Pas sûr que vous le connaissiez, ce lieu de bouche, dénommé Les Grands Buffets, situé à Narbonne depuis 1989, proposant un menu buffets à volonté pour 47,90 euros. Une formule qui fonctionne à merveille, puisque malgré la réservation obligatoire, le resto affiche complet chaque jour de l’année, lui permettant de détenir le titre de plus grand restaurant de France, avec 363 000 couverts/an et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il faut attendre d’un jour à un an pour y obtenir une réservation. Alors que tout baignait jusqu’à présent, son patron, Louis Privat, a estimé que le bailleur, le Grand Narbonne, méprisait son œuvre et décidé de quitter les lieux. Pour aller où ? La question reste entière, aussi, au nom de Brillat-Savarin, de Gault-Millau et de Maïté, nous nous permettons de lui émettre quelques suggestions qui, à coup sûr, vont le séduire.
Car changer pour Perpignan, Béziers, Carcassonne ou Montpellier, ce serait jouer petit bras, le régionalisme étriqué, le repetita qui ne placent pas toujours, la routine du coin de la rue. Autant s’ouvrir à la nouveauté, abandonner la Méditerranée, Narbonne et son vent de Cers et se lancer vers l’aventure : Gers, Landes, Pays basque, Béarn, et même, si l’on veut absolument rester en Occitanie, les Hautes-Pyrénées. Toutes des terres de tradition, de gastronomie et de bons goûts. Et accessoirement bien approvisionnées en touristes.
Ainsi, pour le Gers, Auch, naturellement. 22 000 habitants, 1 700 000 visiteurs/an, 260 millions d’euros de dépenses touristiques. Avec à l’affiche son foie gras, ses volailles fermières, ses confits, magrets et pastis gascons. Site préconisé : Le Grand Chêne. Continuons avec les Landes, avec le choix entre Mont-de-Marsan et Dax, cette dernière forte de 21 000 habitants, 1,1 milliard laissé par les touristes dans le département, et dans l’assiette le canard fermier, le bœuf de Chalosse et la tourtière. Là, ou plutôt à Saint-Paul-lés-Dax, s’impose le Grand Mail. Au Pays basque, partagé entre terre et mer, c’est tout autant l’abondance, non seulement de touristes (7 600 000 + 15 millions d’excursionnistes) mais aussi de retombées économiques (1,6 milliards d’euros). Quant à sa cuisine, pas besoin d’en faire des palanquées, tout le monde en raffole : ttoro, marmitako, axoa, jambon de Bayonne et salaisons des Aldudes. Lieu conseillé : la zone d’Iraty, à Biarritz, bien sûr.
Continuons notre périple et nos propositions désintéressées avec le Béarn, représenté par Pau, 76 000 habitants, 2,8 millions de touristes + 8,5 millions d’excursionnistes et 602 millions de retombées économiques. Côté miam, on se bèche les lachines rien qu’en évoquant la garbure, la poule au pot et la palombe, en salmis ou rôtie, le tout arrosé (avec copine modération) de Jurançon ou de Pacherenc. Lieu préconisé : le quartier Lescar. Et posons enfin notre besace du côté de Tarbes, 43 000 habitants, moins de touristes que sur la côte, certes, mais belle affluence en hiver, avec des amateurs de porc noir de Bigorre, de l’alicuit de canard, de haricot tarbais et de gâteau à la broche. Lieu conseillé : l’Arsenal, évidemment, un cadre exceptionnel convenant parfaitement à un tel challenge. Autant de gourmandes possibilités dont on sait que Narbonne, Béziers et compagnie ne pourront pas les égaler, aussi bienveillants soient-ils à l’égard de monsieur Privat…
On se doute que celui-ci ne retiendra pas nos suggestions, soucieux qu’il est de maintenir dans sa zone de prédilection son personnel, 181 fidèles qu’il cajole, ainsi en début d’année avec une prime d’intéressement de 30 %. Dans ce cas, on retiendra un sanglot et on lui conseillera de réfléchir au système de la franchise : un ou deux Grands Buffets sur notre côte et sur l’intérieur, en plus d’une bonne affaire, ça devrait apporter bien du bonheur tant aux résidents qu’à nos visiteurs, qui se prendront un grand coup dans le buffet. Chiche, Privat ? On se tape dans la main ?
Dominique Padovani
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