Pour les locaux comme pour tous les amoureux des pays de l’Adour, l’œuvre de Joseph de Pesquidoux est l’un des plus simples et sûrs moyens de s’immerger dans la culture gasconne.
Publié en deux séries au début des années 20, « Chez nous » est un recueil de chroniques touchant aux « travaux et jeux rustiques » traditionnels du bassin Adour-Gascogne. Rédigé avant et après la première guerre mondiale, cet ensemble de textes est un véritable trésor.
Bourguignon par sa mère et surtout gersois par son père (tous deux écrivains), Joseph Dubosc, comte de Pesquidoux (1869-1946) a été dans l’Entre-deux-guerres l’inlassable observateur et chroniqueur des mœurs gasconnes, qu’il a su décrire comme personne, y gagnant même un surnom plutôt flatteur de « Virgile gascon ». L’académicien était bien placé pour cela : il a passé l’essentiel de sa vie du côté du Houga, au château familial de Pesquidoux, sur la commune de Perchède (32), en parfait gentilhomme campagnard.
Outre la prose unique et captivante de cet écrivain hors normes, les petits essais regroupés dans « Chez nous » sont d’une valeur documentaire inestimable. Car au temps de leur rédaction, déjà, l’auteur était aux premières loges pour constater « l’érosion » progressive des traditions de nos anciens, qui demeurent grâce à lui couchées sur le papier, à l’exemple du travail des fileuses de lin.
« Chez nous » a originellement été publié en deux séries. La première, parue en 1921, regroupe des chroniques écrites entre 1912 et 1914, et la seconde, imprimée deux ans plus tard, d’autres rédigées en 1921 et 1922. Dans cet ensemble d’une quarantaine de brillants petits essais thématiques, Joseph de Pesquidoux nous parle de nos « travaux et jeux rustiques » les plus connus, de la course landaise à la distillation de l’armagnac en passant par le gemmage dans les pignadas, mais aussi de pratiques qui sont un peu moins célébrées aujourd’hui. Au-delà de l’indispensable partie de pelote, admirablement narrée, Pesquidoux s’intéresse par exemple au « billard de quilles », le fascinant ancêtre gascon du bowling.
Jeux, animaux et vieux métiers d’ici…
Pesquidoux, qui sait nous accrocher avec d’édifiantes anecdotes, excelle plus particulièrement dans la description des animaux et de leurs comportements. Chouette hulotte, isard, sanglier, cochon, palombe, renard, blaireau, taupe, abeilles ou chevaux de course (la liste n’est pas exhaustive), aucun ne semble avoir de secret pour lui. Il nous en décrit brillamment les habitudes et la manière de les chasser, toujours avec élégance, humanité et un vocabulaire choisi.
La pêche n’est pas en reste. L’auteur est encore aux premières loges pour nous raconter celle, multiséculaire, de l’étang de Perchède, ainsi que les petits festins qui l’accompagnaient généralement, incluant la daube, l’omelette et, bien sûr, « lou pastis d’Armagnac » : « Et l’on cause, intarissablement, les paroles montent, les rires fusent, et lorsque le café, arrosé d’armagnac, circule, les baisers le suivent : on les fait passer avec les tasses… puis, tout à coup, les bruits cessent. Une femme se lève, et, dans la nuit calme, baignée de lune, elle chante quelque vieil air d’amour passionné ».
Dans « Chez nous », les vieux métiers sont également à l’honneur et très bien incarnés par les connaissances de l’auteur, sabotiers, vignerons, bergers, sorciers ou « faiseurs de cercles » pour la tonnellerie… Tout juste un siècle après la parution de la première série de ce « Chez Nous », il ne manquerait finalement au tableau que les surfeurs, les « startupeurs » et les tenanciers de bars à cocktails…
Un peu tombé dans l’oubli, Joseph de Pesquidoux revient sur le devant de la scène depuis quelques temps. En 2017, l’éditeur et libraire parisien Montbel, spécialisé dans la cynégétique, avait déjà eu la bonne idée de publier les 18 chroniques de « Chez nous » consacrées de près ou de loin à la chasse, accompagnées de 5 autres d’Arnaud de Pesquidoux, qui a continué par la suite l’œuvre de son père.
L’an dernier, c’est l’éditeur bordelais Le Festin qui a remis « Chez nous » à l’honneur, avec cette fois une réédition complète, qu’on ne peut que recommander aux amoureux de cette Gascogne que, sans faire fi de ses différentes composantes, Joseph de Pesquidoux a su nous présenter comme une et indivisible.
À méditer…
A voir : Notice de l’Académie française sur Joseph de Pesquidoux
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