je sois atteinte d'un cancer en stade terminal, que je sois dans une solitude et une fragilité morale extrême, et que je reçoive ton courriel à ce moment précis ? J'aurais pu mal le prendre, dis donc... Tandis que là, ça tombe vraiment bien.
Je m'en vais annoncer de ce pas au boss de PresseLib' que me voilà en vacances éternelles, quelque part sous les cocotiers et la mer turquoise des Caraïbes, mais promis juré pas craché, ma Didine Boudin adorée, je penserai à toi jusqu'à la fin de mes propres jours (pas sûr que je n'aie ta grandeur d'âme au moment de mon testament, ni d'ailleurs seulement 4 centimes d'euros à léguer).
Enfin bon, moi je dis ça, je dis rien...
Soeur Gracianne Hastoy
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