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    Les dits du vendredi

    Prose du Plateau de Ger… regard de Christian Laborde
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    Géographie - Ger (plateau de). Haut plateau couronné de dépôts étalés par un ancien gave de Pau à la sortie des Pyrénées, dans des conditions comparables à celles de la Neste pour le Lannemezan ; il est toutefois moins entaillé par les rivières. Situé entre Pau et Tarbes, il se situe surtout dans les Pyrénées-Atlantiques, mais son rebord oriental, boisé, domine la plaine de Tarbes à Ossun, Ibos, Bordères-sur-l'Échez et Oursbelille. Il porte les deux enclaves du département des Hautes-Pyrénées, divisées en cinq communes des cantons de Vic-en-Bigorre et Ossun. Le village de Ger est en Pyrénées-Atlantiques, mais le terrain militaire de Ger est dans les Hautes-Pyrénées. Le nom a la même racine que gar, ker : le rocher, ici les cailloux.

    Pauvre en rivières donc, le Plateau de Ger, mais riche en routes. Ombragées, tordues, étroites, les routes parcourent le Plateau de Ger, se croisant, s’entrecroisant, se relayant, se succédant, innombrables comme des veines. Les routes du Plateau de Ger sont le système veineux du vent.

    * * *

    Limendous

    la côte de Limendous

    se pose un peu là

    l’ombre est coquette

    le goudron granuleux

    les virages s’enchaînent

    comme des lacets

    j’opte

    pour un braquet minuscule

    un pignon de somnambule

    je mouline et je rêve

    le soleil qui se lève

    est jaune comme le maillot

    go Lance go

    * * *

    Espéchède

    le pont enjambe le Luy de France

    la route est rêche à souhait

    des bogues de châtaignes sur le goudron

    des chapelets de glands aussi

    je roule sous des chênes

    qui dit chêne dit Le Roy

    il y a d’ailleurs

    à Espéchède

    une rue Saint-Louis

    on n’aura jamais vu passer de Sans culottes

    par ici

    sauf à nommer de la sorte

    les filles d’Espéchède le soir du bal

    * * *

    Lourenties

    Une borne à peine sépare Lourenties d’Eslourenties. A l’heure où les campagnes se meurent sous les coups portés conjointement par la mondialisation et l’agriculture intensive, Lourenties et Eslourenties devraient fusionner, pour résister, tenir, continuer. Je vois déjà la dispute, j’entends la colère, je devine l’impossible conciliation. D’accord mais que le nouveau patelin se nomme Lourenties, assènent les uns ! Pas question, ce sera Eslourenties ou rien, martèlent les autres ! La solution serait, me semble-t-il, de glisser les deux noms dans un shaker, d’y ajouter une rasade d’anglais, de bien secouer, et de savourer le nouveau nom : Slowrentis. Un nom qui sonne comme une invitation à danser. Et l’on organisera, à Slowrenties, chaque année, le big festival international du slow. Quel groupe fera mieux que Procol Harum lequel, au temps des mobylettes bleues, déclenchait le rapprochement des corps dès les premières notes de son inoubliable « A whiter shade of pale ».

    * * *

    Saubole

    D’à peine deux bornes, la route qui relie Eslourenties à Saubole semble n’être le résultat d’aucun creusement, d’aucun terrassement. Elle a été jetée sur la terre comme une étroite et longue épluchure de pomme. La route qui relie Eslourenties à Saubole, c’est le vent qui s’est pelé, peinard, une Golden.

    * * *

    Silence

    mains au guidon

    le soleil dans mes rayons

    les pieds de maïs rescapés des coupes

    laqués de givre

    le silence que rien n’altère

    et qui m’appartient

    changeons de braquet et l’ordre

    des mots

    j’appartiens à ce silence.

    * * *

    Eole

    Le vent est le sèche-cheveux des arbres

    * * *

    Sun

    le soleil surgit

    au-dessus des toits

    d’ardoises

    flambant neuf

    énorme

    comme la médaille au cou

    d’un rappeur

    et le fil de fer

    des clôtures

    brille comme une chaîne d’or

    ciel bling bling

    * * *

    Lombia

    Kézaco, Lombia ? Rien, comme Arrien que je viens de traverser. Peu de maisons, quelques chênes, un chien. Je me méfie. D’ailleurs, il s’empresse de disparaître derrière le pilier du portail ouvert. Il m’attend, prêt à me gober un mollet. Il faut le comprendre : il s’emmerde comme un rat mort, le chien de Lombia. Il ne se passe jamais rien à Lombia. Personne jamais ne traverse Lombia. Enfin une cible, une proie ! Je l’imagine qui se lèche les babines, le chien de Lombia. Je me lève le cul de la selle et, tel Peter Sagan, je me mets à sprinter. J’arrive plein pétrole à hauteur du portail, mais de l’autre côté de la route. Le chien bondit, aboie, sans jamais pouvoir prendre ma roue. Je l’ai enrhumé, le chien de Lombia.

    Christian Laborde


    www.christianlaborde.com

     

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